A la recherche de la brouette bleue

On aurait pu faire appel à Indiana Jones pour cette mission mais il était occupé à Cannes. Il s’agissait de retrouver un véhicule à trois roues, de couleur bleue, datant de la première moitié du XXe siècle. Il avait appartenu à des paysans du massif de Belledonne (Isère) qui l’utilisaient pour remonter la terre. Pour ceux qui ne sont pas d’ici, l’agriculture de Belledonne -comme celle de l’Oisans- est une agriculture de pentes où le paysan passe beaucoup de temps à ramasser la terre qui est descendue en bas du champ, pour la remonter.

Pour ce travail éreintant, on a commencé par utiliser des sacs de grosse toile que l’on se mettait sur le dos et qu’on allait déverser un peu plus haut. Puis, vint la brouette. Mais allez pousser une brouette chargée de terre dans une pente! C’est pas de la tarte! Les physiciens le disent avec d’autres mots: « L’action du sol n’étant plus parallèle au poids, nécessairement l’action du pousseur est affectée ».

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Il semble, d’après les textes que nous avons consultés, que ce sont les Chinois qui conçurent et firent usage les premiers de ce petit tombereau à bras. C’était au début de l’ère chrétienne. Le véhicule traversa très lentement les continents puisqu’on ne signale son apparition en Europe que vers le XIVe siècle. Tout semble démontrer que la brouette n’a pas été très répandue, notamment en France, avant le XVe siècle. Son nom, qui vient du bas latin « birota » (deux roues), est inspiré d’un véhicule à deux roues, sorte de chaise à porteur, appelée aussi « vinaigrette ». Le nom de brouette est, en fait, un diminutif de « beroue », qui au fil des siècles s’est transformé en « beurée » et dans certaines régions en « beurouette ».

Gens de l’Alpe

Cet instrument de travail connut évidemment de nombreuses métamorphoses technologiques, selon les usages, les métiers, les régions. Mais dans la plupart des cas, la brouette n’a qu’une roue. Celle que nous recherchions en avait trois. Une pièce rare. D’autant plus qu’elle était bleue. A Sainte-Marie-d’En-Haut, au Musée dauphinois, notre interlocutrice nous invite à contacter la responsable des collections, quai de France. Nous redescendons près de l’Isère, à 200m. On expose notre quête de la brouette bleue. Nous sommes à la bonne porte. La beurée de Laval, Marie-Andrée Chambon la connaît comme sa poche. Mais c’est une pièce récente, pas encore connue de tous, dans l’établissement: c’est un don de la famille Truc-Vallet, du hameau de La Boutière à Laval. « Elle pourrait avoir été fabriquée, selon la famille, par le ferronnier Noblet de Laval », me précise t-elle.

Et où se trouve t-elle? « Après un léger dépoussiérage, elle a rejoint les objets qui figurent dans l’exposition Gens de l’Alpe, au musée ».

Retour à Sainte-Marie-d’en-Haut. Les escaliers quatre à quatre. Le chapeau de travers. Puis le deuxième étage où se trouvent les Gens de l’Alpe, une exposition de longue durée. La belle histoire de ces Dauphinois qui affrontèrent l’altitude, la pente, le froid et l’isolement. Et qui, régulièrement, pour nombre d’entre eux, remontaient la terre en haut du champ ou du jardin. Ce fut le cas de la famille Truc-Vallet à Laval, au pied de la montagne des 7 Laux. Leur brouette est bien là, dans la deuxième salle.
Je reprends mon souffle. J’admire ce véhicule devenu pièce de musée. D’un beau bleu ciel délavé. Trois roues cerclées, d’égal diamètre, garantissant la stabilité dans la pente. De chaque côté de la roue avant, fixés sur le moyeu, deux axes de fer pouvant être reliés à un attelage. L’engin était donc étudié pour la traction animale. Dans la caisse, une trappe que l’on peut actionner, en manipulant une chaîne, pour déverser la terre, une fois arrivé en haut. Ingénieux.

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Mais qui donc a eu l’idée de la peindre en bleu, cette beurée? Sillon38 espère bien avoir un jour la réponse en interrogeant la famille Truc-Vallet. Le cas échéant, nous ne manquerons pas de vous la communiquer.

En attendant, il est possible de visiter l’exposition Gens de l’Alpe au Musée dauphinois, ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h jusqu’au 31 mai et de 10h à 19h du 1er juin au 30 septembre. L’entrée est gratuite.

Gilbert

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