Etats Généraux de l’alimentation: Emmanuel Macron trace la route..

Le Président de la République est intervenu sur ce sujet à Rungis. Ce discours marquait la fin du premier chantier des Etats généraux consacré à la création et à la répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs et a donné une nouvelle impulsion..

Voici le discours d’ Emmanuel Macron dans son intégralité.

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Beaucoup de choses ont été dites et vous êtes revenus, à travers – je vous en remercie – vos discours et les comptes rendus des différents ateliers, sur nombre de détails qui font le quotidien de beaucoup d’entre vous. Et je voulais vous remercier non seulement pour ces restitutions, pour l’accueil d’aujourd’hui, Monsieur le Président de Rungis, pour l’accueil sur ce carreau d’Île-de-France, mais plus largement, pour le travail effectué depuis des semaines.

Élus, représentants syndicaux, patronaux, professionnels du secteur, vous avez un quotidien déjà bien chargé et plus de 900 d’entre vous avez accepté durant des jours, parfois des nuits, de travailler d’arrache-pied pour que ce sujet, ces sujets qui sont les nôtres et ceux des États généraux de l’alimentation auxquels je m’étais engagé puissent conduire à des décisions concrètes.

Je n’ignore rien des tensions, des désaccords, peut-être des malentendus résiduels qui ont pu accompagner ces débats, mais je sais d’abord qu’ils ne sont rien par rapport au quotidien que vivent nos concitoyens, agriculteurs, dirigeants d’entreprise et l’angoisse qui est la leur, les difficultés qui sont les leurs, que ces tensions ne sont rien par rapport à celles que vivent certains de nos territoires qui ont à accompagner cette transformation et par rapport à l’attente légitime de nos concitoyens qui sont aussi aujourd’hui inquiets de la qualité de leur alimentation.

Mais je sais aussi que ces débats ont permis de lever beaucoup de conflits et, vous l’avez dit à plusieurs reprises et je vous en remercie les uns et les autres, ils ont permis de renouer avec une forme d’esprit de responsabilité partagée. Et je vous le dis ici très nettement, il m’appartient de livrer quelques conclusions intermédiaires de ces États généraux mais ces conclusions seront peu de chose si elles ne sont pas accompagnées de l’esprit de responsabilité collectif. C’est vous toutes et tous qui aurez à faire vivre les résultats de ces États généraux dans vos pratiques quotidiennes. C’est vous et chacune et chacun d’entre vous dans vos compétences et vos qualités qui aurez à faire exister ces travaux.

Les États généraux de l’alimentation ont deux objectifs : le premier, permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé, de permettre à tous dans la chaîne de valeur de vivre dignement ; et le second, de permettre à chacune et chacun d’avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre. Et ce que je souhaite que nous commencions à compter d’aujourd’hui, ça n’est pas de mettre en œuvre une série d’ajustements techniques – nous en passerons par là –, mais c’est que nous puissions décider collectivement d’un changement profond de paradigme pour construire ensemble, à la lumière de vos travaux, une mobilisation de tous et toutes et cette responsabilité nouvelle que j’évoquais il y a un instant.

Quels sont aujourd’hui nos défis ? Nous avons les défis du prix qui touchent tous les acteurs de la chaîne. Aujourd’hui, les producteurs plus particulièrement mais in fine, tout le monde sera impacté. Celui de la souveraineté alimentaire qui est un objectif que nous devons poursuivre à l’échelle du pays mais, plus largement, de l’Europe. Celui aussi de la santé de nos concitoyens.

Nous vivons, en effet, dans un pays où les agriculteurs ne peuvent plus vivre du juste prix payé. Ce constat, vous l’avez tous établi clairement et ne pas vouloir le regarder en face ou en tirer toutes les conséquences, c’est – même lorsqu’on n’est pas concerné au premier chef – décider que, tôt ou tard, nous construirons la fin de nos propres équilibres, l’équilibre de certains de nos territoires, de notre propre indépendance et même de nos modèles de distribution qui reposaient sur la capacité que nous avions de cette organisation collective.

Je souhaite donc que nous mettions un terme très clair à ce qui est devenu une dérive. La baisse des prix est légitime. Elle est attendue du consommateur et elle est légitime lorsqu’elle est le fruit d’innovations, de gains de productivité, d’une amélioration d’un processus collectif. Et c’est le principe même du juste fonctionnement d’un marché et la finalité d’ailleurs de la libre concurrence qu’il débouche par le juste prix, le vrai juste prix, celui qui, permettant de répercuter ces gains de productivité sur le consommateur final, évite que ne se créent des effets de rente dans une économie.

Mais le marché dérive et perd sa propre finalité lorsque le prix payé par le consommateur baisse année après année, ne suivant que des volatilités de prix liées à des cours mondiaux ponctuels, mais ne répercute plus des gains de productivité ou des innovations collectives, mais simplement des déséquilibres d’un marché qui, face à 60 millions de consommateurs et à plusieurs dizaines de milliers de producteurs et transformateurs mais quelques centrales d’achat. Et donc, oui, nous sommes aujourd’hui non pas face à des prix qui sont justement équilibrés pour le consommateur, mais dans nombre de cas, des prix qui sont devenus anormalement bas.

Nous avons une pédagogie collective à faire sur ce sujet. Tout le monde est attaché au pouvoir d’achat. Le gouvernement l’est chaque jour qui, à travers l’exercice budgétaire en particulier qu’il a à défendre, vise entre autres à cette finalité. Mais je ne veux pas ici revisiter les truismes de notre économie collective depuis des décennies, voire des siècles. Si le pouvoir d’achat se fait au détriment de la capacité à embaucher, à investir ou à vivre dignement, on voit bien qu’il n’est pas durable et pas soutenable.

Il n’est plus possible aujourd’hui qu’en France, un tiers des agriculteurs gagne moins de 350 euros par an et je le redis très clairement, nous devons permettre aux agriculteurs de ne plus dépendre des aides et, pour cela, nous assurer qu’ils soient rémunérés au juste prix de leur travail. Je n’ai jamais entendu un agriculteur, un paysan – parce que moi, je revendique ce mot que j’aime – demander des aides, je n’ai vu que des femmes et des hommes qui ne comptaient pas leurs heures mais qui demandaient à vivre dignement des heures travaillées. Je n’ai jamais vu un chef d’entreprise ou un salarié de nos quelques 15.000 TPE-PME qui transforment ces produits agricoles demander des aides mais j’ai vu des femmes et des hommes qui demandaient simplement de pouvoir justement se rémunérer du travail fait.

Et donc, pour toutes ces raisons, il est indispensable que nous puissions revisiter nos équilibres actuels parce qu’il en va de la capacité de notre pays à continuer à porter son excellence alimentaire. Parce que, derrière la capacité à faire vivre nos agriculteurs, il y a la capacité à faire vivre nos transformateurs, in fine aussi nos distributeurs et toutes celles et ceux qui valorisent sous toutes leurs formes nos produits, notre gastronomie, notre artisanat, ces marchés internationaux. Chacune et chacun y a sa place et il y a une excellence française artisanale et industrielle qui est accrochée à ces équilibres. C’est pourquoi le juste prix payé doit être un objectif et doit accompagner nos décisions.

Le défi de la souveraineté alimentaire est tout aussi important, c’est celui qui consiste à accompagner partout en Europe la transformation de nos modèles productifs, à pouvoir monter en qualité, à répondre aux besoins alimentaires de nos populations, à répondre à leurs goûts, à répondre aussi aux défis internationaux, mais à tout faire dans nos décisions pour que jamais ne disparaisse une filière si elle est encore de manière équitable compétitive. Notre souveraineté alimentaire, c’est la possibilité qui nous est donnée dans la durée de choisir notre modèle et ne perdons pas de vue le moyen et le long terme à cet égard. Parfois, en menant des batailles de court terme, des luttes intestines nous fragilisons certaines de nos filières, prenant le risque de les faire disparaître tout ou tard et de dépendre de manière complète de pays voisins, d’autres filières auxquelles nos contraintes ne sont pas apportées, qui n’ont pas notre exigence environnementale, qui n’ont pas notre exigence de qualité, qui n’ont pas notre organisation.

