Rhône-Alpes tient à son agriculture : Queyranne expose ses plans

JJQLors de la conférence régionale agricole  qui s’est tenue le jeudi 29 avril au siège de la Région Rhône-Alpes , à Charbonnières-les-Bains, Jean-Jack Queyranne, président du Conseil régional, a dressé un bilan de l’agriculture régionale et évoqué les voies à suivre , les politiques à mettre en place, au cours de cette nouvelle mandature, afin d’ouvrir des perspectives pour ce secteur économique qui traverse une crise grave mais que Rhône-Alpes entend préserver en relevant plusieurs défis.

Plusieurs grandes décisions se préparent au niveau national et européen : LMA examinée prochainement au Sénat, Grenelle 2 (« trame verte »),  réforme de la PAC. La Région entend relayer au gouvernement comme à Bruxelles les messages des professionnels du monde agricole. Jean-Jack Queyranne souhaite notamment qu’une délibération pour le développement de l’agriculture et du monde rural puisse être votée à l’automne.

Nous vous livrons ici la majeure partie de son allocution :

« J’ai souhaité vous réunir au plus vite, quelques semaines après l’installation de la nouvelle Assemblée régionale, pour évaluer la situation de notre agriculture régionale, engager le débat sur l’avenir du monde rural en Rhône-Alpes et préciser les enjeux de notre industrie agroalimentaire régionale.

La situation de l’agriculture française est aujourd’hui très difficile. Rhône- Alpes n’y échappe pas. La baisse du revenu agricole moyen a baissé en moyenne de 20% en 2008 et de 34% en 2009.

Nous rencontrons, comme j’ai pu le faire ces derniers mois, des agriculteurs qui sont confrontés à des situations dramatiques : surendettement, cessations d’activités et recours au RSA (1500 en Rhône-Alpes touchent le Revenu de Solidarité Active), certaines situations prenant un tour tragique. C’est la marque d’un profond désespoir.

Le niveau de vie de nos agriculteurs revient au niveau qu’ils connaissaient il y a trente ans. Ceci illustre la gravité de la crise que traverse aujourd’hui le monde agricole.

Et pourtant, nous sommes nombreux à croire que l’agriculture a un avenir en Rhône-Alpes, comme en France ou encore en Europe. La baisse des prix, le déséquilibre des revenus des agriculteurs au profit de la transformation et de la distribution, l’approche libérale au niveau européen et la perte de compétitivité de nos productions ne sont pas une fatalité.  Et si le modèle agricole, issu des Trente Glorieuses et fondé sur le productivisme, est condamné, il y a un autre modèle possible.

Je connais le succès des journées portes ouvertes « De ferme en ferme », j’observe la fréquentation des marchés de saveurs de Rhône-Alpes et je vois l’intérêt de nos concitoyens pour les rencontres avec le monde agricole – je pense notamment à ce qui s’est passé place Carnot, il y a quelques jours, avec les jeunes agriculteurs. Il faut s’appuyer sur cet intérêt, sur cette sympathie pour construire ensemble un nouvel avenir à nos 42 000 exploitations et aux filières en aval qui en dépendent.

C’est dans cet esprit que nous avons travaillé au cours de la précédente mandature – en accompagnant les mutations du monde agricole et rural. Je veux adresser un salut à Eliane Giraud qui a fait un travail unanimement apprécié – et ce en lien avec l’ensemble de la profession que vous représentez aujourd’hui. Et c’est dans cet esprit que nous allons poursuivre le travail entamé – Michel Grégoire, qui lui succède, aura à cœur de relever ces défis. Michel Grégoire travaillera également avec d’autres élus de l’Exécutif sur les sujets qui vous concernent : notamment Hervé Saulignac, Vice-Président à l’aménagement du territoire, Alain Chabrolle, Vice-Président à l’environnement, et Gérard Leras, Conseiller Spécial à la politique foncière.

