L’ Isère veut sécuriser les productions agricoles

Le Département de l’Isère, plutôt bien doté avec ces châteaux d’eau naturels que sont les montagnes, n’en est pas pour autant à l’abri d’une raréfaction de la ressource qui pourrait  affecter l’économie (l’industrie utilise 60% de l’eau, l’agriculture entre 13 et 15%) et la consommation d’eau potable. Le recul quasi généralisé des glaciers, l’enneigement désormais irrégulier, la hausse  significative des températures, sont autant d’indicateurs (étudiés par le Centre National de Recherche Météorologique -CNRM)  qui annoncent des changements à venir dans la répartition des ressources en eau du massif alpin.

Les années 2003, 2004, 2005, 2006 ont montré que les périodes de canicule pouvaient avoir des conséquences non négligeables dans certains secteurs du département et générer des conflits d’usages. Ces aléas climatiques persistants ont conduit le Département , à l’initiative de Christian Nucci -qui vient d’être fait Chevalier dans l’Ordre du Mérite agricole- à s’ engager en 2005 dans un Schéma directeur départemental d’irrigation (SDDI). Le Conseil général de l’Isère mobilise en moyenne 8M€ par an pour l’eau.
Ce document qui fait le constat des besoins et des ressources, met en avant les secteurs en déséquilibre et propose des solutions pour le court, moyen et long terme (horizon 2020), dans une logique de protection de la ressource.
Le schéma départemental d’irrigation a donc vocation à sécuriser les productions agricoles en période de sécheresse en tenant  compte de quatre objectifs :
– La gestion raisonnée de l’eau
– La priorité aux besoins en eau potable
– Un débit minimal des cours d’eau pour protéger la faune et la flore
– La préservation de la qualité de l’eau grâce à des pratiques agricoles respectueuses de la nature.
Une enquête datant de 2007 du CG38 sur la récupération des coûts de l’eau en Isère fait état d‘un volume de 56 millions de m3 utilisés pour l’irrigation en Isère, soit 13% des prélèvements en eau du département. Le coût de l’irrigation est d’environ 300€/ha pour l’irrigation collective en ASA soit 0,14€/m3 d’eau, avec des frais financiers représentant 2/3 du prix environ. L’étude chiffre les différents types d’irrigation. L’irrigation en réseaux gravitaires est la moins chère. Mais elle ne concerne que 285 ha (sur environ 23 000ha irrigués).
Le poids des investissements est cependant important : ils représentent environ 24% du chiffre d’affaires des agriculteurs interrogés.
Quant aux avantages :  l’irrigation permet non seulement de se prémunir en partie des aléas climatiques mais d’avoir des rendements plus élevés, plus stables et des produits de qualité plus homogène.

L’irrigation en territoire AOC Noix de Grenoble : un exemple à suivre

A l’occasion de l’inauguration du réseau collectif Izeron/Saint-Pierre-de-Chérennes (c’était jeudi 25 juin), Eliane Giraud a rappelé tout l’intérêt pour l’agriculture de ce schéma départemental d’irrigation initié par Christian Nucci : « Les dossiers d’irrigation étaient toujours extrêmement conflictuels, souligne Eliane Giraud. Ce schéma a permis de modifier la donne et il a fait école. A l’échelle de la Région, tous les départements se sont mis à travailler sur ce modèle qui permet d’avoir l’unanimité. C’est un bon exemple de politique intelligente, menée collectivement ».

Le réseau d’irrigation collective de l’ASA dessert 136 ha sur Izeron, 73ha sur Saint-Pierre-de-Chérennes et 29ha sur Cognin-les-Gorges

Le réseau d’irrigation collectif –desservant 3 communes (St Pierre-de-Chérennes, Izeron et Cognin-les-Gorges) mis en œuvre par l’association syndicale autorisée d’irrigation (ASA) démontre que ce type de projet, naguère considéré comme une folie, fait partie des choses possibles, y compris en rive gauche de l’Isère, comme le soulignait Jean Bith qui a piloté ce projet de main de maître, en tant que président de l’ASA,comme chaque orateur a tenu à le rappeler. On notera au passage la petite allusion aux rivalités de l’une et l’autre rive de l’Isère. Mais c’est de bonne guerre. Qu’on soit de l’un ou l’autre bord, la nuciculture est un trait d’union solide. Quant à l’Isère, sur laquelle flottent bon nombre de coquilles de noix, dans ce secteur, elle permet d’irriguer aussi bien la rive gauche que la droite.

