Le sol: un précieux réservoir de carbone

Un nouveau rapport publié par la Commission européenne souligne le rôle crucial que les sols peuvent jouer dans l’atténuation du changement climatique. Les sols renferment environ deux fois plus de carbone que l’atmosphère, et trois fois plus que la végétation.

Les sols européens sont un gigantesque réservoir de carbone, puisqu’ils en contiennent quelque 75 milliards de tonnes, et une mauvaise gestion pourrait avoir des conséquences graves: ainsi, l’absence de protection des tourbières qui subsistent en Europe entraînerait des émissions de carbone équivalentes à celles que causerait la mise en circulation de 40 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes.

Le rapport susmentionné, qui fait la synthèse des meilleures informations disponibles sur les liens entre les sols et le changement climatique, insiste sur la nécessité de «séquestrer»le carbone dans les sols. Cette technique est compétitive sur le plan des coûts et immédiatement disponible, elle ne requiert pas de technologies nouvelles ou n’ayant pas encore fait leurs preuves, et offre un potentiel d’atténuation comparable à celui de n’importe quel autre secteur de l’économie. Comme le souligne la stratégie thématique en faveur de la protection des sols, il importe d’inverser la tendance actuelle à la dégradation des sols et d’améliorer les pratiques de gestion des sols pour parvenir à un taux de piégeage élevé du carbone dans les sols.

Stavros Dimas, membre de la Commission chargé de l’environnement, a déclaré à ce propos: «S’ils sont bien gérés, les sols peuvent absorber des quantités considérables de carbone de l’atmosphère et nous donner ainsi davantage de temps pour réduire les émissions et avancer sur la voie du développement durable. Toutefois, les sols européens ont besoin de toute urgence d’une protection renforcée, et la solution adoptée doit être fondée sur la coordination. Je me réjouis de ce rapport, qui renforce le message communiqué lors de la conférence sur les sols et le changement climatique organisée par la Commission en juin 2008 et donne des indications claires quant à la voie à suivre.»

Interactions entre les sols et le changement climatique

On estime que les sols européens contiennent 73 à 79 milliards de tonnes de carbone. Près de la moitié de ce carbone est fixé dans les tourbières de Suède, de Finlande, du Royaume-Uni et d’Irlande. Les sols jouent un rôle décisif dans le changement climatique, puisque même une perte infime de 0,1 % du carbone des sols européens dans l’atmosphère équivaudrait, en termes d’émissions de carbone, à la mise en circulation de 100 millions de voitures supplémentaires sur nos routes – soit une augmentation de 50 % environ du parc automobile existant. Inversement, aux prix actuels, une augmentation équivalente de la quantité de carbone contenue dans les sols représenterait un gain de quelque 200 millions €.

L’occupation des sols influe considérablement sur les réserves de carbone de ces derniers. La plupart des sols européens accumulent du carbone: les sols couverts d’herbages et de forêts servent de puits et peuvent piéger jusqu’à 100 millions de tonnes de carbone par an; les sols couverts de champs cultivés, en revanche, sont des émetteurs nets, et dégagent entre 10 et 40 millions de tonnes de carbone chaque année. Les pertes de carbone des sols se produisent lorsque des herbages, des zones forestières gérées ou des écosystèmes autochtones sont mis en culture; ce processus de perte s’inverse, quoique lentement, en cas de retour à l’affectation initiale.

Certaines des conclusions du rapport sont préoccupantes. Du fait de la croissance démographique mondiale, les superficies d’herbages et de forêts mises en cultures augmentent constamment, et les sols qui sont actuellement des puits de carbone deviendront des émetteurs nets. La stratégie la plus efficace pour prévenir les pertes de carbone du sol au niveau mondial consisterait à mettre un terme à ces conversions – cette mesure risque cependant d’être incompatible avec la satisfaction de la demande mondiale de denrées alimentaires, qui ne cesse de croître.

Bien gérer les tourbières: un impératif absolu

Le rapport souligne l’importance que revêt la protection des sols à teneur élevée en carbone. Environ 310 000 km2 de tourbières vierges (soit la moitié de la superficie de la France) ont d’ores et déjà disparu du fait de l’exploitation agricole ou forestière, de l’urbanisation ou de l’érosion. Plus de la moitié des tourbières restantes sont également en cours d’assèchement, ce qui pourrait entraîner des pertes de plus de 30 millions de tonnes de carbone par an (l’équivalent de 40 millions de voitures supplémentaires sur nos routes) pour le seul secteur agricole. L’option la plus réaliste pour gérer et améliorer les réserves de carbone contenues dans les sols consiste à protéger ces tourbières, dont la plupart sont situées en Europe du Nord.

Pratiques agricoles: des améliorations sont nécessaires

Les pratiques de gestion des sols influent considérablement sur les réserves de carbone. Le rapport indique comment améliorer les pratiques agricoles de manière à réduire au minimum les pertes de carbone, non seulement au niveau des cultures et des résidus de culture, mais aussi en veillant à ce que les sols soient protégés contre l’eau et la pluie par une couverture végétale permanente, en adoptant des techniques de labour moins agressives et en limitant le recours aux engins agricoles. Ces pratiques pourraient permettre de retenir entre 50 et 100 millions de tonnes de carbone par an dans les sols européens.

Intensifier la surveillance

L’analyse a souffert d’un sérieux manque de données à l’échelle européenne sur les réserves de carbone présentes dans les sols et sur leur évolution. Il importe dès lors d’améliorer de toute urgence la surveillance dans ce domaine afin de faire en sorte qu’une plus grande place soit accordée aux sols dans le cadre d’un accord futur sur l’atténuation du changement climatique.

La Commission a présenté en 2006, avec le soutien du Parlement européen, une proposition législative visant à protéger les sols européens, mais la proposition est actuellement bloquée au Conseil du fait de l’opposition de cinq États membres.

Gilbert

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