1) Les Régions souhaitent une Europe agricole forte

Dans cette période où se prépare la réforme de la PAC, je veux rappeler toute l’importance que nous aurons à conserver une Europe agricole forte.

Je veux réaffirmer la nécessité à mes yeux de maintenir la régulation au niveau européen. Pour satisfaire les besoins alimentaires et répondre aux attentes en matière de qualité et de préservation de l’environnement, nous ne pouvons pas considérer les productions alimentaires comme un bien marchand banal. C’est une erreur lourde de penser que seul le marché permettra de surmonter la crise agricole.

Au contraire, c’est en grande partie parce qu’il y un relâchement de la régulation au niveau de l’Europe que certains marchés sont poussés au déséquilibre (je pense notamment au lait et au vin, ainsi qu’à d’autres secteurs dont l’Europe est absente). Je le dis notamment à l’attention du représentant de la Commission européenne, les Régions françaises ont besoin d’instruments de régulation renouvelés et efficaces. C’est un enjeu majeur pour le maintien de la puissance agricole européenne, des emplois qui y sont liés ainsi que des paysages qui en constituent un élément fort de l’identité de nos terroirs et de leur attractivité.

L’Union Européenne doit préserver la Politique Agricole Commune pour assurer l’indépendance et la sécurité alimentaire de l’Europe ; garantir la diversité agricole ; garantir les revenus des agriculteurs et le maintien de l’emploi : c’est dans ces conditions que la PAC doit être réformée. Les Régions de France sont unanimes sur ce point.

Notre agriculture européenne est soumise à la dure concurrence de la mondialisation. Nos exploitations et nos agriculteurs ne peuvent être la variable d’ajustement de la libéralisation du commerce international. C’est tout l’enjeu des négociations dans le cadre de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Si l’Europe ne pèse pas dans ces négociations, nous allons tout droit vers la disparition d’une partie de notre agriculture et de pans entiers de nos productions.

2) La PAC, réformée, doit mieux prendre en compte notre agriculture régionale

La PAC actuelle privilégie trop une agriculture intensive, les grandes cultures et les pratiques non respectueuses de l’environnement. C’est ce qui explique que Rhône-Alpes n’ait jamais été favorisée par la PAC – 8% des exploitations françaises (42 500 exploitations en Rhône-Alpes sur 517 0000 en France) avec 4% des aides européennes françaises (430 M€ sur 11,1 milliards d’euros pour la France entière) !

Je confirme l’urgence de réformer la PAC. C’est la position commune de l’ensemble des Régions de France. La nouvelle PAC devra respecter la diversité de notre agriculture, être plus équitable et plus efficace. Avec une véritable conditionnalité des aides et leur découplage, c’est l’objectif de l’équité qui doit être recherché: corriger les handicaps, prendre en compte les spécificités  des territoires (70 % de notre territoire en zone de montagne) et les défis de l’environnement.

Nous souhaitons surtout une véritable régionalisation de la PAC (comme c’est le cas de la majorité des Etats membres). Je vous indique que l’Europe est le premier financeur de l’agriculture en Rhône-Alpes avec 430 M€ (chiffres 2008). Le budget agricole de notre Région, quant à lui, s’élève à 38 M€ et si on ajoute les budgets agricoles des 8 Conseils généraux de Rhône-Alpes on totalise près de 80 M€ de la part des collectivités territoriales. Au-delà des chiffres « stricto sensu », notre action a un véritable effet multiplicateur : nous agissons comme effet de levier sur les mutations de notre agriculture, notamment par le soutien apporté aux investissements qui permettent une valorisation des produits et la modernisation des exploitations.

La régionalisation des aides s’impose pour prendre en compte les réalités régionales et mieux assurer le lien agriculture-territoire. Sachez que la Région Rhône-Alpes, comme les autres Régions de France, fera passer ces messages au Gouvernement français, mais aussi à Bruxelles, ou nous allons renforcer notre présence dans le domaine agricole. Et nous avons la volonté de vous associer.