« C’est après la sécheresse de 2003 que l’on a commencé à discuter sérieusement d’un réseau d’irrigation », relate Jean Bith. Les collectivités locales et territoriales ont suivi (Région, CG38, Communauté de communes de la Bourne Isère), l’ASA a vu le jour en novembre 2007, les travaux se sont achevés en avril 2009. Un dossier qui n’a pas suscité de conflits majeurs (un quart des propriétaires n’ont pas adhéré au projet) et qui a été mené dans une démarche de développement durable. « Avant, poursuit Jean Bith, on prélevait la ressource dans les petits ruisseaux. Maintenant, c’est dans l’Isère ».

85% des périmètres irrigués sont des vergers de noyers
le reste concerne des cultures de : tabac, maïs, framboisiers

Le directeur départemental de l’Agriculture et de la Forêt,  M.Lestoille, a souligné l’exemplarité de cette démarche, non seulement parce qu’elle est collective mais aussi parce qu’elle a contribué à la préservation du foncier agricole en créant une ZAP (zone agricole prioritaire).

Hier, lors de la visite du réseau, sur les hauteurs de Saint-Pierre-de-Chérennes, à 142m au-dessus de la station de production d’Izeron

Quant à André Vallini, qui ne se sent jamais aussi bien qu’en territoire AOC Noix de Grenoble,  sa terre natale (et sa circonscription), il est convaincu « que l’avenir de la noyeraie est dans l’irrigation ». Il ne manque d’ailleurs jamais une occasion d’affirmer haut et fort « qu’il faut produire plus et qu’il faut planter ». Ce qu’il fit à Izeron. Personne ne l’a contredit sur ce point, comme on l’imagine.

Il est vrai que la noix de Grenoble, dont l’AOC remonte à 1938 (André Vallini est né 18 ans plus tard), fait sans aucun doute partie des plus beaux fleurons de l’Isère et que sa réputation mérite, elle aussi, d’avoir un rayon d’action plus large.  Le CING, par la voix de son président Yves Borel,qui avait accepté de changer de rive pour l’occasion, a d’ailleurs  annoncé que l’interprofession allait mener à l’automne une campagne de communication visant à différencier ce fruit de sa concurrente périgourdine (qui lui mène la vie dure), à regagner des consommateurs et, au bout du compte des parts de marché. Bref, tout ou presque vise le superlatif :  production, plantation, notoriété.

Les prélèvements d’eau agricoles en Isère

Selon la base de données MISE38, année 2007, le département de l’Isère compte 1 606 exploitations équipées pour l’irrigation, ce qui représente un total de 28 299 ha irrigables (par aspersion). Sur ce nombre d’exploitations potentiellement irrigantes, seules 1 555 irriguent réellement, représentant ainsi une surface de 23 506 ha irrigués sur le territoire isérois.

60% des surfaces irriguées concernent le maïs (photo Frédérick Pattou)
Sur les 1 555 exploitations « irrigantes » du département, 669 irriguent à partir de prélèvements individuels et 886 à partir d’un réseau collectif. Le département compte 56 réseaux collectifs d’irrigation (.36 Associations Syndicales Autorisées (ASA) ou Association Syndicale Libre (ASL), 2 structures communales ou intercommunales, 16 CUMA.
L’ensemble des prélèvements représente un total de 1 654 points de prélèvements :

– 652 en eau souterraine

-1 000 en eau superficielle dont 371 sur Rhône, Isère, Drac.

.60% des surfaces irriguées concernent le maïs ; La très grosse majorité des prélèvements se fait sur la partie Nord-Ouest du département avec des zones très concentrées en irrigation sur la Plaine de Bièvre, les 4 Vallées, le Haut-Rhône, la Vallée de l’Isère et la Vallée du Rhône. Quelques prélèvements plus parsemés s’observent dans la zone de Montagne (Beaumont, Trièves, Matheysine) et dans le Voironnais.

– besoins effectifs en eau pour une culture de maïs : 1 700 m3/ha en année moyenne et 2 600 m3/ha en année quinquennale sèche
– besoins effectifs en eau pour une culture de vergers : 2 000 m3/ha en année moyenne et 2 900 m3/ha en année quinquennale sèche

Les études de 2000 ont révélé que 15 sous-bassins versants étaient jugés sensibles et faisaient l’objet de préconisations particulières. Pour ces petits cours d’eau, il était nécessaire de mettre en place une surveillance accrue, de développer le pilotage de l’irrigation et de définir des calendriers de pompage permettant d’échelonner les prélèvements dans le temps et dans l’espace. Ces actions permettraient de réduire la pression de prélèvement instantanée.

Les 15 sites sensibles identifiés :
Haut-Rhône : Save-Braille (partie ruisseau de Valencet), Catelan, Chogne
4 vallées : Véga amont, Gervonde-Bielle, Ambalon
Bas-Rhône : Varèze, Sanne
Bièvre-Liers-Valloire : Rival amont
Montagne : Ebron
Chambaran : Vézy, Lèze, Galaure, Joyeuse
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site à consulter: ode38.fr

Gilbert

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