Lutte contre l’ambroisie en grandes cultures

Du point de vue agronomique, la nuisibilité de l’ambroisie a conduit depuis longtemps les agriculteurs et les organismes techniques qui les accompagnent à rechercher et à mettre en œuvres les moyens de lutte disponibles dans les cultures de printemps (tournesol, soja, sorgho, pois, …).

Les récentes études concertées, notamment l’action de recherche menée de 2005 à 2007 dans la région de Bourgoin-Jallieu et les campagnes de luttes soutenues par la Communauté d’agglomération du Pays Viennois, ont mis en évidence l’intérêt de lutter également précocement dans les intercultures d’été, sur les chaumes, juste après récolte des cultures d’hiver (blé, orge, colza), pour mieux maîtriser le risque agronomique (multiplication des graines) et le risque de santé constitué par l’émission de pollen.

ambroisie

Inventaire des moyens de lutte en grandes cultures

A ce jour, 3 types de lutte, agronomique, mécanique et chimique, sont inventoriés pour agir en substitution ou en complémentarité selon les cas, au niveau des intercultures après la récolte des cultures d’hiver ou au niveau des cultures de printemps.

– La lutte agronomique : il s’agit notamment de pratiquer d’une part des assolements diversifiés, c’est-à-dire de varier les espèces cultivées en tenant compte des moyens de lutte disponibles selon l’infestation historique des parcelles, et, d’autre part, de mettre en œuvre, autant que les conditions le permettent, la technique du faux semis, avant l’implantation des cultures de printemps et après les cultures d’hiver (déchaumage).

Le faux semis consiste à préparer finement le sol, mais sans semer immédiatement à la suite, de manière à favoriser les levées d’ambroisies, quitte à retarder un peu l’implantation de la culture, qui seront ensuite détruites et ainsi contribuer à l’épuisement du stock semencier du sol.

Enfin, il convient de prendre le maximum de précaution au moment de la récolte d’une parcelle ou d’une partie de parcelle infestée pour limiter la disséminations des graines matures, notamment en nettoyant autant que possible la moissonneuse batteuse.

– La lutte mécanique : sur les intercultures estivales, il s’agit de déchaumer le plus tôt possible après la récolte des cultures d’hiver (courant juillet). Cette pratique permet à la fois de détruire les jeunes ambroisies levées sous couvert des cultures en place, avant leur récolte, et de favoriser d’éventuelles nouvelles levées.

Sur les cultures de printemps, 3 types d’outils (bineuse, houe rotatitive ou herse étrille)  peuvent être utilisés selon les cultures en place et les conditions de milieu (présence plus ou moins importante de pierres ou graviers, conditions météo des périodes auxquelles elles peuvent être mise en œuvre, stade de développement des plantes). La contrainte première de faisabilité qui est apparue comme un frein à leur mise en œuvre dans nos études régionales est leur disponibilité sur les exploitations, qui engendre un investissement conséquent en matériel.

– La lutte chimique: sur les intercultures, il s’agit d’appliquer relativement tôt après la récolte des cultures d’hiver, et dans tous les cas avant floraison de l’ambroisie, un désherbant total permettant de détruire les jeunes plantes levées sous couvert des cultures d’hiver. Le choix entre l’option mécanique ou l’option chimique intègre la facilité d’intervention mais aussi la présence de plantes vivaces tel le chardon.

Dans les cultures de printemps, la lutte chimique met en œuvre des désherbants autorisés, culture par culture, c’est-à-dire sélectifs de cette culture et qui ont montré dans une évaluation préalable leur intérêt contre l’ambroisie. Trois périodes d’emploi sont à distinguer :

– l’application de présemis, c’est-à-dire une pulvérisation au moment des dernières préparations de sol, juste avant semis,

– l’application de post-semis – prélevée : le produit est pulvérisé après le semis mais avant la levée de la culture,

– les applications de post-levée : le produit est pulvérisé après la levée de la culture et, la plupart du temps, c’est le stade des mauvaises herbes qui guide le moment du traitement.

