Le robinet, le canon, la CLE (I)

La production de neige de culture a t-elle un impact sur la ressource en eau et sur l’environnement? La CLE, commission locale de l’eau Drac Romanche, qui a enquêté  dans les stations de sports d’hiver du sillon alpin, se lance dans une mission délicate visant à trouver un modus vivendi entre la production de neige de culture, en pleine expansion, l’alimentation en eau potable, l’irrigation, la préservation des milieux naturels.

Les retenues d’altitude se sont multipliées dans les stations alpines. En France, il n’existe aucune réglementation spécifique aux installations d’enneigement

Dans le cadre de la mise en  œuvre du SAGE, la CLE vient de lancer  une opération pilote  sur le sillon alpin, en lien avec la DIACT, de définition d’un schéma de conciliation de la production de neige de culture avec les milieux et avec les autres usages. La mission qui devrait durer de 10 à 12 mois,  sera donc pilotée par la CLE qui en sera le maître d’ouvrage en lien avec le Conseil général qui pilotera le volet concernant les stations hors Drac et Romanche.

C’est le premier volet d’une enquête de sillon38 sur la ressource en eau. Dans une deuxième partie, nous verrons les avis des différentes parties concernées sur la question. L’irrigation sera abordée dans une troisième partie.

La CLE (commission locale de l’eau) du Drac et de la Romanche (1), dans le cadre de la mise en  œuvre du SAGE, lance une opération pilote  sur le sillon alpin, en lien avec la DIACT, de définition d’un schéma de conciliation de la production de neige de culture avec les milieux et avec les autres usages. La mission qui devrait durer de 10 à 12 mois,  sera pilotée par la CLE du Drac et de la Romanche qui en sera le maître d’ouvrage en lien avec le Conseil général qui pilotera le volet concernant les stations hors Drac et Romanche.

Un Comité de pilotage a été constitué rassemblant toutes les communes concernées, les partenaires précédemment cités mais aussi les autres acteurs de la gestion de l’eau (notamment EDF, Fédération de Pêche, FRAPNA, les agriculteurs,…).  Il s’est réuni pour la première fois en mars dernier.

Un rôle de médiateur, pas de gendarme

Cette nouvelle étape fait suite à une première enquête menée par la CLE fin 2004 et début 2005 auprès des stations de ski de son territoire afin d’avoir une première vision globale de l’utilisation de la ressource en eau dans la production de neige de culture. Elle avait aussi pour objet de connaître les projets des collectivités ou exploitants en la matière.

Ces nouveaux lacs artificiels attirent les randonneurs. L’accès aux rives est, en principe, interdit, comme l’indique le panneau ci-dessous

Christophe Sibieude, qui participe activement à cette opération au sein de la CLE, explique les tenants et aboutissants de l’opération:

« Ce schéma a pour but de définir des règles du jeu entre les porteurs de projets et en fait de leur faciliter la vie. Car ils se heurtent parfois à un blocage administratif dans leurs demandes d’autorisation de retenues d’altitude, par exemple. Il s’agit d’éviter autant les sources de conflits d’usages que les blocages administratifs. Car c’est un fait, les tensions autour de la ressource en eau sont de plus en plus fréquentes».

Il faut dire qu’en France, il n’y a pas de réglementation spécifique aux installations d’enneigement. Et que, comme le dit Christophe Sibieude, les porteurs de projets peuvent raisonner selon le principe « si ce n’est pas interdit, c’est que c’est autorisé».

Mais la CLE n’a pas vocation à faire le gendarme. Son rôle est celui de médiateur. Le cahier des charges du Schéma de conciliation le dit clairement : La CLE a bien conscience de l’utilité économique et sociale des stations et de leurs investissements. Elle a fait le constat que l’insertion de leurs futurs aménagements sera d’autant plus facile qu’elles auront amélioré leur connaissance des prélèvements pour la neige de culture (même si certaines stations et exploitants diffusent depuis plusieurs années des éléments sur les enneigeurs et la provenance de l’eau auprès de l’ODIT) et surtout de leurs impacts.

Lors de l’enquête de la CLE, les stations avaient répondu à l’exception de Chamrousse et de St-Sorlin-d’Arves.

Les prélèvements en eau annuelle étaient de l’ordre de :
– Domaine des Grandes Rousses (dont Huez) : 509 700 m3/ an pour 715 enneigeurs en service,
– Domaine des Deux-Alpes : 198 800 m3/ an pour 151 enneigeurs,
– Domaine de Gresse-en-Vercors : 27 600 m3/ an pour 33 enneigeurs,
– Domaine de l’Alpe du Grand Serre : 7 500 m3/ an pour 3 enneigeurs.

La production s’échelonnait globalement de novembre à avril et seule la station de ski  des 2Alpes utilisait à l’époque et de façon ponctuelle un adjuvant, du Snowmax, pour 2% de sa production de neige de culture.