Ce qu’il y a derrière la souveraineté alimentaire, c’est le défi de notre indépendance économique et alimentaire de celle de l’Europe mais aussi de la crédibilité des décisions que nous avons à prendre aujourd’hui. Et derrière cette souveraineté alimentaire, il y a aussi nos équilibres territoriaux parce que nos paysans, parce que nos entreprises de l’agroalimentaire, elles font partie des équilibres et de la réussite de nos territoires. De leurs équilibres parce qu’elles entretiennent les paysages, elles entretiennent nos terres – et c’est de là que vient ce beau mot de paysan – et qu’il y a des fonctions qui ne sont pas que celle de produire et j’y reviendrai. Fonctions de production énergétique, de services environnementaux que nous devons mieux valoriser mais qui relèvent aussi des équilibres de nos territoires. Et parce qu’il y a derrière l’agriculture et l’agroalimentaire, une capacité de nos territoires à se projeter, à réussir à conquérir le vaste monde. Et des oléo-protéagineux en passant par le vin et les spiritueux, la viande, les fruits et légumes, ce sont aussi nos capacités à porter des territoires entiers vers des conquêtes à l’international et d’y accompagner notre gastronomie, notre savoir-faire, nos chefs. Et toute cette filière française, c’est de l’emploi créé en France, c’est une capacité à donner à nos jeunes une expertise, une place dans la société. C’est ça la politique qui est accrochée derrière la capacité que nous aurons à répondre aux défis contemporains.

Enfin l’inquiétude sanitaire que j’évoquais, celle de la santé de nos concitoyens est également l’un des objectifs indispensables de ces États généraux et, sur ce point aussi, il nous revient de savoir réconcilier des points de vue. Il n’y aura pas de modèle agricole ou agroalimentaire durable en considérant que les problématiques environnementales ou sanitaires sont le problème des autres, je vous le dis très franchement. J’y reviendrai dans quelques instants, le problème du glyphosate, c’est le problème de tout le monde et c’est le problème au premier chef d’ailleurs de celles et ceux qui sont au contact chaque jour de ce produit. Et tous les problèmes que nous avons dans toutes les filières sur ces sujets sont un problème partagé, de l’ouvrier agricole jusqu’au consommateur final. Et je voudrais que, sur ces sujets, ensemble, parce que nous trouverons la bonne organisation et que nous osons en parler, nous puissions réussir à trouver l’organisation collective qui nous permet de gagner ces défis et non pas de nous renvoyer les responsabilités de manière stérile.

Nous n’arriverons pas à construire un modèle agricole durable si nous procrastinons parce qu’il y aura des scandales sanitaires et parce que, tôt ou tard, ce sera notre responsabilité collective. Mais nous n’arriverons pas à faire que ces défis sanitaires et environnementaux se traduisent en actes si, à chaque instant, nous considérons que l’ennemi de ces défis, c’est l’industriel, l’entrepreneur ou l’agriculteur parce qu’il en est bien souvent la première victime et il en est aussi le premier acteur. Et donc vous ne trouverez chez moi ni la volonté d’écarter certains sujets ou de les remettre à plus tard ni la volonté de stigmatiser le monde agricole ou le monde de l’entreprise lorsqu’on aborde ces sujets-là. Le bien-être animal, vous savez, le premier qui en souffre, c’est l’éleveur lorsqu’il n’est pas respecté. Je n’ai jamais vu un éleveur qui n’aimait pas ses bêtes et un éleveur, lorsque la bête ne vit pas bien, est le premier malheureux.

Et donc il faut entendre ce que certaines associations disent mais il faut savoir aussi accompagner chacune et chacun pour pouvoir le traduire en actes. Voilà l’esprit dans lequel je voudrais que nous puissions relever l’ensemble de ces défis, les uns et les autres réconciliés, et voilà comment je souhaite que nous puissions donner un cadre durable et des décisions claires à votre agenda.

Alors, pour pouvoir réussir cette transformation profonde qui répondra aux défis que je viens d’évoquer, nous devons prendre quelques décisions, je vais y revenir, qui sont les leviers de la transition, quelques responsabilités collectives et réussir sur le plan national, européen, international à nous engager sur ce chemin.

La priorité – et c’est l’objectif de cette première étape des États généraux de l’agriculture –, c’est de s’assurer, comme je le disais, qu’à la fois pour maintenir notre tissu industriel, agricole, pour être à la hauteur des défis de notre souveraineté alimentaire, nos exploitants agricoles puissent vivre du prix payé et puissent transformer le secteur qui est le leur. Et pour cela, le prix et la qualité sont les deux leviers de transformations. Face, en effet, à tous ces défis, nous avons tous une responsabilité et la toute première, c’est de mettre fin à cette guerre de prix comme je l’évoquais. Stopper la guerre des prix, c’est stopper la dévalorisation permanente du revenu des agriculteurs, c’est leur permettre de vivre ou plutôt de revivre de leur travail. Et quand vous avez des prix alimentaires, des produits alimentaires en promotion permanente, vous n’avez plus la notion de prix et donc plus rien n’a de valeur.

Pour ce faire, je souhaite que nous puissions acter, à la lumière de vos travaux, quelques décisions concrètes. La première, c’est la mise en place d’une contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs, ce qui est à ce titre à mes yeux fondamental. Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production. Les négociations commencent dans quelques semaines et je souhaite à cet égard un engagement clair de toutes les parties prenantes en ce sens auprès des ministres et sans attendre la loi. Ce qui veut dire que la proposition que vous venez d’énoncer est retenue, elle sera traduite dans la loi, les prix seront construits à partir des coûts de production et que je souhaite que les négociations commerciales qui commencent dès novembre puissent refléter l’esprit de la loi à venir et faire l’objet d’un engagement de toutes les parties à ces négociations sous l’autorité des ministres.

Mais cette nouvelle approche ne saurait suffire parce qu’elle ne sera efficace que si les agriculteurs se regroupent véritablement en organisations de producteurs pour peser plus dans les négociations en tirant profit des possibilités existantes du droit de la concurrence. Je sais les réticences que peuvent avoir certains. Je constate le fait que ces pratiques de regroupement ne sont pas systématiques. C’est une erreur et c’est une erreur profonde. Et aussi vrai que je souhaite que l’État prenne ses responsabilités, je vous le dis, vous devez aussi prendre vos responsabilités et vous regrouper beaucoup plus rapidement, beaucoup plus massivement autour de ces organisations de producteurs.

Nous agirons fortement en ce sens. Nous devons avoir des résultats probants avec de véritables organisations de producteurs commerciales pour le lait, par exemple, qui au premier chef, en a besoin. Aussi pour ce faire, nous conditionnerons certains dispositifs d’aide à la taille des organisations de producteurs commerciales. Il y aura une incitation forte pour que tout le monde s’organise et pour que les irrédentismes, qui parfois persistent et qui se font contre l’intérêt des producteurs, ne soient pas une fatalité.

Je ne veux pas que, dans deux ans et dans trois ans, on puisse continuer à dire : on n’arrive pas à avoir ces discussions parce que les organisations restent éclatées. Donc nous prendrons les dispositions pour que les regroupements se fassent. Je souhaite professionnaliser ces organisations de producteurs commerciales pour qu’elles puissent collectivement fixer les prix et les volumes qu’elles souhaitent négocier avec leurs acheteurs et pour qu’elles puissent travailler sur leurs coûts de production. C’est pourquoi, afin de permettre aux agriculteurs de peser dans les négociations, des indicateurs de marché, des coûts de production et des contrats types par filière doivent être définis. Il faut en effet objectiver la formation des prix dans chaque filière. Le renforcement de l’Observatoire des prix et des marges est aussi nécessaire pour les accompagner et les filières doivent permettre à tous les agriculteurs d’avoir accès facilement à ces informations.

