Pollution de la Campanie: un documentaire choc

On mesure à quel point se fait sentir le besoin d’un nouveau monde en découvrant le documentaire d’Esmeralda Calabria, “Biutiful cauntri”, projeté samedi à Grenoble, dans le cadre du 2e Forum Libération.

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Un documentaire souvent qualifié d'”agricole” pour la bonne raison que c’est la terre et ceux qui la travaillent qui sont les premières victimes d’un tel désastre écologique. Terre et eau souillées, agriculteurs spoliés. Mais avec eux, c’est toute la chaîne alimentaire qui est contaminée. Consommateurs trompés. Cette négation totale du développement durable a pour cadre la campagne napolitaine, à quelques heures de voiture de chez nous. Et cela dure depuis 15 ans!

La réalisatrice, dont c’est le premier film (elle a une longue expérience du montage,  son métier ) a enquêté , avec un journaliste, Peppe Ruggerio et un prof d’histoire Andrea d’Ambrosio, sur la pollution par la dioxine de la province de Caserte, jalonnée de décharges sauvages ou illégales. On en recense plus de mille! Au gré d’interviews et de rencontres sur le terrain, le document  montre l’étendue du désastre, car il s’agit bien de cela, dû en partie à la corruption, en partie à la faillite des pouvoirs publics face à un secteur -celui de la collecte et du recyclage des déchets- qui lui échappe. L’ombre des  mafias, plus précisément des “écomafias”,  plane en effet derrière cette catastrophe. Un magistrat interrogé, l’explique clairement dans ce documentaire.

La réalisatrice suit les pas de Raffaele di Giudice, un responsable de Legambiente, l’association écologiste la plus importante d’Italie. Natif de cette région, on découvre avec lui, ce qu’est devenue cette partie de la Campanie, région réputée pour ses terres fertiles autour du golfe de Naples. Entre Caserte et Naples, c’est une zone sinistrée. C’est “le triangle de la mort”. La dioxine y fait des ravages. Partout des déchets, des tonnes de déchets, parfois en feu, parfois au milieu de la route, parfois recouverts par la végétation.

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A Acerra, au voisinage de l’usine chimique Montefibre, aujourd’hui fermée, l’éleveur de moutons qui vit là avec sa femme et ses enfants voit ses bêtes tomber et mourir une à une. Les bufflones aussi, ces ruminants dont le lait sert à fabriquer la mozzarella, sont victimes du poison. Les quelques agriculteurs qui s’accrochent à leur terre voient leur récolte (fraises, pêches, tomates) condamnée. Les malformations apparaissent chez les animaux. Chez les humains le nombre de cas de cancers est le plus élevé de la Péninsule. Et ces enfants qu’Esmeralda Calabria nous montre, en train de jouer sur ces terrains vagues, de quel mal hériteront-ils?

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Tommaso Sodano et Esmeralda Calabria 

Un débat a suivi la projection, auquel participait la réalisatrice et Tommaso Sodano, sénateur italien, président de la commission environnement. Le combat que mène le sénateur, comme il s’en est expliqué, n’est pas toujours apprécié, ni de ses collègues ni d’autres. Il dit avoir reçu quelques lettres piégées. Il a eu droit à une dépouille de lapin accrochée à sa porte. Evaluer les conséquences de cette polllution? Rares sont les études épidémiologiques. Mais M.Sodano affirme avoir vu des brebis à deux têtes ou avec les yeux sous la bouche. Comment sortir de ce cauchemar? Le sénateur est opposé à la solution du tout industriel, c’est à dire à l’incinération continue des produits toxiques, qui semble prévaloir. Il prône, en complément, l’organisation d’un véritable tri sélectif et d’une réduction radicale des matières plastiques, entre autres.

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L’UE qui, notamment en mars 2002, avait été alertée par Roberto Bigliardo sur l’état de pollution du territoire d’Acerra  (question écrite P-0662/02), résultant de plusieurs décennies d’activité industrielle,  a adressé -en date du 31 janvier dernier- un dernier avertissement à l’Italie pour sa gestion des déchets. Mais cela concernait essentiellement la situation de la ville de Naples, transformée en dépotoir.

Gilbert

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