Cette production, qui utilise de plus en plus les retenues d’altitude, comptait de nombreux projets en prévision à court terme (qui pour certains ont depuis vu le jour – comme par exemple pour l’Alpe du Grand Serre avec 24 enneigeurs et une réserve de l’ordre de 18
500 m3).

C’est pourquoi la CLE a décidé de se doter d’une vision précise à court terme et de suivre sur du long terme l’évolution des prélèvements liés à la neige de culture et ainsi pouvoir définir les conditions de production de neige de culture respectueuses des milieux et de la sécurité des personnes. Elle a donc retenu en tant que tel cet objectif comme l’un des objectifs du SAGE (objectif 11 dans le SAGE voté à l’unanimité le 27 mars 2007).

A coté de principes généraux suivants,

– priorité de l’approvisionnement en eau potable sur les prélèvements pour la neige de culture ou par l’agriculture,
– priorité à un remplissage des retenues en périodes de hautes eaux,
– respect du débit réservé en aval des prélèvements (et notion de cumul des prélèvements à approfondir),
– mise en place d’un suivi des milieux pour les équipements faisant l’objet d’une nouvelle autorisation,
– mise en place d’un porter à connaissance par rapport aux zones humides dans les nouveaux projets,

la CLE a retenu quatre mesures à vocation réglementaire sur son territoire :

– l’interdiction de l’utilisation des adjuvants (2) dans la fabrication de la neige de culture sur son territoire devant un souci de principes de précaution pour éliminer tout risque sur l’usage AEP et d’autant que le bénéfice de l’utilisation de ces produits est faible
– la prise en compte du risque de rupture des retenues d’altitude dans les dossiers de demande d’autorisation de prélèvement,
– l’obligation d’informer en amont la CLE des projets d’extension de couverture par la neige de culture ou de réalisation de retenues d’altitude par une note d’intention,
– enfin, l’obligation de fournir à la CLE ainsi qu’au Service de la Police de l’Eau, un bilan annuel des quantités d’eau prélevées, de l’utilisation et du remplissage des réserves (au pas de temps mensuel).

LE PERIMETRE DE LA MISSION

Tranche ferme : le bassin versant du Drac et de la Romanche c’est à dire les sous bassins versants recouvrant les domaine skiables suivants :
1. Grandes Rousses (dont Huez, Auris-en-Oisans, Oz-en-Oisans, Vaujany, Villard Reculas)
2. Col d’Ornon
3. Saint-Sorlin d’Arves – Lacs Bramant
4. Deux-Alpes
5. Chamrousse
6. Gresse-en-Vercors
7. Alpe du Grand Serre (La Morte)
8. La Grave (Villard d’Arène)

Tranche conditionnelle : le reste du département de l’Isère, en lien avec le Conseil général qui assurera le portage de la démarche auprès des collectivités situées en dehors du périmètre du Drac et de la Romanche  c’est-à-dire, outre les stations situées en Drac et Romanche, les domaines skiables des bassins versants de l’Isère, du Guiers et de la Bourne :
1. Lans-en-Vercors
2. Corrençon en Vercors
3. Villard-de-Lans
4. Corrençon-en-Vercors
5. Meaudre
6. Autrans
7. Col de Porte
8. Saint-Pierre-de-Chartreuse
9. Le Sappey-en-Chartreuse
10. Saint Hilaire du Touvet
11. Les Sept Laux
12. Le Collet d’Allevard
13. Saint-Hugues – Egaux
14. Saint-Bernard – Col de Marcieu.

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(1) La CLE est une  instance représentative des acteurs du bassin (composition à moitié de représentants des collectivités, un quart de représentants des usagers, et un quart de représentants de l’Etat et de ses établissements publics).

(2) Parmi les avancées technologiques de ces dernières années, une nouvelle méthode permet de produire plus de neige et de meilleure qualité. Un additif, une protéine cryogène, permet ainsi de fabriquer de la neige même s’il ne fait pas assez froid pour utiliser les canons à neige. Cette molécule permet d’accélérer la cristallisation de l’eau. Elle démarre alors 2 à 3°C au-dessus de la température habituelle. En outre, cette protéine permet de réduire les quantités d’eau et d’énergie nécessaires pour fabriquer la neige artificielle. Pourtant, utiliser cette protéine dans le milieu naturel suscite des polémiques car elle provient d’une bactérie. Elle est autorisée dans certains pays mais interdite ou réglementée dans d’autres.
Deux équipes de recherche du Cemagref à Grenoble et de l’université de Turin en Italie se sont associées afin d’étudier les impacts de ce produit sur l’environnement à la demande d’exploitants de stations de ski et du fabricant du produit.

Gilbert

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