Qu’y a-t-il derrière l’esprit de cette réforme ? La volonté d’abord qu’une organisation véritable sur le plan commercial soit enfin actée pour qu’une négociation plus équitable soit conduite, mais surtout pour que les décisions que nous sommes en train de prendre ne soient pas là pour protéger des modèles productifs qui ne sont parfois plus soutenables. Et donc je veux qu’il y ait des indicateurs par filière, par secteur pour qu’aussi vous-mêmes, vous procédiez aux bonnes régulations. Il y a des producteurs aujourd’hui qui produisent dans des conditions qui ne sont pas soutenables, qui produisent trop peu à des qualités trop faibles. Ils doivent faire l’objet de regroupements. Et donc ces références éviteront de maintenir des prix anormalement élevés pour protéger celles et ceux qui ne se réforment pas. Elles permettront de s’organiser au niveau de chaque filière, de définir le bon prix de référence et d’inciter chacune et chacun à prendre, dans la filière, ses responsabilités.

C’est aussi pour cela que je souhaite que la contractualisation indispensable que je viens d’évoquer puisse se faire aussi sur une base pluriannuelle. C’est un élément fondamental de la transformation. Vous aurez, selon les filières – et je vais y revenir dans un instant –, à décider des réorganisations profondes, des montées en qualité, des transformations pour aller vers plus de production bio ou d’agroécologie. À chaque fois, ces transformations supposent du temps et de la visibilité. Personne ne peut faire la transformation de son modèle productif en ayant une visibilité annuelle, parfois infra-annuelle, sur les prix d’achat. Et donc je souhaite que les négociations commerciales s’inscrivent dans une contractualisation pluriannuelle que ces contrats porteront qui donneront de la visibilité à tous les acteurs de la chaîne et qui permettront ainsi les réorganisations indispensables pour chacune et chacun.

Nous encouragerons donc la contractualisation pluriannuelle sur trois à cinq ans qui permet de sortir de l’incertitude et de se projeter et c’est d’ailleurs ce que certains d’entre vous avez commencé à faire. Lorsque vous avez décidé, distributeurs, transformateurs, de vous engager sur soit des circuits courts, soit du bio, soit de la montée en qualité ou des indicateurs géographiques, eh bien vous avez donné de la visibilité à vos producteurs, vous avez contractualisé dans la durée.

J’ai entendu, pour accompagner cette transformation en profondeur, les demandes qui étaient faites sur le plan du droit de la concurrence et le président CANIVET vient de s’en faire l’écho à l’instant. Comme vous, je suis attaché à notre droit de la concurrence français et européen parce qu’il est le cadre du respect d’un juste fonctionnement des marchés et tout le monde a à s’en satisfaire. Il définit un ordre public économique dans le cadre duquel la liberté de chacune et chacun est respectée, il évite que la loi du plus fort soit parfois tenue. Mais je sais aussi l’incompréhension que peuvent avoir certains lorsque, de fait, le marché est biaisé par la loi du plus fort et qu’on a le sentiment d’être poursuivi pour le cartel des endives ou que sais-je en termes de signification qui parfois a un côté un peu croquignolesques quand on sait la réalité des enjeux économiques et des marges que celles et ceux qui ont à opérer ont aujourd’hui à défendre.

Aussi, pour tout cela, je souhaite que l’Autorité de la concurrence puisse être saisie pour donner une interprétation précise du droit de la concurrence et vous permettre de négocier dans un cadre clair. À chaque fois qu’une filière la saisira, elle donnera – et nous apporterons toutes les clarifications législatives pour ce faire – le cadre d’organisation de la filière qui permettra de donner une pleine clarté au débat et une certitude juridique à ces derniers. Je souhaite aussi que les ministres précisent dans les semaines à venir les possibilités qui s’offrent déjà en matière de droit de la concurrence pour pouvoir discuter des prix et des volumes au sein des organisations de producteurs commerciales.

Aujourd’hui, le droit de la concurrence européen permet certaines discussions et certains aménagements lorsqu’ils se justifient par l’objectif recherché. Certains – je pense à celles et ceux qui, pour le comté, ont eu, parce qu’ils défendaient une excellence, à réguler des volumes sur les marchés – ont pu d’ailleurs défendre et plaider une telle cause. Je souhaite qu’on puisse généraliser cette approche et déjà, à droit européen constant, clarifier le cadre dans lequel vous pourrez organiser ces discussions, réguler les volumes, réguler davantage les prix et protéger les équilibres en présence. Et plus largement, c’est cette philosophie qui sera défendue dans les textes européens, en particulier la directive Omnibus en cours de discussion et toutes celles à venir.

L’État prendra quant à lui ses responsabilités pour une pleine application des dispositions de la loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique avec un contrôle effectif et des sanctions véritablement appliquées. Il n’est pas acceptable que certaines entreprises ne respectent pas la loi en ne publiant pas leurs comptes, par exemple, et faussent, se faisant, de fait la réalité de la discussion dans une filière. À ce titre, l’administration procédera aux injonctions et aux amendes prévues par la loi.

Nous renforcerons aussi le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles. Nous devons pouvoir agir plus rapidement, plus efficacement avec un véritable arbitrage dont la décision vaudrait référé. Le dispositif anglo-saxon dit du « name and shame », qui consiste à nommer publiquement les acteurs qui ne respecteraient pas ces nouvelles règles, sera rendu possible et ce dispositif a pu, dans d’autres domaines – je pense à celui des délais de paiement – montrer sa pleine efficacité. Il sera aussi retenu pour ce qui est des relations commerciales agricoles.

Concernant la coopération commerciale, nous devons aussi nous engager dans sa modernisation, faciliter le départ des coopérateurs, rénover la gouvernance du Haut Conseil de la coopération agricole et inciter les coopératives à faire preuve de plus de transparence dans la redistribution de leurs gains aux producteurs. Ces dispositions garantissent le respect des valeurs de la coopération qui sont basées sur la solidarité économique.

Enfin, pour lutter contre les prix abusivement bas et pour permettre de stopper la course au prix, j’ai entendu votre proposition de relever le seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions. Je n’ignore rien des débats tous pertinents que vous avez, sur ce sujet, pu avoir. Nous ne réglerions pas le défi collectif qui est le nôtre aujourd’hui avec uniquement les éléments que je viens d’exposer mais nous ne devons tomber collectivement dans aucune facilité qui consisterait à mettre d’accord les producteurs, les transformateurs et les distributeurs en omettant le consommateur.

C’est pourquoi je suis favorable au relèvement du seuil de revente à perte économique pour les produits alimentaires et à l’encadrement des promotions mais afin que, d’abord, le juste revenu aux producteurs soit garanti et qu’une qualité supérieure des produits pour les consommateurs puisse être aussi l’objectif collectivement recherché. Et je pense que c’est avec ce double objectif que nous devons aborder le sujet du relèvement du seuil de revente à perte.

Je suis donc favorable à ce que la loi qui aura à porter ces dispositions et qui sera présentée au Parlement au 1er semestre 2018 et votée au 1er semestre 2018 porte cette réforme. Mais je ne souhaite pas que cette réforme puisse nous laisser collectivement continuer comme on a toujours fait. Elle doit être aussi le ferment d’une transformation en profondeur, celle sur laquelle je vais revenir, mais celle d’une réorganisation collective et d’une organisation par filière.

C’est pourquoi je vous demanderai de votre côté d’ici la fin de l’année de travailler pour donner une pleine visibilité sur les objectifs que je viens d’évoquer, de nous assurer que ces objectifs seront remplis et donc de conclure pour la fin de l’année des plans de filières, filière par filière.

Le seuil de revente à perte qu’on augmenterait seul sans demander aucun effort, aucun accompagnement, aucune transformation, vous le voyez bien, c’est une forme de chèque en blanc. Je sais bien que dans certains endroits, ça viendrait répondre à des besoins mais je sais aussi que dans beaucoup d’endroits où l’échange de manière récente, la transformation d’achats des Chinois, j’y reviendrai, ces derniers mois ont pu donner de l’oxygène, on n’a pas fait les réformes qu’on devait faire, on n’a pas changé l’organisation collective et on va se réveiller dans deux mois, dans trois mois avec les mêmes problèmes et ça finira chez le ministre de l’Agriculture, comme ça s’est toujours fini, avec des demandes d’aide, des restructurations, des aides d’urgence.

