Vers l’autonomie alimentaire des élevages

Réduire les dépenses, créer de la valeur ajoutée, cela passe par l’autonomie des exploitations en matière d’approvisionnement en aliments ou de consommation énergétique. La Région Rhône-Alpes en a fait un objectif. Pour y parvenir, elle favorise les projets visant l’autonomie fourragère par exemple, évitant ainsi à une exploitation d’acheter la totalité de la nourriture pour son troupeau à l’extérieur. Ce qui aura pour effet de réduire les dépenses mais aussi les coûts environnementaux.

Gérard LerasNous avons rencontré Gérard Leras, conseiller régional, président du groupe Verts et apparentés et agriculteur de profession. Il  préside depuis septembre 2006 le groupe « Autonomie alimentaire des élevages » mis en place par le président de la Région, Jean-Jack Queyranne.

Gérard Leras défend, entre autres, dans la perspective d’une rotation des cultures, la mise en place d’une filière soja non OGM, importé du Brésil. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, un détour par la crise du lait :

La crise du lait  secoue le monde agricole depuis près d’un an. Le mouvement risque t-il de repartir ?

« Si aucune décision positive n’est prise, on peut s’attendre à une reprise des manifestations. C’est pour les éleveurs une question de survie. Une question qui dépasse d’ailleurs les fractions syndicales et les frontières. Nous l’avons vu ces derniers mois.

Il y a nécessité de régler, une bonne fois pour toutes, cette question des quotas dont on annonce la suppression depuis 2003. Pour ce qui est du prix du lait, il faut noter au passage que l‘accord signé avec Barnier (NDLR : accord signé en décembre 2008 entre producteurs et transformateurs) était opportuniste : la contractualisation montre que ça se retourne toujours contre les éleveurs et que ça bénéficie aux industriels.».

Qu’est-ce que la Région peut faire ?

« Par-delà les quotas et l’augmentation de la production déraisonnée, il y a un refus fondamental : la quantité n’est plus la référence à prendre en compte. La solution passe par la qualité, à savoir produire en réduisant l’usage des pesticides, produire en réduisant les intrants dans le maïs.

Elle peut aussi donner au CROF (contrat régional d’objectifs de filière ou de production), voté en juin, les moyens d’être efficace (1).

La Région peut également aider les territoires à se réapproprier la collecte de lait ou la transformation, dans le cadre des PSADER, par exemple. La concentration de la collecte entre les mains de six ou sept industriels aboutit à une véritable dépossession. Il n’y a que dans les Alpes du Nord (Savoie, Haute-Savoie) que le lait tient ».

Ces pistes de réflexion et d’action sont nées au sein du groupe Autonomie alimentaire mis en place depuis 2006 ?

« Oui, ce travail sur l’autonomie alimentaire des élevages va dans ce sens. En janvier 2009, la Région a voté un plan de soutien à l’autonomie alimentaire des élevages. Un diagnostic individuel est proposé aux éleveurs, concernant les différents secteurs de l’exploitation -entretien des prairies, séchage en grange, bâtiment agricole, etc – dans la perspective d’une autonomie alimentaire accrue. Il s’accompagne d’aides à la gestion optimisée des pâturages, à l’évolution de l’assolement, à la traite mobile, aux investissements individuels ou collectifs.

Nous avons réalisé en quatre mois 130 diagnostics sur Rhône-Alpes, avec une prise en charge à 80% par la Région. Nous pensons arriver à 150 diagnostics à la fin de l’année. Cela représente un budget de 1,1 M€. Mais le diagnostic constitue une première phase. En 2010, nous allons passer à l’étape suivante ».

Et quelle est l’étape suivante ?

« Faire diminuer le déficit protéique. Depuis le début de l’année 2009, nous travaillons à un plan soja. A titre expérimental, nous avons demandé à la coopérative agricole La Dauphinoise (Isère) de développer des cultures de soja entre Grenoble et Chambéry dans le cadre de la lutte contre la chrysomèle. Car la seule solution, face à ce parasite, est la rotation des cultures. Nous encouragerons donc les agriculteurs, quand le plan sera prêt, à produire du soja dans les années intermédiaires ».

Ce plan soja disposera t-il de moyens ?

