La méthode Pochon: atout trèfle

Ceux qui étaient samedi dernier dans la salle polyvalente de l’Albenc – à l’occasion du festival organisé par Espace Nature Isère, savent tout ou presque sur la vie et l’oeuvre d’André Pochon, 77 ans, éleveur laitier des Cotes-d’Armor devenu écrivain, enseignant,  conférencier, voyageur. Le professeur Pochon -c’est nous qui lui attribuons ce titre- a donné avec la sincérité et l’enthousiasme qui lui sont propres, un petit cours magistral, mais sans cérémonie,  sur l’évolution de l’agriculture  depuis un demi-siècle. Il est bien placé pour le faire:

“J’ai été témoin et acteur en première ligne de tout le développement agricole depuis 60 ans”, résume t-il en préambule.

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André Pochon né en 1932 dans la Bretagne profonde, dans un village de quatre fermes et six maisons,  évoque la vie paysanne de l’époque: “Même mon père disait que la Bretagne était une région sous-développée”. Il reprend la formule de Pierre-Jacquez Hélias pour définir la condition de la famille:”Pauvres mais pas miséreux”. Les souvenirs de l’enfance? Plutôt bons, sauf l’école où, pourtant, il fait partie des bons élèves. Il n’use pas trop longtemps ses culottes sur les bancs de l’école, suit des cours d’agriculture par correspondance, rejoint la JAC (Jeunesse agricole catholique) et s’y investit: “C’était un mouvement d’éducation populaire”, dit-il.”L’objectif était de sortir les jeunes paysans de leur condition de sous-développement”.

André Pochon s’installe en 1954 avec son épouse. “C’est l’époque où ça a commencé à bouger, raconte t-il, avec l’arrivée de la nouvelle génération”. Il a 22 ans et la vocation. Il fait partie de ces jeunes paysans qui veulent travailler  autrement. Tout est à revoir: la nutrition animale, les méthodes d’élevage (“on ne savait pas élever un veau”), le travail des sols. Volontaire comme personne, il créée le Centre d’études techniques agricoles de Mur-Corlay: “Une coopérative d’idées va se développer”, dit-il.

Les CETA vont en effet constituer un formidable coup d’accélérateur en matière de vulgarisation du progrès technique en agriculture grâce, notamment, au renforcement des liens avec la recherche agronomique dont les spécialistes savaient se faire très proches des CETA sur le terrain. L’INRA apporte donc de l’eau au moulin. “Le BA-ba, c’est l’agronomie, souligne André Pochon.Les terres étaient pauvres, il fallait augmenter la fertilisation des sols. Il y a eu alors un grand chambardement, celui de la révolution fourragère herbagère. On allait faire de l’herbe! L’engrais azoté avait fait disparaître le trèfle blanc. Je me suis employé à démontrer, à l’encontre de l’INRA, que l’on n’avait pas besoin d’engrais azoté. Que la prairie à base de trèfle blanc faisait très bien l’affaire”.

Le chantre de la petite exploitation

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La méthode Pochon était née. L’as de trèfle pourrait la symboliser. Une méthode qui lui vaudra une célébrité certaine dans le monde rural, même au-delà des frontières de l’Hexagone. “J’étais devenu le chantre de la petite exploitation et j’ai prouvé que ça marchait!”. A côté de son petit élevage laitier, il développe une production porcine, sur litière, selon la méthode danoise. Cultive la féverole pour nourrir le bétail. Toutes ces initiatives donnent de bons résultats:

“En l’espace de deux ans, on a doublé nos rendements. J’avais 9 ha. Je suis devenu le plus gros éleveur de lait et de porcs”, raconte t-il avec un large sourire. Les revenus suivent:”En 1960, on se paye une 2CV Citroën. Flambant neuve. Et  cinq ans plus tard, on quitte la petite ferme pour en acheter une de 40 ha à Saint-Bihy”.

Arrive alors l’ère du productivisme, le  maïs fourrage/soja, l’élevage industriel de porcs hors sol (il faut entendre André Pochon évoquer le “caillebottis intégral” inventé par les Hollandais! Il en parle comme d’un cataclysme!), la PAC, la spécialisation, la pollution des sols, etc. “La PAC a tout changé, déplore André Pochon. Jusque là, le paysan produit pour un marché. Il le fait avec une certaine prudence. C’est fini. Les prix des grandes productions sont garantis, fixés par Bruxelles. La voie est ouverte pour produire n’importe où, n’importe comment. Au total, on a perdu les 2/3 de nos fermes en 25 ans. Quant à la pollution, il suffit de voir l’étendue de l’algue verte en baie de Saint-Brieuc…”

C’est pour tenter de renverser la vapeur que l’éleveur de Saint-Bihy créée en 1982 avec d’autres exploitants, le CEDAPA, centre d’études pour un développement agricole plus autonome, qui milite en faveur d’une agriculture durable. “Nous étions 8 à l’époque,  au CEDAPA Côtes-d’Armor, explique t-il. Notre pari s’appuie sur le retour aux règles fondamentales de l’agronomie, sur l’élevage sur litière, sur la prairie à base de trèfle blanc et non sur le soja. Nous sommes 500 aujourd’hui et 3000 sur la région Ouest. Nous sommes en mesure de montrer des résultats comparatifs”.

Des résultats qui démontrent que le respect du cahier des charges élaboré par le CEDAPA -entre autres, petites surfaces, petits troupeaux, recours limité aux intrants- entraîne des rendements supérieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle pour un investissement travail moindre, en respectant la nature. L’INRA qui a suivi à la loupe, sur 5 ans, 27 exploitations, a d’ailleurs validé le système CEDAPA. Un certificat dont n’est pas peu fier André Pochon, tout sourire, chaleureusement applaudi par le public du festival “L’avenir au naturel”.

Gilbert

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