Si nous sommes responsables collectivement, vous avez votre part de responsabilité derrière la réforme que le gouvernement est prêt-à-porter. Cette responsabilité, c’est aussi que chaque filière soit en capacité de définir un dialogue productif d’avenir. Et donc, ce que je veux, c’est que ces plans de filière que vous aurez à préparer pour la fin de l’année, ce qui est une gageure que je ne mésestime pas mais dont nous avons besoin, puissent nous permettre de dire, filière par filière : voilà ce qu’il nous faut pour pouvoir regrouper, reconcentrer, investir dans certaines filières parce que nous devons transformer notre offre pour être à la hauteur des goûts de nos concitoyens ou des défis à l’international, voilà ce que nous devons faire pour prendre à bras-le-corps la transition écologique et environnementale. Et chaque filière aura à porter le plan de transformation qui est en quelque sorte sa part de responsabilité accompagnant la contractualisation et l’augmentation du seuil de revente à perte.

Je le dis parce que les tensions des dernières heures et des derniers jours sur ce sujet ont montré les guerres de position. Le choix que je veux faire aujourd’hui, ce n’est pas celui de décaler le front de bataille, c’est de vous faire passer d’une logique de guerre de position les uns contre les autres à une guerre de mouvement collective où vous aurez à travailler ensemble pour les filières réussissent. Chacun devra faire des efforts, les uns sur leurs marges, un peu sur les prix, et les autres sur leur organisation collective pour pouvoir justement transformer nos secteurs et nos filières.

Vous l’avez compris, je suis donc prêt à m’engager fortement sur l’ensemble des sujets que je viens d’exposer et le ministre aura ainsi à présenter au Conseil des ministres et à faire voter au 1er semestre 2018 une loi qui, parce qu’elle devra aller vite et que cet engagement est aussi important que celui que nous avons pu porter dans d’autres domaines, pourra prendre la forme d’ordonnances pour pouvoir justement aller plus vite et plus fort parce que cet engagement, vous l’attendez et il est nécessaire et je vous le dois.

Mais en parallèle, si nous sommes prêts à aller vite, à prendre des décisions inédites, en particulier si on considère la dernière décennie, sur le plan de l’agriculture et de l’agroalimentaire, je vous demande aussi un effort inédit en termes de structuration de filières, de transformation profonde et de réorganisation. Ces plans de filières doivent permettre d’assurer aux Français la montée en gamme autour de labels, des signes de qualité, de la bio avec des objectifs chiffrés à cinq ans.

Et donc, ce que je vous demande, c’est chacune et chacun dans vos filières de porter une stratégie et de ne pas attendre que la stratégie soit dictée par la concurrence internationale, par la crise à venir ou, pour certains autres, par l’État lui-même. C’est à vous de la proposer et de la porter pour la fin d’année et en début d’année prochaine, je rassemblerai, avec les ministres et en particulier le ministre de l’Agriculture, l’ensemble des filières pour que nous puissions consacrer ces documents, la stratégie que vous aurez proposée et les transformations qui les accompagnent.

Parce qu’au delà de cette bataille du prix à laquelle nous répondons par ces engagements forts qui font que j’ai entendu vos propositions et que je suis prêt à ce que le gouvernement les porte, c’est la qualité, la transformation de nos filières et un plan de transformation profond que je veux que nous puissions ensemble conduire. Ces leviers économiques et réglementaires s’appliqueront filière par filière mais chacune doit porter un projet de transformation parce que je n’appelle pas à une uniformisation et, sur le sujet, qui est le nôtre, nous ne devons pas avoir une approche uniforme. Il y aura, il continuera à y avoir plusieurs modèles agricoles : de l’agroécologie en passant par le bio, le circuit court, des modèles intensifs, des modèles à l’export, de l’indication géographique.

Il y aura toujours une pluralité productive. Il y aura des filières dont chacune a sa philosophie et ses propres enjeux et il y aura évidemment des dynamiques régionales, locales qui doivent rester fortes parce que les spécificités sont là portées. Et je n’oublie à cet égard en rien nos territoires ultramarins que nous accompagnerons dans cette transformation et l’agriculture et l’alimentation feront partie des objectifs des Assises de l’outre-mer.

Chaque filière aura à porter ses propres défis mais je vous pose la question cet après-midi : quand bien même nous arriverions à décider de la contractualisation, de la remontée du seuil de revente à perte, etc., est-ce que vous pensez que nous pouvons nous contenter d’avoir 0,5 % de porc bio en France, 3 % en Label rouge, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire la demande de nos consommateurs ? Moi, je ne le crois pas.

Est-ce que vous pensez que nous pouvons rester immobiles à regarder chaque matin le cours du marché de Plérin en espérant que les Chinois continuent d’acheter nos produits ? Moi, je ne le crois pas et je n’ai pas d’ailleurs envie de cela.

Est-ce que vous pensez que nous pouvons raisonnablement continuer à être organisés comme nous le sommes aujourd’hui et, dans certaines régions de France qui me sont chères, comme d’aucuns d’entre vous, à guetter notre propre cours de change avec les pays du Proche et Moyen-Orient pour espérer exporter les poulets que nous ne pouvons pas ni ne voulons faire consommer à notre propre population quand nous ne savons pas produire au goût de celle-ci ?

Collectivement, dans toutes régions et toutes les filières, nous avons protégé des choix absurdes. Absurdes. Et nous les avons protégés parce que nous n’arrivions pas à régler le problème du prix et des équilibres économiques. Comme je suis prêt à m’engager à vos côtés pour le régler, je vous demande de vous engager aux côtés du gouvernement pour régler les défis de chaque filière et ne pas attendre que l’État les règles. Régler le problème du porc, du bœuf, du lait, ce n’est pas aller demander l’énième plan de crise le jour où ça continuera à aller mal, c’est vous organiser dans les filières et sur le territoire pour changer les modèles productifs.

Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Ça veut dire que nous devons regarder et accompagner les marchés export qui donneront des débouchés, par exemple, à la filière des fruits et légumes. Nous les connaissons, nous travaillons pour lever les contraintes qui se sont posées ces dernières années. Continuer à accompagner la montée en qualité, la montée du bio. Continuer certains autres modèles complémentaires mais avoir une stratégie export offensive que la filière porte dans laquelle l’État l’accompagne. Ça veut dire arrêter des productions, qu’il s’agisse de la volaille ou du porc, qui ne correspondent plus à nos goûts, à nos besoins et qui font que nous allons lancer la concurrence sur des marchés internationaux face à des pays contre lesquels nous ne pouvons rien et nous ne pourrons rien.

Ni face aux Brésiliens ni face aux Russes ou quelques autres sur des produits de mauvaise qualité ou de qualité moyenne, nous n’arriverons raisonnablement dans la durée à accompagner nos producteurs et vous le savez bien et nous le savons bien. Nous ne leur donnerons des perspectives que si nous montons en qualité, que si nous les accompagnons. Certains l’ont déjà fait et beaucoup sur le territoire et je salue leurs efforts mais regardons en face chacun de nos défis. Chacun.

Et ce que je demande aux filières, c’est de consolider tous les producteurs qui ont déjà fait ce travail – et il y en a beaucoup dans nos régions – remarquable, qui ont su trouver des labels, développer justement la qualité, monter avec des appellations, des indications géographiques, qui ont su consolider la qualité française et la défendre. Mais accepter de regarder aussi nos producteurs qui sont dans une situation plus fragile, qui se sont mis dans des modèles productifs où il n’y a pas d’avenir et les accompagner par des projets d’investissement, par des projets où nous devons et où nous devrons restructurer des filières, c’est évident.

