Le débardage par câble remonte la pente

Une volonté politique clairement exprimée à tous les niveaux (Grenelle de l’Environnement, Assises de la forêt, discours de Nicolas Sarkozy à Urmatt, plan France-Forêts Rhône-Alpes), la mise en place d’aides publiques « câble » (1), des cours du bois plutôt à la hausse, tout cela contribue au fait que la mobilisation de la ressource forestière connaît un regain de dynamisme manifeste. C’est, pour les territoires, un enjeu économique d’importance, notamment pour les communes de montagne dont les forêts sont longtemps restées inexploitées.

Rappelons que les objectifs fixés sont, à l’échelle du territoire, d’augmenter la récolte de 21 millions de m3 d’ici 2020, et à l’échelle de Rhône-Alpes de 500 000m3 pour 2013.

Prenons le cas de l’Isère. Laurent Descroix, spécialiste du débardage par câble à l’ONF résume la situation : « En 1980, toute la ressource était exploitable grâce à des modes d’exploitation rentables à l’époque : lançage des bois dans les pentes, tracteurs forestiers se déplaçant sur de plus grandes distances et débardage par hélicoptère. Mais aujourd’hui la moitié de la ressource forestière est devenue inexploitable et s’accumule en forêt…Sachant qu’en Isère, les 2/3 de la ressource se situent sur une pente de pus de 30°, il faut adapter nos modes de débardage à la pente, avec comme principales solutions, le débardage par câble et la restructuration de la desserte ».

La percée du câble mât

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Sur une aire spécialement aménagée, le câble mât et le débusqueur de l'entreprise Gurndin (Bolzano) ont pris place pour un chantier de débardage de plusieurs mois (photo Cofor)

C’est dans ce nouveau contexte porteur pour l’exploitation forestière que la COFOR , association des communes forestières de l’Isère, organisait le 20 octobre à Pellafol une journée formation « débardage par câble » en partenariat avec l’ONF, avec la visite du chantier de la forêt communale de Pellafol où 3780m3 sont en cours d’exploitation.

Une cinquantaine de personnes ont suivi cette formation parmi lesquelles une quarantaine d’élus venus de l’Isère, des Hautes-Alpes, des Alpes de Haute-Provence, des Alpes Maritimes.

C’est l’entreprise italienne Gurndin venue de Bolzano (Sud-Tyrol) qui mène à bien le chantier de Pellafol (elle est intervenue l’an dernier à Hauteluce, en Savoie, ainsi qu’à St Pierre-de-Mésage en Isère) et qui a pu faire une démonstration de débardage par câble mât (2), qui se substitue de plus en plus au système conventionnel du câble long.

Si cette entreprise vient de loin, ce n’est pas un hasard. On ne recense en Rhône-Alpes que 4 équipes de câblistes (dont 3 en Haute-Savoie) et le volume exploité par câble ne représente qu’1% du total, contrairement à des pays comme la Suisse, l’Autriche, l’Italie où la majorité des volumes exploités sont en zone de montagne. En outre, en France, on constate chaque année une érosion (-2,5%) de la main d’œuvre salariée, dans ce domaine.

La forêt de Pellafol avait besoin de rajeunir

Avec des pentes de 70°, le choix du débardage aérien par câble mât s'est imposé à la commune de Pellafo, compte tenu des conditions actuelles
Avec des pentes à 70°, le choix du débardage aérien par câble mât s'est imposé à la commune de Pellafol, compte tenu des conditions actuelles (photo Cofor)

La commune, qui compte quelque 141 habitants, disposait, dans ce canton de Crève-cœur, au pied de l’Obiou, d’un peuplement mûr (89% sapin, 11% hêtres) de 3780m3 qu’il était urgent de rajeunir. Compte tenu des caractéristiques du secteur – une pente forte (70°), des pistes raides en mauvais état et des distances de traînage importantes, des zones inaccessibles au tracteur- le choix du câble s’est imposé.