– La lutte mixte: des techniques d’association des luttes chimique et mécanique ont été mises au point. On parle de désherbage mixte au semis lorsqu’on embarque un système de pulvérisation sur le semoir qui permet d’appliquer un désherbant de post-semis – prélevée juste derrière l’élément semeur et seulement sur une largeur réduite correspondant à la ligne de semis.

Dans cette pratique, l’enherbement de l’inter-rang sera contrôlé par un binage. On parle aussi de désherbinage quand le système de pulvérisation est embarqué sur la bineuse, ce qui permet d’associer la pulvérisation d’un désherbant de post-levée au passage seulement au niveau du rang de semis au binage de l’inter-rang.

Ces techniques associées nécessitent un équipement approprié mais permettent aussi de limiter de plus de moitié les quantités de désherbants appliquées à l’hectare de culture.

Sur tournesol, de nouvelles solutions viennent compléter les possibilités de lutte en post-levée, période d’intervention jusque là non possible sur cette culture

Depuis 2009, les producteurs disposent d’innovations en matière de désherbage du tournesol après la levée, créneau d’intervention jusque là non pourvu pour cette culture au niveau des dicotylédones. Le produit PULSAR 40 (BASF Agro) dispose d’une AMM sur tournesol tolérant CLEARFIELD® et soja à la dose de 1,25 l/ha. Le produit Express SX (DuPont Solutions) dispose d’une AMM sur tournesol tolérant EXPRESS SUN™ à la dose de 45 g/ha et 60 g/ha sur ambroisie. Ce dernier doit être utilisé en mélange extemporané avec Trend90 à 0,1%.

Ces solutions permettent désormais d’opérer en post-levée, à 4 feuilles du tournesol ou du soja, soit environ 1 mois après le semis. Le mode d’action est celui des inhibiteurs de l’acétolactate synthétase (ALS ou AHAS), commun aux sylfonylurées, aux triazolo-pyrimidine (florasulam, pyroxulam), à la propoxy-carbazone (Attribut) et aux imidazolinones. Ces herbicides agissent au niveau des zones méristématiques en inhibant la division cellulaire. Ce mode d’action est assez long avant de voir disparaître les plantes (nécrose des zones méristématiques puis mort de la plante). Express SX ne montre aucun manque de sélectivité sur tournesol tolérant. L’application de Pulsar 40 peut parfois s’accompagner de jaunissements passagers sans aucune incidence sur le rendement.

L’apparition de ces nouvelles solutions représente pour les producteurs un réel atout. Le désherbage de post-levée devient une réalité sur flore classique, ce qui permet de s’affranchir de conditions climatiques sèches affectant parfois les produits à action racinaire. En bonnes conditions, sur flore classique, les efficacités de ces nouveaux produits apparaissent comparables à celles de ces solutions anciennes.

Mais la nouveauté se manifeste surtout contre les flores difficiles avec de très bon niveaux d’efficacité : ambroisie, ammi-majus, bidens, datura, liseron des haies, tournesol sauvage et xanthium. Express SX permet également un contrôle du chardon.

Dans certaines conditions de flores, les programmes associeront prélevée et post-levée. C’est en particulier le cas avec Express SX qui ne présente aucune efficacité sur graminées. Il devra s’intégrer à un programme contenant Mercantor Gold, Prowl ou Atic Aqua.

Profiter de ces bénéfices à long terme passe par la gestion de la durabilité de ces solutions. En effet, s’agissant d’herbicide à site d’action unique (famille des ALS), l’apparition d’adventices résistantes ne peut être exclue (des cas ont déjà été observés en culture de céréales suite à l’utilisation systématique de sulfonylurées).

L’apparition d’une adventice résistante (par mutation de cible ou par détoxification) est un phénomène qui n’est pas lié à l’utilisation de l’herbicide, mais ce dernier, par pression de sélection, peut finir par révéler une population résistante.

