Sylvain Ougier: “La Chartreuse a une philosophie spécifique”

Sylvain Ougier, originaire de l’Oisans, a pris fait et cause pour la Chartreuse depuis dix ans. Pour une cause que les habitants de l’Oisans connaissent bien: celle de la forêt. Et personne ne lui en voudra, au pays de Gaspard, d’avoir changé de vallée. Conseiller forestier au CRPF, il occupe depuis mars 98, le rôle d’animateur du pôle forêt bois au Parc naturel régional de Chartreuse. Un rôle, à mi-chemin entre la médiation et le développement, qu’il remplit avec passion, sans ménager son temps car le massif fait flèche de tout bois pour dynamiser la filière et valoriser sa ressource. Il raconte les débuts de cette aventure:

“Le Parc naturel régional de Chartreuse a vu le jour en 95. Et il faut bien reconnaître qu’historiquement, les sylviculteurs ont été les plus réticents à adhérer au projet et à parapher la charte du Parc, considéré avant tout comme une contrainte supplémentaire. Ils ont changé d’avis au bout de trois ans et signé la charte du Parc. Il avaient besoin d’un animateur. Je me suis proposé”.

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Vous avez eu le temps d’évaluer les forces et les faiblesses de la ressource et de la filière. Quelles en sont les catactéristiques principales?

“La spécificité du massif, c’est la transformation locale des 2/3 des bois exploités, soit 60 000m3. Une spécificité qui fait figure d’exception au sein des zones de montagne des Alpes du Nord. On compte 16 scieries, 10 en Isère, 6 en Savoie, un centre de séchage à Saint-Pierre-d’Entremont, en service depuis 4 ans. La particularité des scieries de Chartreuse (1), c’est qu’elles peuvent débiter des grumes de fortes sections (110 à 140 cm) en grandes longueurs. Elles sont équipées pour cela”.

Et la deuxième transformation?

“Nous avons au total plus de 150 entreprises artisanales qui valorisent les débits des scieries, une soixantaine d’entreprises de charpentes, des menuisiers, des ébénistes et des tourneurs. Bref, tout ce qu’il faut pour une dynamique de développement local durable”.

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La Chartreuse possède sur son territoire plus de 30 bâtiments agricoles en bois mais l’habitat individuel n’est pas encore véritablement concerné. La construction bois peut-elle se développer?

“Ce qui manque, en effet, ce sont des entreprises de construction semi-industrielles et industrielles de maisons à ossature bois. C’est une filière qui nécessite des investissements importants. Mais nous croyons à l’avenir du bois de Chartreuse dans la construction. Et à partir du mois de mars, nous allons travailler à la mise en place d’un site de construction collectif de maisons à ossature bois. Ce centre est une scierie de la Dia, à Saint-Pierre-de-Chartreuse, où les professionnels qui le souhaitent auront à leur disposition les outils nécessaires (découpe, rabotage, mise en forme, etc.) pour réaliser sur site des pièces de construction. Nous visons le circuit court. Il s’agit de répondre avant tout au marché local de la construction, dans le triangle Grenoble-Chambéry, Voiron”.

Le dossier de demande de reconnaissance en AOC pour les bois résineux de Chartreuse a été déposé en septembre 2005 par le Parc naturel régional. Où en est-il?

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“A l’origine de cette initiative, il y a François Brottes, député de l’Isère, qui fut le rapporteur de la loi d’Orientation sur la Forêt en 2001. Celle-ci prévoit d’étendre aux produits forestiers la possibilité de prétendre à une appellation d’origine contrôlée. L’INAO a découvert cette nouveauté en lisant le texte de loi. Ce qui explique peut-être qu’il n’ait pas manifesté un réel enthousiasme pour ce projet. Aujourd’hui, soit 7 ans plus tard, deux candidatures sont à l’étude: le Jura et la Chartreuse. Notre dossier a été déposé en septembre 2005. Et je suis convaincu qu’il a de bonnes chances car il a une cohérence forte de territoire dans une logique de développement durable. En outre, l’impact de l’opération Bois d’Avenir (2) peut peser dans la balance”.

S’il fallait se faire l’avocat du dosssier, qu’ajouteriez-vous?

“Nous sommes dans une logique de sauvegarde de la filière bois-forêt. Nous ne voulons pas participer à la bagarre commerciale sur le standard. Notre objectif est de valoriser la ressource locale en développant des niches de qualité hors standard, d’offrir, entre autres, des produits de grosse section et grande longueur en privilégiant toujours le circuit court. C’est la philosophie propre à la Chartreuse”.

Cette dynamique Parc/acteurs locaux et cette volonté marquée de gestion forestière durable portent leurs fruits, et attirent des professionnels extérieurs :”Nous devenons un territoire intéressant pour les acteurs de la filière bois, souligne Sylvain Ougier. Nous faisons de l’accueil d’entreprises et nous avons trois ou quatre projets en gestation avec la Communauté de communes Chartreuse Guiers.”

(1) Le nombre de scieries est resté stable en Chartreuse au cours des 15 dernières années, ce qui n’est pas le cas dans les massifs voisins. On note même une augmentation du volume de bois transformé dans les scieries.

(2) Bois d’Avenir est une manifestation professionnelle initiée par le Parc, organisée en partenariat avec les interprofessions départementales, l’ONF et le CRPF (voir nos articles précédents).

Gilbert

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