Et donc tout ce travail auquel je vous invite, c’est celui qui consiste à ne pas vous promettre de concurrencer demain la ferme des 100.000 vaches en Chine ni, comme je vous le disais, le Brésil, l’Ukraine ou la Russie sur la gamme de poulets congelés, c’est plutôt celui qui nous conduira à accompagner ce qui a, comme vous l’avez très bien, dans certains territoires et dans certaines filières, déjà été très bien fait mais que nous devons aujourd’hui démultiplier. Nous devons valoriser le Label rouge, travailler à la découpe, à la transformation de la volaille en France pour répondre à la demande de la restauration collective et à celle des plats transformés.

Pour la filière bovine, nous devons développer les initiatives qui assurent un juste prix payé aux producteurs comme « Eleveurs et engagés », rappeler aux Français par une politique que l’État accompagnera ce qu’est l’élevage bovin en France : la diversité de nos races, les bienfaits de l’élevage herbagé, le bien-être animal dans lequel vous vous êtes déjà engagés. Et la reconquête de la restauration collective est aussi à cet égard une priorité pour cette filière.

Nous devons repenser le maillon de l’abattage en le restructurant, en le modernisant et en relocalisant dans certains territoires. Les abattoirs du futur sont un programme déjà engagé. Je souhaite que nous puissions l’accélérer mais pour accompagner ce qui, dans la filière bovine, est l’endroit où nous perdons beaucoup de compétitivité par rapport à nos concurrents. Et vous le voyez bien, ce travail d’investissement indispensable, c’est celui qui nous permettra d’être plus productifs, d’aller au bout de nos démarches en termes justement de bien-être animal et c’est ce que cherchent toutes et ceux qui sont dans la filière et en particulier toutes celles et ceux qui travaillent dans ces abattoirs dans des conditions parfois inacceptables pour eux-mêmes.

Et c’est aussi parfaitement cohérent avec la bataille que nous conduisons au niveau européen pour lutter contre le travail détaché illégal qui, en particulier au niveau des abattoirs, a construit une sous-compétitivité française quant à elle injustifiée.

Nous devons cultiver nos différences pour susciter la préférence des consommateurs. Quand j’ai pris l’engagement pendant la campagne que les œufs vendus aux consommateurs ne seraient issus que d’élevages en plein air d’ici 2022, c’est parce qu’aussi nous pouvons ensemble atteindre cet objectif. Ce n’est pas pour stigmatiser les éleveurs qui ont déjà fait énormément d’investissement mais c’est pour, dans le cadre de ce plan de filières que la filière aura à proposer et à conduire, dire que l’État est prêt à s’engager financièrement pour accompagner la restructuration de toute la filière par le plan d’investissement, que la grande distribution doit aussi donner à cet égard de la visibilité sur les volumes et un prix plus rémunérateur pour permettre aux éleveurs de réinvestir et c’est que nous devons expliquer aux consommateurs que payer quelques centimes de plus leurs œufs, c’est permettre cette transformation.

Il est évident que si nous restons dans la guerre de position actuelle, on ne fera rien et toutes et ceux qui produisent aujourd’hui des œufs considèrent que c’est intolérable d’aller leur expliquer qu’en 2022, on ne vendra, pour ce qui est de la vente en grande surface ou en commerce de détail, que des œufs justement de poules élevées en plein air. Mais c’est possible si nous rentrons dans cette dynamique de mouvement de progrès à laquelle je vous invite tous.

Vous le comprenez, ce que je vous demande, c’est chacune et chacun de faire un peu différemment que ce que vous avez fait ces derniers mois et ces dernières années. Ce que je vous demande – et je vous connais, en tant que candidat, j’ai été m’engagé devant à peu près chacune et chacun d’entre vous, je connais ce qui vous contrarie et ce qui vous réjouit –, c’est un peu d’accepter de donner à l’autre, de faire des efforts parce que l’autre en fera aussi, mais parce qu’au final, nous aurons la capacité d’avoir un modèle français qui en ressortira plus fort.

Ces contrats de filières doivent permettre de fixer des objectifs de restructuration interne aux interprofessions, des objectifs de montée en gamme sur la bio, sur les signes de qualité, des objectifs environnementaux et sociétaux, des programmes de recherche agricole, de ciblage des investissements. C’est aux interprofessions que reconnaît l’Etat d’y travailler, de coordonner ces travaux en relation avec le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation pour fin décembre et je souhaite également que la distribution et les industriels y participent. C’est important pour l’engagement qui sera le leur. Nous devons travailler ensemble à des démarches d’investissement innovantes pour accélérer cette transition agricole indispensable.

Vous l’avez compris, les objectifs, les ambitions, les mécanismes d’accompagnement, ils existeront filière par filière, parfois d’ailleurs territoire par territoire également. Mais c’est dans cette dynamique que je veux que nous nous engagions collectivement. Il y aura des objectifs d’ensemble et je les réaffirme ici devant vous : l’engagement d’atteindre 50 % de produits bio ou locaux en restauration collective d’ici 2022 est bien confirmé et nous permettra de repenser territorialement notre alimentation et d’accompagner la nécessaire restructuration de certaines filières ; je souhaite que nous identifions précisément les maillons manquants de la production, de la transformation ou de la logistique, là aussi, filière par filière, territoire par territoire ; les projets alimentaires territoriaux que vous évoquiez, Monsieur le Député, doivent nous être présentés, ils seront soutenus, encouragés.

Et vous l’avez compris, l’objectif derrière, c’est de manière très pragmatique pour accompagner cette détermination, eh bien de pouvoir s’engager selon les filières soit à des restructurations, soit à des investissements productifs pour la montée en gamme, soit à des investissements pour permettre de pivoter les modèles productifs, soit vers des modèles de circuit court, soit vers des modèles de bio. C’est permettre de réinvestir dans certaines structures productives pour permettre de garder le choix stratégique actuel mais de faire face à la concurrence internationale. Il y aura autant de réponses que de secteurs et de territoires. C’est tout le défi qui nous est collectivement offert.

Pour accompagner cette transformation, l’État a pris un engagement là aussi inédit, c’est de réserver dans le grand plan d’investissement 5 milliards d’euros au plan d’investissement agricole. Ces 5 milliards d’euros, ils permettront d’accompagner ces choix, filière par filière, qui seront soumis puis validés et l’objectif de ces investissements, c’est de pouvoir justement accompagner au plus près du terrain, de manière pragmatique ce qui aura été défini comme une priorité.

J’y fixerai simplement une règle à ce stade, c’est que ces aides iront aux agriculteurs et aux filières et à l’ensemble des acteurs des filières selon ce qui est pertinent mais au maximum aux agriculteurs eux-mêmes. Je souhaite qu’elles soient payées rapidement, c’est-à-dire dans le semestre, en lien direct avec les régions qui connaissent leurs territoires et ont des capacités de paiement rapides. Et qu’à cet égard, et je sais, Monsieur le Ministre, combien vous y travaillez, nous puissions faire totalement oublier au monde agricole les péripéties passées en termes de délais de paiement et de complexité de dossiers à remplir. Je veux un accompagnement en termes d’investissement qui soit simple, rapide et qui corresponde aux objectifs déterminés par chaque filière.

Pour y parvenir il faudra une responsabilisation pleine et entière de tous les acteurs. C’est pourquoi je souhaite que le nouveau cadre législatif puisse être mis en place le plus vite possible, et comme je le disais, y compris par ordonnances mais parce que l’Etat comme je vous le disais ne fera pas tout, c’est vous qui avez dans votre main beaucoup du résultat. Vous savez, en préparant ces Etats généraux, en regardant vos travaux, en réfléchissant à ce que j’allais vous dire, je me remémorais non seulement certains déplacements d’il y a quelques mois mais les échanges que j’ai pu avoir avec certains d’entre vous présents dans la salle ou absents qui montraient d’où viennent parfois les solutions.

