Les travaux du groupe Sherpa mis au jour

M. Alain Anziani (Gironde- SOC) , dans sa question écrite publiée dans le JO Sénat du 20/11/2008, appelle l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les informations révélées par un article du journal britannique The Independent on Sunday en date du 26 octobre 2008, intitulé « Europe’s secret plan to boost GM crop production » (le plan secret de l’Europe pour booster la culture d’OGM).

Cet article de presse affirme que le président de la Commission européenne aurait réuni discrètement des représentants des 27 États membres de l’Union européenne. Ces rencontres, présidées par son chef de cabinet, auraient eu pour objectif de mener une réflexion commune en vue d’accélérer les processus d’autorisation des cultures d’organismes génétiquement modifiés en Europe. La réflexion porterait également sur les moyens de convaincre les opinions publiques européennes, majoritairement hostiles aux cultures d’organismes génétiquement modifiés.

Si leur existence était avérée, de telles réunions constitueraient une entorse grave au fonctionnement normal du processus de prise de décision démocratique. Une initiative de ce type, sur un sujet aussi sensible, ne peut être prise par la Commission européenne sans consultation des gouvernements nationaux et du Parlement européen, et sans information des parlements des États membres et des opinions publiques nationales.

Il rappelle que les opinions publiques européennes, et notamment en France, expriment régulièrement leurs fortes réticences à la culture massive d’organismes génétiquement modifiés. Par ailleurs, en adéquation avec le principe de précaution consacré par la Charte de l’environnement adossée à la Constitution, le législateur français a strictement encadré ces cultures.

Dans ce contexte, il lui demande s’il a connaissance de l’existence de réunions de haut niveau convoquées par la Commission européenne pour favoriser les cultures d’organismes génétiquement modifiés. Dans l’affirmative, il souhaiterait savoir si la France était représentée lors de ces rencontres, par qui et avec quelle mission.

Réponse du Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire publiée dans le JO Sénat du 26/03/2009 –

Au printemps 2008, le président de la Commission européenne a établi un groupe « Sherpa » composé de représentants de chaque gouvernement des États membres. François Pérol, secrétaire général adjoint de la présidence de la République, y représente la France, avec pour mission de veiller au respect de l’approche française selon laquelle la gestion de la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM) doit être plus rigoureuse.

Dans cet objectif, les services du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (MEEDDAT) ont remis des éléments de fond dès la constitution de ce groupe. La lettre de mission, signée du président de la Commission, fixe comme objectif l’élaboration de propositions en vue d’une simplification des procédures d’autorisation des OGM. La durée du mandat du groupe n’a pas été précisée par la Commission.

Cette instance se doit de privilégier une approche horizontale de la question des OGM (santé, commerce, agriculture, compétitivité) et s’est, à ce jour, réunie à deux reprises. La Commission a souligné son attachement à la nécessaire articulation des échanges au sein de ce groupe avec ceux du groupe ad hoc qui a été institué au sein du Conseil des ministres européens de l’environnement le 2 juillet 2008. La présidence française a régulièrement demandé à la Commission de l’informer sur l’évolution des travaux du groupe « Sherpa », et la Commission a fait un point formel d’information le 7 octobre 2008.

Fondamentalement, les échanges au sein du groupe « Sherpa » se concentrent sur les enjeux pour l’Union européenne (UE) en matière de compétitivité et de solidité du secteur de l’élevage dans l’UE et sur la gestion des contentieux devant l’Organisation mondiale du commerce. Plus précisément, c’est la question des autorisations asynchrones qui a particulièrement poussé à la création de ce groupe « Sherpa ».

En effet, certains OGM produits dans les pays exportateurs d’aliments pour le bétail et non encore autorisés dans l’UE viennent polluer par des phénomènes de dissémination les cargaisons d’aliments du bétail. Même si ces contaminations ne se font qu’à l’état de traces, ces présences d’OGM non autorisés entraînent le refus des productions à leur arrivée en Europe. Le secteur de l’élevage étant particulièrement dépendant des importations, une augmentation de ces contaminations et la systématisation des refus de cargaisons importées par bateaux entiers auraient pu handicaper la filière au niveau européen.

La Commission s’est donc saisie de cette question permettant de trouver une solution. Il faut cependant noter que cette problématique est aujourd’hui moins préoccupante, du fait de l’autorisation récente de deux sojas sur le territoire de l’UE. À l’issue de sa seconde réunion, le 10 octobre 2008, la présidence du groupe « Sherpa » a constaté que les procédures d’autorisation étaient trop lentes et a réitéré sa confiance dans le travail effectué par l’autorité européenne de sécurité alimentaire (AESA). Elle a engagé la Commission à continuer à chercher une solution technique aux traces d’OGM non autorisés dans l’alimentation humaine et animale et a demandé que l’introduction éventuelle de facteurs socio-économiques dans le processus d’autorisation ne ralentisse pas ce dernier. Elle a enfin évoqué la protection de la biodiversité.