3) Nous devons faire évoluer notre modèle agricole

Si l’agriculture est en crise, la question alimentaire n’a jamais été aussi prégnante au niveau mondial. Les prix agricoles baissent en Europe et la famine menace à nos portes.

Nous avons connu une révolution agricole à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Nous devons aujourd’hui « changer le logiciel ». Le choix de la production et de la régulation par les prix avait été fait. De fait, on s’est détourné trop longtemps des marchés et des débouchés pour nos productions.

Les enjeux sont aujourd’hui ceux des marchés. Ceux du coin de la rue avec les circuits courts, comme ceux de l’export (en Europe ou dans le monde). Avec nos savoir-faire en Rhône-Alpes, nos productions de qualité, un potentiel agroalimentaire exceptionnel, un bassin de consommation de 6 millions d’habitants, sans oublier que nous sommes la 2ème Région touristique de France avec une clientèle qui découvre nos produits et souhaite y être fidèle, il faut permettre à nos agriculteurs d’être mieux présents sur le marché local et régional, et sur les marchés européens et mondiaux.

Quelles sont les pistes à renforcer ? Les circuits courts et les circuits nationaux avec le développement de la contractualisation, et une meilleure répartition de la valeur ajoutée au profit des exploitants, sans oublier l’export -je pense tout particulièrement à notre vignoble.

En Rhône-Alpes, nous avons engagé une nouvelle dynamique qui repose sur trois piliers : productions de qualité, maintien des espaces ruraux et de l’environnement, présence sur les marchés.

La Région vous accompagnera dans cette dynamique. C’est une réponse à  la mondialisation. Au local comme à l’international.

4) Les perspectives du Grenelle II

Le projet de loi Grenelle II portant « engagement national sur l’environnement » doit être examiné par l’Assemblée nationale la semaine prochaine : il comporte un volet agricole important.

Un certain nombre de principes avaient été affirmés lors du vote de la loi Grenelle I, sur la captation de l’eau potable et sur la question des SDAGE (Schémas Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux), les règles phytosanitaires et celles concernant les produits phytopharmaceutiques, sur la certification des exploitations, sur les règles entourant le développement de l’agriculture biologique et sur les questions relevant de la biodiversité (trame verte).

Mais force est de constater que leur mise en œuvre par le Grenelle II est de plus en plus incertaine : la baisse des revenus agricoles ne permet bien évidemment pas aux exploitants de financer ces adaptations et, a fortiori, si la puissance publique n’y apporte pas de son côté une aide conséquente. Pour beaucoup d’exploitants, l’enjeu est en effet de survivre.

Je veux rappeler que Rhône-Alpes n’a néanmoins pas attendu le Grenelle pour intégrer la dimension environnementale dans sa politique agricole régionale, répondant aussi aux attentes des agriculteurs et des consommateurs : sur le bio et les produits de qualité, sur l’autonomie alimentaire des élevages, sur le développement des énergies renouvelables dans les exploitations, sur l’accompagnement du monde rural (agriculture de montagne avec notre politique pastorale par exemple, comme j’ai pu en prendre connaissance lors de mes visites d’alpages), sur la modernisation des bâtiments d’élevage, sur le traitement des effluents viticoles, sur les questions du foncier agricole et des espaces périurbains, sur les circuits courts et le développement de l’énergie bois.

Nous avons initié et soutenu une forte dynamique régionale, une dynamique fortement liée aux spécificités de Rhône-Alpes : 120 appellations en Rhône-Alpes ; la première agriculture bio de France et une agriculture de montagne diversifiée, des exploitations à taille humaine.

Mais après le Grenelle ? Que se passera-t-il ? Les Régions attendent des engagements plus forts de l’Etat. Sans doute faut-il que la PAC (dans son volet FEADER notamment – Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural) soit davantage mobilisée sur ces sujets. Les Régions ne pourront, dans le cadre budgétaire qui sera de plus en plus contraint, assumer seules la responsabilité de la mise en œuvre des engagements du Grenelle de l’Environnement. La volonté n’y suffira pas.

