Vers de meilleures stratégies agricoles et alimentaires pour concilier durabilité et nutrition

Comment améliorer nos apports nutritionnels en optimisant nos pratiques agricoles ? Manger sain est-il bon pour notre planète ? Comment guider nos choix alimentaires pour concilier durabilité et nutrition ?

Depuis plus de 3 ans, des équipes coordonnées par l’Inra et impliquant la filière Bleu-Blanc-Coeur, Valorex, Terrena travaillent sur ces problématiques dans le cadre du projet Agralid. A l’occasion d’un séminaire à Paris le 8 novembre 2016, les chercheurs livrent leurs résultats finaux.

Ils confirment que le mode de production des produits animaux est un levier efficace d’amélioration des apports en acides gras dans la population française. De plus, leurs travaux débouchent sur un outil d’aide à la décision pour choisir les menus les plus durables selon différentes contraintes (disponibilité des aliments, coût, environnement…).

De nombreuses maladies contemporaines (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires…) sont liées à des déséquilibres dans les apports alimentaires qu’il s’agisse d’excès de sel, de sucres rapides, d’un mauvais équilibre entre énergie et protéines ou entre acides gras oméga-6 et oméga-3. Dans ce contexte, le projet Agralid a démarré en janvier 2013 avec pour objectif d’identifier des filières de productions agricoles durables capables de répondre au mieux aux recommandations nutritionnelles pour l’homme, en modifiant le moins possible les habitudes alimentaires et en proposant des menus accessibles au plus grand nombre.

Des algues et du lin pour nourrir les animaux d’élevage et améliorer nos apports en acides gras

La qualité nutritionnelle des produits animaux, l’impact environnemental, le coût de production peuvent être améliorés par le mode de production et particulièrement par les stratégies alimentaires mises en place dans les élevages. Ainsi, les pratiques déclinées au travers de la filière Bleu-Blanc-Coeur  répondent à des enjeux de santé publique en ce qui concerne les apports d’acides gras.

Dans le cadre du projet Agralid, les chercheurs ont utilisé de nouvelles matières premières alimentaires. Ils ont, entre autre, nourri les animaux d’élevage (porcs, poulets, poules pondeuses et vaches laitières) avec une source de microalgues riches en acide docosahéxaéonique (ou DHA), un acide gras jugé bon pour la santé humaine. Cet apport de DHA par les micro-algues s’est traduit par un fort dépôt dans la viande et les œufs. Les chercheurs ont également montré que les apports en acides gras oméga-3 sont améliorés lorsque les produits animaux sont issus d’un mode de production BBC filière lin (animaux nourris avec des graines de lin).

De plus, les scientifiques ont testé l’impact de nouvelles technologies industrielles (extrusion1 ou dépelliculage des graines de lin) sur la digestibilité des acides gras et leur efficacité alimentaire. Ils ont constaté que l’apport de graines de lin permet d’augmenter le dépôt d’acides gras oméga-3 par rapport à un régime standard (il est par exemple multiplié par cinq pour la côte de porc) et cet effet est amplifié avec les graines dépelliculées.
En termes d’impacts environnementaux, les scientifiques ont montré que la filière BBC réduit les impacts « changement climatique » et « demande cumulée en énergie » de la plupart des produits animaux.

Le point de vue des éleveurs et des consommateurs

Comment les éleveurs se situent face à des offres de démarches agricoles intégrant des critères de nutrition, de santé humaine et d’environnement ? Les chercheurs d’Agralid ont mené plusieurs enquêtes sociologiques intégrant une composante économique auprès des éleveurs. Leurs analyses ont permis de conclure que l’adhésion à une démarche nutrition-santé-environnement n’est pas contraignante sur le plan technique du point de vue de la conduite d’élevage.
Par ailleurs, une expérimentation a été menée auprès de 300 personnes dans deux restaurants d’entreprise à Nantes et à Rennes. Il s’agissait de présenter aux consommateurs différents types de menus (un menu « santé » nutritionnellement optimisé, un menu « végétarien » à faible impact carbone, un menu « filière » basé sur l’identification de l’origine et du mode de production des produits (dont BBC), un menu « global » combinant une partie des composantes des 3 menus précédents).

Résultat : le menu « végétarien » (mettant l’accent sur les seuls arguments environnementaux) est celui qui recueille le plus mauvais score en termes de choix. Cette étude confirme également la préférence marquée des Français pour les produits dont l’origine et le mode de production sont bien identifiés. Ils révèlent aussi que les consommateurs sont prêts à payer plus cher (jusqu’à un surcoût de 10%) en choisissant un menu BBC « filière » ou « global », ce qui s’explique par des raisons à la fois hédoniques, sanitaires et éthiques.


Un outil d’aide à la décision pour améliorer ses menus

Le projet Agralid s’est concentré sur l’élaboration d’un outil d’aide à la décision pour définir les meilleures stratégies alimentaires. Une base de données regroupant au total 140 ingrédients a été constituée en rassemblant les informations relatives aux dimensions nutritionnelles, environnementales et socio-économiques. Les scientifiques ont ensuite développé un outil interactif qui permet non seulement de représenter graphiquement et de manière synthétique les principaux résultats du projet Agralid.

Mais surtout, cet outil permet d’explorer les conséquences d’un changement de pratique alimentaire progressif en termes de composition nutritionnelle, d’habitude alimentaire, de coût économique et d’impact environnemental . Il permet également de constituer de nouveaux menus tenant compte de diverses contraintes telles que les catégories, la quantité ou la diversité des ingrédients, les apports nutritionnels, les prix…

Après 3 ans de travaux, le projet Agralid a rassemblé une quinzaine de chercheurs de disciplines diverses et complémentaires qui confirment que le mode de production des produits animaux est un levier efficace d’amélioration des apports en acides gras dans la population française. Reste à poursuivre les travaux de recherche dans le domaine de la production des microalgues riches en DHA pour réduire les coûts d’utilisation en élevage, dans la protection des acides gras oméga-3 d’une possible peroxydation des produits enrichis naturellement en ces acides gras.

Par ailleurs, les consommateurs choisissent un menu non seulement pour son goût mais parce que les produits qui le composent donnent toutes les garanties de santé du fait de leur origine et de leur mode de production. Et il serait souhaitable de mieux valoriser auprès des consommateurs « le bénéfice santé » de ces produits issus de filières spécialisées comme celle des animaux recevant une part de graines de lin dans leur alimentation.

Gilbert

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