La France a également évoqué la piste de la relance des cultures protéagineuses et légumineuses en Europe, telle que demandée par l’article 1er de la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM. Le bilan de santé de la politique agricole commune adopté fin 2008 doit justement être décliné en 2009 dans les États-membres.

En conclusion, la présidence du groupe « Sherpa » a, d’une part, regretté que l’UE ne fasse pas meilleur usage de la réglementation en la matière, qu’elle considère comme la plus stricte au monde et a, d’autre part, décidé d’impliquer dans cette réflexion les chefs de gouvernements de l’UE. S’agissant du groupe ad hoc institué le 2 juillet dernier à l’initiative de la présidence française, son mandat consistait à élaborer des propositions concernant le renforcement de l’évaluation des OGM au moment de leur autorisation sur le territoire de l’UE, en vue de l’adoption de conclusions par le conseil des ministres européens de l’environnement de décembre 2008.

Le groupe ad hoc a travaillé autour des cinq thèmes proposés par la présidence :

1. Le renforcement de l’évaluation environnementale ;

2. La possibilité de prendre en compte des critères socio-économiques ;

3. L’amélioration du fonctionnement de l’expertise scientifique ;

4. Les seuils communautaires d’étiquetage de la présence fortuite d’OGM dans les semences conventionnelles ;

5. La possibilité de prendre en compte certains territoires sensibles et/ou protégés.

Les délégués nationaux au groupe ont débattu au cours de six réunions de travail. Ils ont également demandé à l’AESA, le 24 septembre 2008, d’expliciter son mode d’évaluation des risques liés aux OGM. Les travaux du groupe ad hoc se sont achevés le 24 novembre par la finalisation du projet de conclusions du Conseil.

Conformément à l’objectif de la présidence, ces conclusions ont été adoptées à l’unanimité par le Conseil des ministres européens de l’environnement le 4 décembre dernier. Elles dessinent cinq axes d’actions en vue d’une meilleure gestion des OGM sur le territoire de l’UE :

1. L’amélioration de l’évaluation environnementale, notamment par des pratiques d’évaluation harmonisée dans tous les États membres, et une évaluation plus approfondie des impacts de la culture des OGM ;

2. Le lancement au niveau communautaire d’une réflexion par les États membres et la Commission sur la prise en compte des aspects socio-économiques relatifs aux OGM, devant déboucher sur un rapport de la commission d’ici à 2010 ;

3. L’amélioration du fonctionnement de l’expertise et, en particulier, s’agissant du rôle que peuvent jouer les États membres dans le processus d’expertise conduit par l’AESA ;

4. La fixation de seuils communautaires pour les semences conventionnelles qui doivent contribuer à garantir le libre choix entre produits OGM, conventionnels et biologiques ;

5. La protection des écosystèmes sensibles et/ou protégés et des agrosystèmes spécifiques avec le rappel des possibilités actuelles permettant de réduire ou interdire les OGM dans ces zones.

Ces conclusions ouvrent ainsi la voie à un renforcement des exigences environnementales en matière de culture des organismes génétiquement modifiés au sein de l’UE. Plus récemment, le ministre d’État, le ministre de l’agriculture et la secrétaire d’État à l’écologie ont adressé à l’AESA une lettre s’étonnant de la procédure suivie pour l’examen de la clause de sauvegarde française, notamment l’absence de compte rendu pour la réunion entre les scientifiques français et le panel OGM de l’AESA en octobre dernier. Cette lettre transmettait également les observations des scientifiques français relevant les questions environnementales que l’avis de l’AESA avait confirmées ou avait laissées sans réponse, qui portaient notamment sur le risque d’apparition de résistances chez les insectes ravageurs, et les impacts observables sur les espèces non cibles.

La récente évaluation remise par l’Espagne sur le MON810 dans le cadre du renouvellement de son autorisation à dix ans confirme sur ces deux points l’existence de questions sans réponse satisfaisante. L’avis de l’AFSSA publié le 12 février, portant strictement sur des considérations sanitaires, ne remet pas en cause les fondements environnementaux de la clause française.

Enfin, lors du Conseil des ministres européens de l’environnement du 2 mars dernier, 23 États membres sur 27 se sont prononcés contre la levée des clauses de sauvegarde hongroise et autrichienne pour les mêmes raisons. La France maintient donc sa clause, comme la Grèce, et veillera à ce que les conclusions unanimes du Conseil du 4 décembre sur le renforcement de l’évaluation et de la gestion des plantes génétiquement modifiées soient intégralement suivies.

Gilbert

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