5) Les enjeux pour la Région du développement agricole, rural et de l’agroalimentaire

Le bilan de l’action régionale du précédent mandat (2004-2010) vous sera présenté au cours de cette conférence. Je veux cependant revenir sur ce qui me paraît essentiel pour la nouvelle mandature.

Le premier point est bien sûr l’avenir de nos exploitations : avec en tout premier lieu l’installation et la transmission. C’est le premier poste budgétaire de notre politique agricole : depuis 2005, nous y consacrons 8 M€ par an et nous avons ainsi refondé notre politique en concertation avec les professionnels et l’Etat. Nous allons poursuivre notre soutien aux investissements pour moderniser les exploitations, et travailler davantage la  question du foncier. Nous devrons également aller vers une plus grande sécurisation de nos exploitations en lien avec le projet d’assurance récolte que nous avons appelé de nos vœux. Mais pour l’instant, sachez qu’un décret a interdit aux collectivités locales de co-financer le dispositif mis en œuvre dans le cadre du bilan de santé de la PAC.

Le second point porte sur les productions. Les produits de qualité, le bio, et les filières resteront le coeur de nos préoccupations. Nous vous accompagnons dans la création d’un cluster agroalimentaire pour Rhône- Alpes : je souhaite que la délibération qui concrétisera l’engagement financier de la Région sur ce sujet puisse être votée au plus vite. Je veux   préciser aussi toute l’importance que je porte à l’innovation, car c’est le meilleur moyen de développer la valeur ajoutée de nos produits, qu’ils soient peu ou beaucoup transformés.

Nous devrons également travailler sur la commercialisation des productions, en Région et dans le cadre des circuits courts. Avec le cluster, peut-être faudrait-il avancer sur la contractualisation des relations entre producteurs et industriels ? Et travailler dans le cadre de l’approvisionnement des restaurants de nos lycées également ?

Il nous faudra poursuivre sur les politiques territoriales dans le domaine agricole, le foncier bien sûr, réfléchir sur nos outils (PSADER – Projet Stratégique Agricole et de Développement Rural), mettre l’accent sur les zones de montagne. Sur la forêt, nous accentuerons notre politique de valorisation de la filière bois, que ce soit le bois construction ou le bois énergie. L’un et l’autre participent à la valorisation de cette ressource. Les enjeux de cette filière portent aussi sur la transformation : c’est l’une des clefs de la valorisation de notre massif forestier, le second de France, mais le premier par la difficulté d’exploitation.

Bien entendu, nous continuerons de prendre en compte les questions liées à l’environnement : l’autonomie alimentaire ou énergétique des exploitations, l’agriculture biologique (où l’insuffisance de l’offre régionale se fait sentir), les circuits courts que j’ai déjà évoqués, la question de l’irrigation avec le souci de l’efficacité économique mais aussi la maîtrise de l’utilisation de la ressource.

Pour conclure, cette conférence agricole s’inscrit dans la continuité de notre action passée. Nous devons poursuivre. De nombreux défis doivent être relevés ; nous sommes déterminés.

C’est dans ce contexte de crise que la Loi de Modernisation Agricole doit être examinée à partir du 18 mai par le Sénat. Nous serons particulièrement attentifs aux débats et à leurs répercutions pour notre Région. Je pense notamment au volet qui porte sur la contractualisation entre les producteurs et les transformateurs, mais également au volet foncier qui concerne la préservation des terres agricoles.

Nous allons poursuivre la mise en œuvre du plan régional pour l’agriculture et le développement rural en concertation avec les professionnels du monde agricole. Nous souhaitons y apporter des inflexions pour être plus efficaces et tenir compte des discussions nationales et européennes : je souhaite qu’une délibération pour le développement de l’agriculture et du monde rural puisse être votée à l’automne. »

Gilbert

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