Dans un arrêt communiqué le 9 décembre, la Cour européenne de justice condamne la France au paiement d’une somme forfaitaire pour ne pas avoir exécuté rapidement l’arrêt en manquement de la Cour, rendu en 2004, sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). En raison des circonstances de cette affaire, relative à la « dissémination volontaire dans l’environnement et mise sur le marché d’OGM », le montant de la somme forfaitaire est fixé à 10 millions d’euros.
En 2004 (1), sur requête de la Commission, la Cour de justice avait jugé que la France avait enfreint le droit communautaire pour ne pas avoir transposé dans son droit interne, au plus tard le 17 octobre 2002, la directive relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (2).
Après que la Commission ait saisi la Cour d’un recours pour inexécution de cet arrêt, les autorités françaises ont adopté, les 15 et 19 mars 2007, des mesures nationales de transposition conséquentes, ainsi que, par la suite, la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM.
Après examen de ces textes, la Commission a, par courrier du 30 juillet 2008, informé la Cour qu’elle considérait que ces mesures nationales assuraient la complète transposition de la directive et, partant, l’entière exécution de l’arrêt de la Cour. Dans ce même courrier, la Commission a indiqué également que sa demande de condamnation de la France au paiement d’une astreinte était, de ce fait, devenue sans objet. En revanche, la Commission a maintenu sa demande de condamnation au paiement d’une somme forfaitaire (3).
La Cour établit que la date de référence pour apprécier le manquement se situe en février 2006, date de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission et qu’il est manifeste qu’à cette date, à l’exception d’un décret, la France n’avait pris aucune des mesures que comportait l’exécution du premier arrêt en manquement de 2004.
La Cour rappelle tout d’abord que, selon sa jurisprudence constante, la procédure prévue par le traité a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un premier arrêt en manquement afin d’assurer l’application effective du droit communautaire. Les sanctions pécuniaires prévues par le traité, à savoir la somme forfaitaire et l’astreinte, visent toutes les deux ce même objectif. Il appartient à la Cour, au regard des circonstances de chaque affaire, d’arrêter les sanctions appropriées pour assurer l’exécution la plus rapide possible d’un premier arrêt en manquement et de prévenir la répétition d’infractions analogues au droit communautaire.
Constatant que la France avait assuré une complète transposition de la directive en juin 2008, la Cour estime que la condamnation au paiement d’une astreinte ne s’impose pas.
La Cour indique ensuite que l’imposition d’une somme forfaitaire ne revêt pas de caractère automatique mais qu’elle est fonction des caractéristiques du manquement constaté et de l’attitude de l’État membre concerné. Parmi les facteurs pertinents à cet égard figurent notamment les intérêts privés et publics en cause et la durée de persistance du manquement depuis l’arrêt qui l’a initialement constaté.
– La Cour relève premièrement que la répétition de comportements infractionnels commis par la France dans ce secteur des OGM est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.
– Deuxièmement, la Cour souligne la durée importante de persistance du manquement depuis le prononcé du premier arrêt du 15 juillet 2004, que rien en l’occurrence, ne permet de justifier, la France ne pouvant invoquer des difficultés internes pour se soustraire à ses obligations communautaires. En particulier, et à supposer que les manifestations violentes à l’égard de la culture en plein champ d’OGM, évoquées par le gouvernement français trouvent effectivement pour partie, leur source dans la mise en œuvre de règles d’origine communautaire, un État membre ne saurait faire valoir des difficultés d’application apparues au stade de l’exécution d’un acte communautaire, y compris liées à la résistance des particuliers, pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des normes du droit communautaire.
– Troisièmement, la Cour constate la gravité du manquement notamment au regard de son impact sur les intérêts publics et privés en présence, la directive visant à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de mise sur le marché d’OGM et de dissémination volontaire de ceux-ci dans l’environnement et à protéger la santé humaine et l’environnement ainsi qu’à faciliter la libre circulation des marchandises.
Ces considérations justifient ainsi l’imposition d’une somme forfaitaire.
Cependant, la Cour prend en compte certaines circonstances pour déterminer le montant de la somme forfaitaire. À cet égard, la Cour considère notamment que, malgré leur caractère tardif, les mesures d’exécution de mars 2007 ont assuré une transposition tout à fait conséquente de la directive – seules trois dispositions de cette dernière étant demeurées, selon la Commission, imparfaitement transposées jusqu’à la date du 27 juin 2008 – et qu’il n’est pas démontré que les autorités françaises ont manqué à leur obligation de coopération loyale.
En conséquence, il est fait une juste appréciation des circonstances de cette affaire en fixant à 10 millions d’euros, le montant de la somme forfaitaire que la France devra acquitter.
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1) Arrêt du 15 juillet 2004, Commission/France (C-419/03) .
2) Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 106, p. 1) et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiques modifiés dans l’environnement.
3) Se référant à la méthode de calcul exposée dans sa communication de 2005, la Commission proposait l’imposition à la France d’une somme de 43 600 euros par jour écoulé entre le 15 juillet 2004 et le 20 mars 2007 et celle d’une somme laissée à l’appréciation de la Cour par jour écoulé entre le 21 mars 2007 et la date d’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008.