J’étais il y a quelques mois en Mayenne et je me souviens très bien un couple de jeunes agriculteurs, Monsieur le Ministre, c’est un bon territoire, qui impliqué dans la filière laitière me disait toutes les difficultés qu’il avait à vivre. Il venait d’investir 700.000 euros, un jeune couple, en disant « vous revenez dans 30 ans, je suis à peu près à la même situation parce que je n’aurai peut-être même pas amorti ces investissements, parce que quand on est rémunéré comme je le suis aujourd’hui à – ça devait être environ 300 euros pour les 1.000 litres – on ne peut pas vivre », il ne se payait pas le SMIC ! Ce couple a réussi à rentrer dans une démarche « C’est qui le patron ?! » et a signé un accord tripartite producteur-transformateur-distributeur.

Cette démarche ne doit rien à l’Etat, c’est une de ces démarches locales qui est faite avec des acteurs qui sont ce que vous représentez, et ils ont réussi en quelques mois à totalement changer à la fois de perspectives mais de vie au quotidien ! Et on a un couple de jeunes agriculteurs qui a de la visibilité sur ses investissements, se rémunère environ 1,5 SMIC et a réussi à avoir un contrat qui lui donne de la visibilité en prix et volumes et d’ores et déjà ils ont commencé à monter en gamme. Et donc ils vont rechercher, ils me l’ont dit, dans les prochains mois une appellation un peu plus spécifique et ils pourront faire comme leurs collègues dans le Salers ou dans le Comté l’on fait pour monter en qualité et ne plus jamais être aux 300 euros que j’évoquais tout à l’heure.

Tout ça pour vous dire que la solution n’est pas que dans une loi, que dans une disposition émanant d’en haut, elle est aussi dans l’initiative qui sera prise partout sur le terrain et par tous les acteurs. Cette démarche, ce cas concret que je viens d’évoquer, je souhaite que vous puissiez collectivement le généraliser et revaloriser les 2,4 milliards de litres de lait de consommation en France, vous engager sur une contractualisation pluriannuelle et sur la philosophie que je viens d’évoquer.

Voilà ce que j’attends de vous sur ce plan-là, voilà la transformation productive collective que nous devons conduire. Alors je sais qu’il y aura des sceptiques, il y aura des fatalistes, vous savez, je m’y suis habitué, plus exactement j’ai toujours refusé de m’y habituer. Alors chacun et chacune d’entre vous prenez vos responsabilités, il y en a qui hausseront les épaules, qui prendront des mines l’air d’avoir tout vu et qui diront « on n’y n’arrivera jamais à tout ça » et qui décideront de se rebattre comme ils se sont toujours battus et puis peut-être parce qu’il y aura une majorité d’entre vous qui aura décidé de prendre ses responsabilités et qu’ils auront à leurs côtés comme vous l’avez compris un gouvernement qui le fera, vous aurez changé les choses. Moi je crois aux volontaires, je ne crois pas aux sceptiques.

Mais au-delà de la transformation du modèle productif et de la responsabilité partagée qui est la nôtre et enfin, il nous faut répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens face aux défis de la santé et de l’environnement. Je vous le disais tout à l’heure, il n’y aura pas de modèle productif durable, fort, fort pour nos territoires et à l’international s’il n’y a pas une capacité collective à répondre à ces inquiétudes et à avoir un modèle agricole qui réponde aux objectifs de santé et d’environnement. Nos concitoyens sont d’abord préoccupés à cet égard par ce que j’appellerai une nouvelle géopolitique de l’alimentation et il nous revient d’y apporter des réponses très claires. Je sais toute l’inquiétude que le CETA ou le Mercosur peuvent lever dans la population, chez certaines associations, chez certains producteurs dans certaines filières, je pense au bœuf.

Je veux être ici très clair, ces accords commerciaux soulèvent des enjeux lourds tant pour la protection du consommateur que la protection des producteurs. J’avais pris un engagement pour ce qui est du CETA, c’était de confier à une commission d’experts indépendants une évaluation de toutes les conséquences. Le rapport a été remis au Premier ministre en septembre, toutes les conclusions sont en train d’être tirées et un plan d’action sera présenté par le premier ministre et l’ensemble des ministres concernés la semaine prochaine avec des mesures très claires d’action, de contrôle, d’encadrement. A cet égard, toutes les réponses aux questions soulevées par les experts seront rapportées et traduites en actes. En temps voulu la France aura à ratifier ce traité mais nous nous assurerons que toutes les préconisations seront suivies des faits pour ce que le rapport a proposé.

Mais je veux aussi être très clair sur la mise en œuvre du CETA, elle sera parce que c’est ainsi de droit et de fait parfaitement conforme aux normes européennes sur la santé et l’environnement pour empêcher toute concurrence déloyale sur le marché européen. Et donc pour être très clair, j’entends parler parfois de saumon transgénique, si le Canada veut autoriser sa commercialisation sur son propre marché c’est le droit souverain du Canada ! Mais dans la mesure où la réglementation française et européenne interdit la commercialisation d’un tel produit évidemment elle l’interdira pour tous les produits importés par le biais du CETA et les contrôles seront drastiques à cet égard ! Et aucun traité commercial ne vous propose d’avoir un droit qui est inférieur à ce que vous opposez à vos propres acteurs. Il y a donc sur ce sujet parfois des malentendus ou des contre-vérités que je veux ici pleinement lever.

Les conditions posées par le rapport d’experts seront pleinement mises en œuvre dès la semaine prochaine mais tout le droit européen, toutes nos normes environnementales, sanitaires, sécuritaires concernent toutes les filières qui sont les vôtres seront évidemment pleinement défendues et respectées par l’ensemble des produits importés dans le cadre de ce traité comme dans le cadre de tout traité commercial. Je veux aussi compléter le CETA par des initiatives qui garantiront que la qualité française est reconnue et appréciée à sa juste valeur, l’étiquetage de l’origine des viandes et des produits laitiers doit être renforcé y compris dans les produits transformés pour que le consommateur puisse choisir en connaissance de cause. Je souhaite aussi renforcer dans les accords commerciaux les exigences plus largement sur les modes de production.

J’ai ensuite bien compris la volonté forte de la Commission européenne d’achever des discussions commerciales en cours avec le Mercosur et plus largement d’achever, de donner un nouveau tour aux négociations commerciales de l’Union européenne avec d’autres régions du monde. Je suis favorable au juste et libre commerce, celui qui permet de préserver les intérêts de chacune et chacun, qui correspond à nos propres objectifs et à nos propres équilibres. Je suis favorable à ce que les règles commerciales soient d’ailleurs rendues plus transparentes et plus démocratiques. J’ai pris des engagements clairs et lorsque j’ai eu à présenter l’initiative française pour l’Europe à le préciser.

La Commission trouvera la France à ses côtés lorsqu’il faudra avancer sur ces domaines mais je ne suis pas favorable à ce que nous nous précipitions pour conclure avant la fin de l’année des négociations commerciales dont le mandat a été donné en 1999. Parce que c’est cela dont il s‘agit lorsqu’on parle du Mercosur, c’est d’un mandat de négociations qui a été donné en 1999, qui a été pendant plusieurs années gelé compte tenu des difficultés connues, qui a ensuite ressurgi et qu’on voudrait faire aboutir sans qu’il n’y ait de rediscussions autour de la table du Conseil européen alors même que, vous le savez les uns et les autres dans les secteurs et les préoccupations qui sont votre quotidien, nos perspectives de consommation, nos réalités industrielles, nos connaissances sanitaires environnementales ont profondément changé depuis. Il est donc indispensable que ces négociations soient réactualisées si nous voulons les poursuivre. Et j’évoquerai ce sujet au Conseil européen la semaine prochaine parce qu’on ne peut pas se lancer dans cette affaire en quelque sorte dans une fuite en avant.

L’Europe, la sécurité alimentaire et sanitaire sont des sujets indispensables pour que collectivement nous puissions réussir la transformation que j’évoquais à l’instant. Nous l’avons vécu l’été dernier avec la crise des œufs qui a montré que le défi de la sécurité alimentaire n’était pas que national et seule une coopération accrue sur le marché européen permet de repérer et de sanctionner les fraudes. C’est pourquoi je souhaite que nous puissions collectivement travailler à une force européenne d’enquête et de contrôle en matière de sécurité sanitaire et alimentaire, c’est la proposition que j’ai faite, et sur ce volet-là je souhaite que nous puissions collectivement avancer au niveau européen.

