Patrick Rolland: ”Arrêtons le massacre”

Patrick Rolland est éleveur ovin sur la commune de Chichilianne, dans le Trièves. Passionné de son métier, responsable syndical, il connaît le dossier loup sur le bout des doigts. Un dossier qui a vu le jour en 1998 avec les premières attaques qui se sont produites sur le massif de Belledonne.
« Depuis j’ai dû me battre, bien souvent dans le vide, afin de limiter au maximum les dégâts causés par le loup. Batailles qui hélas, n’ont pas apporté grand-chose, bien souvent à cause de nos décideurs qui n’ont pas pu ou pas su monter au créneau »

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Patrick Rolland, comment s’est comporté le loup cet été?
« Au niveau des attaques, elles sont du même calibre que celles des années précédentes. Seul changement notoire, certains nouveaux foyers se sont déclarés, c’est le cas par exemple en Oisans à Huez. Par contre comme chaque année les attaques les plus virulentes et les plus nombreuses ont eu lieu sur le massif de Belledonne. Reste toujours à régler l’éternel problème entre les dégâts constatés, bêtes disparues… Et la saison n’est pas encore terminée car il reste deux mois d’estive. Par contre au niveau des indemnisations, il y aura, c’est certain, un surcoût. »

Les mesures de protection ont donc fait effet?
« On peut le penser mais on est loin de la vérité. Il ne faut pas être naïf, ce n’est pas la mise en place des mesures de protection qui font qu’il y a moins d’attaques. Prenons le cas des fils électriques, il faut en mettre trois, je suis d’accord mais la hauteur de ces trois fils ne dépasse pas 80 cm. Qui peut croire qu’un loup ne peut pas sauter une telle hauteur. À un moment, il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles »

Y a t-il une mesure efficace pour protéger les animaux.?
« Si on en connaissait une, on l’aurait appliquée depuis bien longtemps. Toutes les mesures en notre possession, fils, chiens patou, ont été mises en place dans les départements concernés par les attaques de loup, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence par exemple. Que constate-t-on : il y a moins d’attaques, moins de bêtes abîmées mais le problème reste entier. La population de loups est de plus en plus importante et ceux ci se déplacent. .»

Certains disent: vous vous plaignez mais vous êtes indemnisés…
« C’est un faux problème. Bien sûr que nous sommes indemnisés. Nous aimons nos bêtes, notre travail, comment accepter de les élever pour qu’elles se fassent massacrer.

Comment accepter de se rendre sur les alpages pour découvrir des bêtes déchiquetées? On pourrait se satisfaire d’une indemnité, mais nul ne peut ignorer les conséquences qu’une attaque peut produire auprès des animaux qui ont été témoins de la scène sans être touchés: maladies, stress, avortements etc. Ceci n’est pas indemnisé .

Notre ancien technicien ovin sur le secteur Pierre Parron avait à l’époque fait une étude.Conclusion: à l’époque, on aurait du toucher 1500 F par brebis attaquée. On est loin du compte .

Les bons éleveurs ne courrent pas après des indemnisations. Par contre il est vrai que quelques éleveurs et transhumants peu scrupuleux, profitent du système. Ils sont peu nombreux».

Est-ce que le discours des “responsables élus” a évolué?
« Bonne question. Je répondrai en toute franchise NON. Ils se cachent derrière la Convention de Berne, or chacun sait que le loup n’est pas une espèce en voie de disparition, loin de là.

Une enquête parlementaires a été menée et a prouvé l’incompatibilité entre le loup et l’agneau. Nous étions persuadés que cette conclusion aurait des suites, il n’en est rien. Nos élus politiques, nos responsables professionnels n’ont pas pris en compte l’ampleur du problème, ne se sentent pas ou peu concernés par ce dossier, nous sommes des marginaux qui les empêchent de tourner en rond plutôt qu’autre chose. Notre présence, je parle des éleveurs ovins en montagne, les dérange, j’en suis persuadé.

Prenons le cas de notre département, l’ensemble des responsables a bougé uniquement lorsque le loup a attaqué en zone de plaine. C’est pas normal. Autre exemple, la ministre de l’écologie devait se rendre cet été, dans les Hautes-Alpes, afin d’inaugurer, entre autres, une bergerie. Occasion rêvée pour se faire entendre. J’ai souhaité, avec la base, monter une action. Cela m’a été fortement déconseillé, aussi bien par des élus politiques qu’agricoles. Notre détermination a été la plus forte, la ministre ne s’est pas déplacée. »

Pourtant les opérations coups de poing, très médiatiques, ont du bon.
«A condition qu’elles ne dérangent pas certains penseurs! Voilà pourquoi, dans un premier temps il faudrait surtout que l’on retrouve une solidarité entre nous et que tous les maillons de la chaîne départementale jouent le jeu : éleveurs, responsables agricoles, élus politiques, prefet.. C’est la seule condition pour que le dossier avance.

Au niveau des opérations coups de poing, la dernière date de la foire de Beaucroissant où l’on a exposé un veau massacré deux jours auparavant. Il est certain qu’un veau a plus de poids médiatique qu’ une brebis. Cette action est une réussite mais n’a pas été bien vue par certaines personnes. On se réserve le droit de déposer devant leur bureau une brebis égorgée afin qu’elles comprennent mieux notre désarroi, notre détermination.»

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Un peu d’agitation sur le stand des éleveurs ovins, lors de la foire de Beaucroissant 2007

Selon vous que seraient les mesures à prendre pour qu’on sorte enfin de ce bourbier?
« La première décision à prendre serait de ne plus faire moisir les différents décrets et décisions qui ont été prises mais de les appliquer. Il faudrait contrôler les élevages de loups. Certains sont réglementés d’autres sauvages. Il faudrait changer le statut du loup: il ne doit plus être considéré comme un animal protégé. Il est loin d’être exterminé. Nous savons très bien que l’on ne pourra pas éradiquer le loup, mettons donc en place, avec les chasseurs par exemple, un système éfficace de régulation . C’est la seule décision à prendre pour sauver la situation de nos éleveurs concernés aujourd’hui par ce problème. Un problème qui évolue, nul ne peut dire aujourd’hui que demain il ne sera pas confronté à des attaques. Contrairement à ce que beaucoup pensent le loup n’est pas un animal de montagne mais de plaine et il bouge beaucoup. Cela signifie qu’il faut que l’on retrouve entre nous une certaine solidarité, entre ovins et bovins en particulier»

Et si rien n’est fait?
«C’est à moyen terme la disparition de plusieurs élevages de montagne, d’alpages. Il est vraiment dommage que déjà certains éleveurs se soient lancés dans l’élevage de brebis hors sol. Cela aura pour conséquence que la montagne ne sera plus entretenue, elle va retrouver son état sauvage, elle sera peu attractive. Certains le souhaitent, certes, mais est-ce cela le développement durable?»

Gilbert

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