Parmi les avantages du câble mât : limitation des déplacements en forêt (travail en trouées), indifférence à l’enneigement (stabilisation des équipes de câblistes, amortissement du matériel), pas de traînage des bois (préservation de la biodiversité).

Quant aux volumes sortis, ils sont de l’ordre de 1000m3/mois en moyenne. On peut donc estimer que le chantier de Crève-Cœur devrait prendre plus de 3 mois, et sans doute, en partie, sous la neige. Neuf lignes de câbles sont installées (de 300 à 600m).

La commune a établi son bilan prévisionnel (le bois étant vendu par contrat à la scierie Eymard) et estimé que le jeu en valait la chandelle. Le produit de la vente plus les aides publiques accordées rendent l’opération rentable alors qu’elle ne l’était pas les années précédentes. Même avec une entreprise venue d’Italie.

A propos de la pratique par trouées, qui est une petite révolution dans l’exploitation, l’éclairage de Laurent Descroix : « Il y a quelques années, la sylviculture pied par pied était rentable grâce à des moyens importants mais aujourd’hui le contexte économique oblige à travailler par trouées ».

La coupe par trouées (de 20 à 60 ares) offre plusieurs avantages : elle facilite le développement et la croissance de la régénération et des jeunes peuplements, elle facilite l’exploitation, elle limite les blessures au peuplement.

Une chance pour l’Isère

Le plan élaboré pour la forêt iséroise vise la mobilisation de 100 000m3 supplémentaires d’ici 2013, 65 000m3 en bois d’œuvre, 35 000 en bois de trituration ou bois énergie. En ce qui concerne le câble, l’objectif est de 5000m3/an, avec le projet d’installer une équipe de câblistes.

A l’échelle régionale, le Plan câble 2011-2013 a pour objectif l’installation de 6 nouvelles entreprises de câblage dans les Alpes du Nord d’ici 2011 et la création de 100km/an de routes à grumiers. Ces dessertes devront être structurantes, multifonctionnelles et durables, de façon à ne pas pénaliser les autres usages de la forêt (pastoralisme, randonnée, ski de fond).

En termes d’emploi, cette nouvelle percée du câble peut être une chance pour certaines entreprises. Les aides à l’équipement sont de l’ordre de 40% des dépenses éligibles en Rhône-Alpes (aides Europe, Etat, CR, CG).

Le câble pourrait également être mis à contribution dans l’agglomération grenobloise où des expériences doivent être menées dans des forêts de feuillus (hêtres essentiellement) qui n’ont pas été touchés depuis 50 ans. Une innovation qui peut s’expliquer financièrement : « Du fait de l’augmentation des cours du bois, remarque Laurent Descroix, le bois bûche se vend désormais 42 à 43€/m3 bord de route ».

Bois d’ici (ADAYG), dont nous avons déjà parlé dans sillon38, qui s’emploie précisément à valoriser le potentiel bois énergie des forêts publiques et privées périurbaines, a certainement dû étudier la question.

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(1) En Isère, l’aide du Conseil général, dans le cadre d’un  contrat territorial, représente 10 à 80% des coûts.  Hors contrat : 10€/mètre de ligne installée.

Pour la forêt de montagne ayant un rôle de protection, aide de l’Etat (50%) + CR et CG. 80% des dépenses éligibles plafonnées à 2500€/ha pour câble mât et 3125€/ha pour câble long.

(2) Le câble mât possède une charge utile de 3 à 5 tonnes selon le matériel. Les rendements varient entre 40 et 80m3/jour. Deux opérateurs suffisent : le conducteur du câble, l’accrocheur (en forêt). Les coûts sont en moyenne de 40 à 45€/m3. Distance de débardage : jusqu’à 800m. Coût d’investissement : de l’ordre de 300 000€ (données ONF et FCBA).

Gilbert

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