Ici ont habité les premiers bergers du Vercors

La petite annonce aurait pu être rédigée ainsi :  abri sous roche typique, 80m2, au pied d’une falaise calcaire. Excellente situation : exposé plein sud, 600m d’altitude, à l’entrée des basses gorges du Furon, entre vallée et montagne. Facile d’accès. Eau à proximité. Possibilité de parquer entre 50 et 100 bêtes.

Cette occasion unique, c’est le site préhistorique de La Grande Rivoire, à Sassenage (Isère). Un site sur lequel on en sait un peu plus, après la conférence faite jeudi dernier, – dans le cadre de l’exposition Premiers bergers des Alpes (jusqu’au 30 juin)- par Régis Picavet (UMR 6636, Paléotime, Villard-de-Lans) et Pierre-Yves Nicod (archéologue, Laboratoire d’Archéologie préhistorique de l’Université de Genève) responsables des fouilles dudit site.

Pierre-Yves Nicod, lors d’une campagne de fouilles sur le site (video Musée dauphinois)

Les deux archéologues ont  fait un état des connaissances acquises au fil des campagnes. En se basant sur le bilan des recherches effectuées ces dernières années (mobilier, analyse du fumier fossile, des cendres de bois, des végétaux), l’enseignement mis en avant par les deux archéologues est le suivant : le site de la Grande Rivoire avait une fonction de bergerie, au Néolithique (de 5700 à 4800 avant notre ère). Ici, donc, ont habité les premiers bergers du Vercors.

L’investigation archéologique

Comme le dit Pierre-Yves Nicod, le site de la Grande Rivoire, c’est  « 8000 ans d’histoire humaine sur 5m d’épaisseur ».
L’analyse des sédiments fournit en effet des indices sur les différents occupants de l’endroit, de l’époque du Mésolithique (8000 ans avant notre ère) à l’époque gallo-romaine. Le site présente des occupations qui remontent à plus de 10 000 ans et qui se succèdent jusqu’à l’Antiquité. Entre le Mésolithique et le Néolithique, les niveaux d’occupation offrent  l’occasion rare d’observer le passage de l’homme-chasseur à l’homme-pasteur. Pour ce qui est de la bergerie de la Grande Rivoire, Pierre-Yves Nicod se dit surpris du fait que « l’alimentation repose davantage sur les espèces chassées (cerfs, sangliers, bouquetins) que sur les animaux domestiques (caprinés) ». Tout laisse penser que ces paysans étaient encore des chasseurs.

Petit historique

Le site  a été découvert en 1986 par un promeneur avisé qui en a informé  les chercheurs du Centre de recherches préhistorique du Vercors. Des travaux de carrière, en 1967, avaient endommagé le site.
« Quelques coups de pelles mécaniques de plus et le gisement partait à tout jamais », souligne Pierre-Yves Nicod.


Le site de La Grande Rivoire aujourd’hui

Entre 1986 et 1995, Régis Picavet a mené cinq campagnes de fouilles de sauvetage. Elles ont permis de stabiliser les sédiments et de mettre en évidence le potentiel archéologique du gisement. Le ministère de la Culture et le CG38 ont alors décidé de mettre en œuvre un projet de grande ampleur.
Les fouilles ont repris en 1999. Après des travaux de purge, de protection, d’aménagement, les conditions de fouilles ne sont vraiment optimisées que fin 2003. Elles devraient durer une bonne dizaine d’années.

Le mobilier archéologique retrouvé : des récipients en céramique, notamment quadrangulaires, des outils en silex et en os (pointes de flèches, lames de hache, etc.), des poteries, des faisselles (avec trous d’évacuation).


Parmi le mobilier archéologique découvert, des fragments de faisselles, récipients utilisés pour égoutter les fromages

Quant aux animaux recensés : des caprinés (brebis, moutons, chèvres), des chiens (sans doute utilisés pour garder le troupeau) un ours (il se peut, selon Régis Picavet, qu’un ours ait été domestiqué). On peut toujours rêver –et cela n’engage que nous- que cette petite communauté paysanne, certaines nuits de pleine lune, se distrayait en regardant danser l’ours qu’elle avait patiemment apprivoisé.

Régis Picavet, avec dans les mains, une pièce à conviction: la mâchoire de cet ours atteste en effet qu’un lien a été passé entre ses molaires. Le mammifère était sans doute utilisé pour dissuader d’éventuels prédateurs du troupeau

Plus sûrement, à travers ces travaux se dessine l’apparition des premières sociétés paysannes dans la région grenobloise et les débuts de l’exploitation pastorale des piémonts du Vercors.
Parallèlement, les recherches conduites en montagne, exposées par Régis Picavet qui a arpenté les hauts plateaux du Vercors en long et en large et sondé les lapiaz,  proposent une vision territoriale de l’espace fréquenté par les groupes humains, au rythme des saisons. Autrement dit, il n’y a pas trace d’occupation prolongée ni de transhumance, seulement de brefs séjours de chasseurs, venus du Diois ou d’ailleurs, en quête de gibier et éventuellement de silex. « Il faut attendre 100 ans AVJC, souligne Régis Picavet, pour voir les sociétés paysannes des piémonts réoccuper les espaces d’altitude, notamment pour la transhumance ».

Visites guidées à partir du 20 mai
Des visites guidées du site archéologique de La Grande Rivoire, organisées à partir du mois de mai et durant tout l’été, sont l’occasion de découvrir un site en cours de fouille, d’échanger avec les archéologues sur leurs métiers et techniques et de comprendre comment des vestiges matériels constituent autant d’indices de la vie quotidienne des populations du passé.

Les mercredis 20 mai, 24 juin, 22 juillet et 26 août à partir de 14h30. Nombre de places limité à 20 personnes.
Renseignements et inscriptions au 04 57 58 89 26.

Gilbert

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