Produire plus? Oui, mais comment et à quel prix?

2008 est une année importante pour le secteur agricole (bilan de la PAC, négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce,…), qui pourrait se solder par une fragilisation du secteur laitier et, en particulier, de la situation des éleveurs, notamment en zone de montagne. Préparer la sortie du régime des quotas, mais comment? Produire plus, mais avec quels moyens? Avec quels troupeaux? Qui va faire la traite? Et pour quels revenus? Faut-il refuser d’attribuer les primes à la cessation laitière?

Interrogé par sillon38 à La Chapelle-en-Vercors, à l’occasion de la Fête du bleu du Vercors Sassenage, Jean Robin-Brosse, président de la FDSEA, se souvient du conseil de Fréjus Michon, figure de l’élevage laitier isérois (il fut président de la Chambre d’agriculture et de la coopérative laitière Orlac), disparu en 1987: “Fréjus Michon nous répétait: défendez le quota collectif! Le système de prélèvement par entreprise est indispensable. Il a marché en Isère et en Rhône-Alpes. Produire plus? Aujourd’hui, on est en mesure d’avoir les bras pour faire les volumes libérés. Malgré  les baisses que l’on a connues, l’augmentation du prix du lait ouvre des perspectives aux éleveurs. Le bémol, c’est que le système de transfert des références entraîne des pertes de temps. Mais, plus que tout, il faut que celui qui produit ait un revenu digne de ce nom.  Et que ce ne soient pas les grandes surfaces et les compagnies pétrolières qui profitent de la situation”.

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A La Chapelle-en-Vercors, pour la Fête du bleu du Vercors Sassenage: Jean Robin-Brosse, président de la FDSEA, en grande discussion avec Bernard Buisson, maire et conseiller général de Méaudre, Ginette Arnaud, agricultrice, Guy Durand, président de l’APAP, René Jacquin, vice-président de la Chambre d’Agriculture de l’Isère

De fortes tensions persistent, malgré tout, sur le prix du lait payé aux producteurs par les industriels. La récente révolte des producteurs du Finistère vis-à-vis de l’entreprise Entremont, l’atteste. L’OPL  soulignait dans un communiqué,  que ” la gestion des entreprises ne doit pas influer sur la rémunération des producteurs. Ces derniers se doivent d’être rémunérés à juste valeur”.

Une fois de plus, l’OPL demande une augmentation du prix d’achat du lait à 40 centimes/litre. Cette revendication s’effectue en accord avec l’European Milk Board, fédération des producteurs de lait de 14 pays européens. Seule une revalorisation du prix permettrait selon l’OPL de couvrir l’augmentation des charges.
L’Organisation des producteurs de lait appelle ainsi les éleveurs à rester mobilisés, dans l’attente d’actions prévues à la fin du mois d’août.

Produire plus? Il y a un an, le directeur de la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne, Claude Méda, répondant à La Dépêche, à cette même question, se montrait moins optimiste que Jean Robin-Brosse, tout en partageant les mêmes inquiétudes:

« D’accord mais comment? Il faut plus de surface en maïs, plus de places pour les animaux. En fait, il faut réinvestir. Si on achète des têtes de bétail, il faut pouvoir les loger et les nourrir et il faut de la main-d’œuvre. Aujourd’hui, nous avons une capacité de production. Afin de rester dans les quotas, éviter de payer des pénalités, les producteurs ont adapté leurs troupeaux. On ne peut pas faire davantage. » Pour les éleveurs, « la marge, c’est la grande surface qui va la faire. » Et le consommateur y sera de sa poche.

Les récentes négociations de l’OMC ont buté sur la question de l’agriculture, au grand soulagement, entre autres, des éleveurs laitiers français. Mais leurs inquiétudes demeurent et les responsables s’interrogent sur l’avenir de la filière. Le sénateur Bernard Piras (Drôme) , il y a trois mois, avait attiré l’attention de Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche sur cette question, l’appelant à conforter cette filière, dont il soulignait les atouts:

–    fermes laitières à dimension humaine, réparties sur l’ensemble de nos territoires,
–    production d’un lait de qualité indispensable à la variété de notre alimentation quotidienne en respectant les règles sanitaires et environnementales qui s’imposent en Europe,
–    aménagement durable des territoires ruraux ainsi que des zones fragiles,
–    maintien de l’emploi dans des zones rurales où la production laitière est fortement créatrice de richesses,
–    juste répartition de la valeur ajoutée du producteur au consommateur final pour qu’ils puissent vivre dignement du fruit de leur travail.

Il demandait au ministre de lui indiquer les mesures qu’il entend prendre pour rassurer et soutenir la filière laitière française.

Lors de la dernière assemblée générale de la FNPL 2008 (le 20 mars à St-Etienne), le ministre, qui, par ailleurs, a souvent affirmé  sa volonté de défendre l’élevage montagnard, avait en partie répondu à la question: ” Je connais votre attachement à la gestion française des quotas laitiers qui a permis à la fois de maintenir une production en adéquation avec les marchés ainsi qu’une présence des exploitations laitières sur l’ensemble du territoire national. Cependant, dans ce contexte communautaire en mouvement, il apparaît urgent de se préparer à l’après quotas en consolidant la production dans toutes les régions de France. Pour se préparer, les règles de gestion des quotas laitiers doivent donc évoluer afin de permettre aux producteurs et aux entreprises d’accroître leur compétitivité et de rattraper ou de se maintenir au niveau de leurs principaux concurrents”.

La France étant depuis plus d’un mois aux manettes de l’Union européenne, les éleveurs sont donc en droit d’attendre une “consolidation de la production dans toutes les régions de France”.

Petit rappel: Rhône-Alpes est la première région française pour la production de yaourts et pour la production de desserts frais. Sur le territoire de la région sont présentes trois grandes unités de fabrication de produits frais (Saint-Just-Chaleyssin, Vienne, Andrézieux-Bouthéon) parmi lesquelles on compte la deuxième , en dimension, de l’Union Européenne (Saint-Just-Chaleyssin). Toutes les grandes entreprises laitières de France y exercent une activité : SODIAAL, Danone, Nestlé, Bongrain, Lactalys, Bel.

Gilbert

One thought on “Produire plus? Oui, mais comment et à quel prix?

  1. J’ai une réponse à la question: qui va faire la traite? Les robots. Le CIEL indique, en effet, que la nouvelle génération de robots de traite a débarqué et s’implante à la vitesse grand V. Il y en a 30 en service en Rhône-Alpes et 4 en Isère.

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