Le rejet des produits chimiques, la préférence pour l’alimentation naturelle sont des lames de fond sociales et comme je l’évoquais tout à l’heure c’est à la fois l’angoisse des consommateurs, la préoccupation légitime des concitoyens mais la préoccupation aussi de l’ensemble du monde agricole et de leurs salariés. C’est pourquoi notre agriculture doit réduire sa dépendance aux intrants chimiques qui polluent nos sols, nos cours d’eau et nos nappes. Je sais à cet égard que beaucoup a déjà été entrepris et beaucoup a été fait par le monde agricole en la matière. Je veux ici qu’il n’y ait aucun raccourci et je salue vos efforts faits à cet égard mais nous devons aller plus loin ensemble, il ne s’agit plus de passer notre temps à contester que l’utilisation des produits phytosanitaires menace la santé des consommateurs ou des agriculteurs ou la biodiversité, il s’agit de voir comment nous nous mettons collectivement en situation de traiter ce problème !

J’ai entendu les critiques sur nos annonces sur les néonicotinoïdes, sur les perturbateurs endocriniens ou sur le glyphosate, ma responsabilité c’est de fixer le cap, cette trajectoire ambitieuse que j’assume pleinement mais ensuite que chacune et chacun nous puissions là aussi en décliner de manière concrète et volontariste les voies et moyens pour y parvenir. Je vais vous le dire franchement, le bon débat n’est pas de savoir s’il faut sortir du glyphosate dans 10 ans ou dans cinq ans, c’est comme si je vous disais que politiquement on sait régler la rapidité et la réalité de nos innovations technologiques. Je pense que le bon débat c’est d’abord de dire au niveau européen de reporter à 10 ans la problématique du glyphosate ça n’est pas une bonne idée parce que c’est prendre une responsabilité face à l’histoire. Au demeurant, la France a toujours tenu cette position qui est une position cohérente avec notre exigence.

Mais ensuite au niveau national nous n’avons qu’un objectif collectif, c’est là aussi filière par filière d’aider les agriculteurs à trouver la meilleure organisation, d’abord de leur donner plus d’indépendance par rapport à ce sujet. Beaucoup là aussi l’ont fait, des efforts considérables ont été faits mais j’ai pris un engagement, il sera là aussi dans la loi, c’est de séparer le conseil de la vente. Sur beaucoup de produits phytosanitaires il y a encore une vente liée qui fait que le conseil n’est pas indépendant et la loi séparera la vente du conseil.

Ensuite, c’est de regarder filière par filière comment on peut mieux doser, des filières sont exemplaires à ce titre et nous mettrons en avant les bonnes pratiques qui ont été faites et portées par le monde agricole. Mais on doit les généraliser et regarder ce qui sans innovation permet là aussi de réduire les doses et d’améliorer les conditions de travail pour les agriculteurs et les conditions pour nos concitoyens. Et ensuite nous aurons un programme volontariste d’investissement dans la recherche pour permettre à chaque endroit, dans chaque filière de trouver la solution de substitution.

Ce que je vous garantis c’est qu’il n’y aura pas l’impasse, ni l’impasse qui consiste à dire « on ne fait rien, on ne fait aucun effort et on repousse le problème à demain » parce que c’est une impasse morale à laquelle nous serons tous et toutes conduits. Ni l’impasse qui consiste à dire « j’opposerai à des agriculteurs une absence de solutions ou de produits de substitution mais je leur donnerai un objectif sans les aider ». Je veux là aussi qu’il y ait une responsabilité, que dans le temps nous travaillions à trouver les bonnes solutions, elles se déclineront, en regardant les alternatives comme le bio-contrôle, en accompagnant les agriculteurs dans les bonnes pratiques, en chiffrant les coûts et en finançant pour accompagner ces transformations, en regardant les impacts aussi sur la main-d’œuvre et les contraintes que cela impose parfois, je ne les mésestime pas, et en les accompagnant et en dosant comme il le faut les recours jugés indispensables ou sans substitution, c’est un pragmatisme auquel je nous invite collectivement. Et là aussi il n’y a pas de gagnant, il y a pas de perdants sur ce débat, il y a une intelligence collective à traduire en actes dans notre pays parce que vous êtes collectivement les premiers concernés.

Je n’ignore rien du bouleversement de ces engagements sur votre manière même de travailler la terre, son impact sur les rendements, les mutations extrêmes que nous allons devoir affronter et qu’il nous faut repenser mais ce qu’il y a derrière tout cela c’est que nous devons repenser une nouvelle France agricole collectivement parce que le modèle dans lequel nous nous sommes enferrés n’est pas soutenable. Donc, vous le voyez bien, du prix en passant par la transformation industrielle jusqu’à la transformation indispensable pour répondre à nos objectifs environnementaux, sanitaires, c’est l’invention d’une nouvelle France agricole que nous devons collectivement conduire, nous sommes là pour transformer ensemble, pour trouver les bonnes solutions. Elles imposeront également que nous puissions en termes de recherche et de formation de prendre des décisions courageuses. Je souhaite que partout sur tous les sujets nous puissions être exemplaires en termes d’expertise et d’indépendance de l’expertise.

Chacun des sujets que j’ai évoqués, et je ne suis pas ici exhaustif, vous les connaissez parfois bien mieux que moi, chacun de ces sujets fait l’objet de débats de société nourris et légitimes mais chacun de ces sujets nous met là aussi face à un devoir démocratique, celui d’éclairer le débat. Bien souvent il n’y a pas une bonne décision à prendre, il y a un moindre mal à préserver et il y a in fine une bonne décision à accompagner. Je souhaite donc que nous puissions construire les conditions d’une expertise scientifique indépendante en France sur chacun de ces sujets et que nous puissions avoir la même exigence au niveau européen. Nous avons, sur tous ces sujets, subi ces dernières années trop de pressions, trop d’intérêts cachés et des expertises industrielles qui ne sont en rien des expertises scientifiques.

A cet égard on perd du temps collectivement et nous perdons aussi une certaine exigence démocratique qui est celle de nos concitoyens. Nous nous mettrons donc sur chacun de ces sujets en capacité d’avoir des experts indépendants sur le plan scientifique, c’est-à-dire des experts dont nous connaissons d’abord les connaissances académiques et la reconnaissance académique internationale mais aussi l’indépendance financière par rapport aux pressions existantes, c’est une réalité, il faut qu’on regarde en face les choses !

Je vous vois parfois exprimer une forme de mécontentement ou de doute sur ce que je suis en train de dire, peut-être que ça déplaît mais je ne suis pas là pour plaire, je suis là pour faire avec vous. Parce que nous avons besoin de cela sinon nous serons constamment pris dans le bégaiement des intérêts, un jour on suivra l’un parce qu’il fait des publicités ou qu’à dire d’expert un temps donné il dit cela puis le jour d’après on suivra l’autre, non, essayons de construire une vérité partagée, collectivement construite, et il est indispensable qu’au niveau européen nous ayons la même exigence. De la même façon je souhaite que nous continuions à préserver le modèle d’excellence en termes de recherche agronomique qui est le nôtre, nous avons le premier institut de recherche agronomique en Europe.

C’est pourquoi je souhaite une meilleure coordination entre l’INRA, les chambres d’agriculture, les instituts techniques qui doivent travailler ensemble de manière concertée au national mais aussi régionalement. Les plans de filières doivent également mentionner les travaux de recherche prioritaires à mener et les investissements nécessaires. Là aussi nous aurons une politique volontariste d’investissement sur les programmes qui sont perçus comme les plus importants pour accompagner chaque filière dans sa transformation.