« C’est un véritable enjeu. Il faudrait environ 350 000€ en Rhône-Alpes en 2010 pour mettre en route le plan soja. Il faut signaler que le soja n’apparaît pas dans le plan Protéines du ministère de l’Agriculture et qui doit entrer en application au 1er janvier prochain. Ce plan ne concerne que le lupin, et le pois féverole (2)».

Ce plan passe t-il par une filière d’importation ?

« Oui, il passe par la mise en place d’une filière d’importation de soja non OGM depuis le Parana (Etat côtier du sud est brésilien) avec qui la Région entretient une coopération décentralisée. Le Parana s’est prononcé officiellement contre les OGM. L’idée est d’instituer une contractualisation sur trois ans, de façon à ce que chacun y trouve son compte. Il nous faudra trouver une fourchette de prix acceptable ».

Vous êtes-vous déjà rendu sur place ?

« Oui, je suis allé au Parana en avril 2008 avec Gérard Seigle-Vatte, président de la Chambre d’agriculture de l’Isère et de la Région, ainsi qu’avec le vice-président de La Dauphinoise. L’enjeu est de taille pour Rhône-Alpes, région riche en  produits de qualité et en AOC: ne pas utiliser ce soja non OGM reviendrait à mettre en péril cette production(3)».

En conclusion, la Région doit-elle faire encore davantage pour l’agriculture rhônalpine ?

« C’est en tout cas ce que pensent les Verts. Nous voulons que le budget 2010  de l’agriculture soit en augmentation de 2,5M€ par rapport à celui de 2009. Vu le nombre de défis à relever pour parvenir à l’autonomie alimentaire des élevages, cela nous semble justifié ». (4)

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(1) Le CROF a pour objectif d’anticiper les évolutions de l’environnement économique agricole, s’organiser, s’adapter aux nouveaux enjeux nationaux et internationaux comme l’écoconditionnalité, enfin se doter collectivement de la capacité à innover. Un dispositif principalement destiné aux organisations interprofessionnelles. Les projets doivent, dans une approche collective, intégrer les enjeux régionaux et stratégiques pour les filières.

(2) Le plan protéines végétales fait partie du plan Terres 2020 -pour un nouveau modèle agricole français – rédigé par Michel Barnier, à la suite du Grenelle de l’Environnement. A l’inverse du projet de la Région, ce plan va dans le sens d’une réduction des importations de soja et du déficit commercial associé.

Quelques extraits : « Les protéagineux tels que la luzerne ou le pois féverole, sont essentiels en termes d’enjeux agronomiques (diversité des rotations, production de protéines végétales pour l’élevage, actuellement importées au 3/4 en Europe, structuration et richesse des sols, santé animale par augmentation de l’ingestion, prévention de l’acidose, apport de fibres).

Par ailleurs ils présentent des avantages environnementaux en termes de protection de la ressource en eau. Les légumineuses limitent sensiblement le lessivage des nitrates. Les racines des légumineuses peuvent capter l’azote grâce aux bactéries associées à leurs nodules (mycorhyses). Cette captation d’azote permet de se passer d’apport supplémentaire d’intrants azotés.

L’azote est ainsi fixé et disponible pour la culture suivante : introduites en tête de rotation, après récolte et retournement, l’azote est restitué au blé qui suit.

Favorables à la biodiversité, les légumineuses pérennes offrent un refuge pour de nombreuses espèces animales, et insectes utiles pour la lutte intégrée contre les ravageurs. Elles présentent également un intérêt économique : la réduction des importations de soja et le déficit commercial associé.

Enfin, leur insertion dans la rotation permet d’économiser les intrants minéraux et donc l’énergie directe et indirecte et de diminuer les émissions de protoxyde d’azote (gaz à effet de serre)».

(3) En Rhône-Alpes 30% des exploitations régionales produisent sous l’un des 120 signes de qualité et 70% de la production viticole est en AOC. Avec plus de 1 300 exploitations, Rhône-Alpes est aussi la première région française de production en agriculture biologique.

(4) Le budget régional 2009 consacré à l’agriculture, la forêt, les industries agro-alimentaires et le développement rural s’élève à 36 M€.

Gilbert

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