Pour assurer cette bonne gestion, l’évaluation du risque et le respect de quelques mesures d’accompagnement sont de mise. Ainsi leur utilisation doit prendre en compte non seulement la culture traitée mais aussi l’ensemble de la rotation.

Le CETIOM propose en ligne un outil :

http://www.cetiom.fr/to_tolerant_durabilite/ qui évalue le risque d’apparition d’adventices résistantes dans chaque situation et apporte les préconisations adaptées parmi lesquelles l’alternance des matières actives, l’application des méthodes agronomiques et mécaniques décrites plus haut.

Contre les fortes populations d’ambroisie, en situation de rotation courte avec tournesol, un programme associant Nikeyl en prélevée puis Pulsar 40 ou Express SX est également un moyen d’assurer cette durabilité.

Ces homologations ont été accompagnées cette campagne de la première offre variétale adaptée. Le potentiel des premières variétés tolérantes est à relier avec celui des premières variétés oléiques lorsqu’on les comparait aux meilleures variétés classiques, les efforts de sélection pour reconvertir des lignées élites présentant un petit décalage dans le calendrier du progrès génétique.

Les premières variétés Clearfield testées au CETIOM en 2009 (variétés ES Balistic – oléique, Rustica et LG5668 CL – Semences LG) présentent un niveau de rendement de l’ordre de 95 % de la moyenne du rendement, soit un recul de -5 à -7 % du potentiel des meilleures variétés. La teneur en huile peut, elle aussi, être affectée par cette reconversion. Les autres semenciers n’ont pas souhaité confier leurs variétés en évaluation en 2009.

Pour les semis 2010, ces nouvelles solutions ont plutôt été réservées aux situations dans lesquelles les solutions de désherbage actuelles étaient insuffisantes (flores difficiles dont l’ambroisie). Mais on peut parier sur un élargissement rapide de l’offre variétale tolérante.

Ces herbicides de post-levée vont permettre de modifier significativement le désherbage.

Le désherbage de post-levée se raisonne non plus sur une flore supposée, mais sur des adventices présentes. C’est aussi une pratique sécurisante qui devrait permettre une prise de risque plus importante en prélevée. Ainsi, le désherbage sur le rang en prélevée ou l’impasse suivis d’un binage pourraient plus volontiers se développer, en particulier dans les zones où le focus est mis sur la qualité de l’eau (MAE territoriales, etc.). Globalement, le recours aux solutions de post-levée devraient réduire l’emploi de produits de prélevée présentant un plus fort grammage à l’hectare (20 à 50 g/ha contre 1500 à 2400 g/ha).

Elles permettent aussi d’envisager une réponse ciblée en intervenant à vue sur les zones de bordure des parcelles que toutes nos études régionales montrent comme fréquemment nettement plus infestées par l’ambroisie que l’intérieur des parcelles et pour lesquelles aucune solution pertinente ne permettait d’obtenir un contrôle ciblé différencié jusqu’à maintenant.

Enfin, il convient de souligner que le potentiel semencier de l’ambroisie de certaines parcelles est tel – possibilité de levée de 100 voire 200 ambroisies par m² – que même lorsque l’efficacité du/des désherbant(s) utilisé(s) peut être qualifiée d’excellente (90 à 95 % d’efficacité par rapport au témoin non désherbé), l’indice de satisfaction vis-à-vis des moyens de lutte mis en œuvre peut être jugé beaucoup plus mitigé dès lors qu’il reste quelques ambroisies présentes, vu le développement que celles-ci peuvent atteindre.

On constate toutefois dans le cas de l’emploi des nouveaux produits proposés en post-levée du tournesol que, dans de telles circonstances, le développement des ambroisies non complètement détruites demeure très réduit, limitant leur nuisance tant au niveau concurrentiel vis-à-vis de la culture qu’au niveau de l’émission de pollen.

Franck Duroueix et Didier Chollet  – CETIOM

Gilbert

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