Il importe aussi d’accompagner la formation des plus jeunes, les élèves du lycée agricole Bougainville qui sont présents avec nous sont des témoins indispensables de cette ambition mais nous devons là aussi adapter nos formations et continuer à le faire aux défis contemporains qui sont les nôtres et à la transformation que nous sommes en train de partager et collectivement d’accompagner. Il importe aussi de mieux valoriser et rémunérer les services environnementaux que les agriculteurs sont capables de rendre à la collectivité en agissant pour préserver les sols, les eaux, la biodiversité et rémunérer de manière juste ces services. J’ai pris un engagement, il sera donc suivi des faits avec 200 millions d’euros pour la rémunération de ces services environnementaux.

Et là, je ne veux pas rouvrir ces sujets bien connus entre les piliers 1 et pilier 2 qui ne parleront peut-être pas à nombre de personnes dans cette salle mais qui évoqueront un passé cuisant pour d’autres dans cette salle, quand j’ai pris cet engagement je n’avais pas forcément anticipé qu’il y avait eu des engagements financiers et puis qu’il y avait eu des engagements à votre endroit et que l’un et l’autre n’étaient pas totalement en ligne. Donc je ne veux pas qu’on rouvre ce qui a été décidé ces derniers mois, durant les deux années de cette PAC je souhaite que sur ces services environnementaux nous puissions accompagner par le grand plan d’investissement ces mesures en faisant des aides directes aux agriculteurs et qu’ensuite nous puissions l’intégrer dans la maquette budgétaire et la nouvelle PAC pour être conforme aux engagements pris et à ce que légitimement vous souhaitez pouvoir accompagner.

Je souhaite aussi qu’on puisse pleinement accompagner le monde agricole, dans le modèle productif, énergétique et environnemental qu’il porte aujourd’hui. Les agriculteurs aujourd’hui sont des acteurs de la production énergétique décentralisée et de la transformation de nos paysages et de nos modèles productifs. Sur ce sujet ils sont confrontés à la complexité administrative et donc si nous voulons accompagner cette transformation ou dans la loi justement et les ordonnances portant transformation du monde agricole et actant de vos Etats généraux de l’alimentation ou dans le projet de loi droit à l’erreur nous prendrons des mesures de simplification drastiques permettant de réduire les délais auxquels sont aujourd’hui soumis les agriculteurs lorsqu’ils veulent porter des projets énergétiques, des projets de valorisation légitimes de leur production sur le terrain.

Je sais les délais qui sont les vôtres lorsque vous voulez passer à la méthanisation, lorsque vous voulez mieux valoriser justement votre production et produire de l’énergie. Ca a été rappelé tout à l’heure par plusieurs d’entre vous, c’est une source de revenus, c’est une source de l’équilibre productif et lorsque je regarde nos voisins allemands une partie non négligeable aujourd’hui de leur marge vient non pas de la vente de la viande mais des sources alternatives de revenus en particulier de la production d’énergie qu’ils sont capables de produire.

Voilà sur ce sujet ce que je souhaitais apporter comme réponses concrètes en vous disant qu’au-delà de ces engagements nous aurons collectivement à conduire des chantiers en profondeur qui vous feront continuer les travaux de ces Etats généraux de l’alimentation au-delà de la deuxième phase que vous allez maintenant commencer. D’abord parce que, vous l’avez compris, je compte sur vous pour finaliser un travail conséquent, je compte sur vous pour dans cette deuxième phase aller au bout de la transformation productive industrielle mais aussi environnementale de nos modèles.

Mais parce qu’il nous faudra aussi penser dans le monde agricole et agroalimentaire toute notre stratégie de prévention, elle n’est pas que sanitaire et sociale, elle se joue dès justement la production agricole et l’organisation collective du monde agricole. Parce que vous avez déjà su mettre en œuvre pour lutter contre le gaspillage mais parce que nous devons faire aussi collectivement pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les déséquilibres alimentaires. A cet égard, la ministre de la Santé comme le ministre d’Etat se sont fortement engagés avec le ministre de l’Agriculture pour porter cette vision des choses.

Vous aurez aussi à poser les prémices de notre nouvelle négociation pour la politique agricole commune et je ne pourrai terminer ce propos même s’il est provisoire sur ces Etats généraux sans dire un mot de cette politique agricole commune. Je souhaite en effet que cette politique agricole puisse s’appuyer sur les stratégies de filières que vous aurez à proposer, c’est comme ça que nous devons la construire. Je ne souhaite pas que nous la défendions comme une espèce de persistance rétinienne d’un modèle qui est en train de passer et que nous voulons changer. Je souhaite que nous puissions porter une nouvelle politique agricole commune qui soit à la hauteur de la nouvelle politique agricole française que nous voulons.

C’est-à-dire que je souhaite que nous puissions assumer une vraie politique de qualité et de souveraineté alimentaire et du juste prix que je viens de défendre mais aussi d’aides et d’investissements au niveau national pour défendre nos préférences. Et que la politique agricole commune puisse devenir sans qu’il n’y ait aucun tabou une vraie politique qui nous apportera les assurances, les garanties contra-cycliques et là aussi avec une approche filière par filière parce que les dynamiques et les réalités sont très différentes selon ces dernières, qui protègera l’agriculture européenne des chocs de la volatilité des cours mondiaux, de déséquilibres et qui permettra à chaque pays de poursuivre ses choix souverains, à chaque territoire de poursuivre son excellence et à chacune et chacun de poursuivre ses objectifs. Je souhaite donc que nous puissions dans la perspective de cette nouvelle politique qui aura à se déployer après 2020 porter nos propres ambitions nationales et que vos travaux puissent préparer cette stratégie que la France aura à conduire.

Vous l’aurez compris, j’attends encore beaucoup de ces Etats généraux de l’alimentation et du travail que vous aurez à conduire dans les prochains mois parce qu’il en va de notre agriculture et que nos paysans le méritent et que je serai toujours à leurs côtés pour les défendre. Il en va de notre industrie agroalimentaire parce qu’il y a une excellence française en la matière. Il en va de notre gastronomie, il en va de notre distribution, il en va de nos territoires et de leurs équilibres et donc la stratégie que nous avons à conduire et à mettre en actes dès aujourd’hui est un défi profond qui n’est pas qu’économique, c’est un défi de territoires, de civilisation pour le pays parce que c’est ce à quoi nos concitoyens sont éminemment attachés et j’y suis attaché comme eux.

C’est pourquoi une loi sera présentée au premier semestre 2018 pour porter l’ensemble de ces conclusions, que cette loi pourra prendre la forme d’ordonnances pour aller plus vite et avoir une promulgation complète au plus tard à la fin du premier semestre 2018. C’est pourquoi j’attends de votre part pour la fin d’année la conclusion de ces contrats de filières et c’est pourquoi en début d’année prochaine nous nous retrouverons pour faire un nouveau point d’étape de ces Etats généraux de l’alimentation actés de ses contrats, définir la stratégie et acté d’une stratégie d’investissement pour accompagner les actions qui seront les vôtres, les nôtres. Et, vous l’avez compris, vos travaux continueront pour préparer cela, la prochaine politique agricole commune, chaque année du quinquennat vous serez réunis pour pouvoir procéder à l’évaluation des travaux et de leur mise en œuvre et je souhaite qu’à mi-mandat il puisse y avoir une évaluation parlementaire à la lumière de vos travaux et à la lumière de toute expertise indépendante que les parlementaires souhaiteront solliciter pour que, si besoin était, les changements législatifs requis puissent être décidés mais à la lumière de vos actions, à la lumière de nos transformations.

Ce que j’attends de vous, Mesdames et Messieurs, pour finir, c’est de recréer la confiance, la confiance entre l’ensemble des acteurs, la confiance dans nos territoires, la confiance en notre pays, la confiance avec les consommateurs et les citoyens parce tout ce que j’ai évoqué depuis le début de mon propos, des prix aux sujets environnementaux c’est une affaire de confiance. La France sera forte dans ces territoires comme à l’international si nous savons collectivement restaurer celle-ci, collectivement, et donc, vous l’avez compris, vous pouvez beaucoup compter sur moi parce que j’ai décidé de beaucoup compter sur vous. Je vous remercie.

Gilbert

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