Michel Barnier a clôturé le 62e congrès de la FNSEA à Nantes. Dans son intervention, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche a passé en revue les différents obstacles auxquels se heurtent les agriculteurs, établi un diagnostic et fait la liste des meilleurs remèdes et outils pour les surmonter. « Je veux commencer en parlant des hommes et des femmes qui souffrent d’un trop grand nombre de crises : économique, sanitaire et climatique. Et parfois des trois », a t-il dit en préambule. Nous vous donnons ici un condensé, à travers six extraits sélectionnés par nos soins, des sujets qu’a développés Michel Barnier:

(Photo FNSEA)
1/Le renchérissement du prix des matières premières
« Au premier rang, le prix de l’énergie. Il touche tous les secteurs. Voilà pourquoi le gouvernement a reconduit le dispositif d’exonération de la TIPP et de la TICGN à la fin de l’année dernière. Mais, cette envolée du prix de l’énergie frappe plus durement certaines productions. Je pense aux productions sous serres. Des instructions vont être données aux préfets pour que les remboursements de TVA des mois de janvier, février et mars soient anticipés.
Au-delà de cette mesure d’urgence, mon objectif est double : la reconversion énergétique des serres à horizon de 3 ans, et plus globalement l’amélioration de la performance énergétique des exploitations. C’est l’ambition d’un des quatre plans que j’ai proposés dans le cadre du Grenelle de l’Environnement ».
2/Le cours des céréales
« Et puis, il y a le cours des céréales. Bonne nouvelle pour les uns, mauvaise pour d’autres. Les éleveurs, notamment les éleveurs de porcs, de volailles ou encore de lapins en paient le prix fort. Nous en avons longuement parlé avec Jean-Michel Serres et les responsables de la filière la semaine dernière. Je reste très mobilisé, en particulier sur les restitutions que nous voulons utiliser aussi longtemps qu’elles seront nécessaires.
Quant aux aides nationales que j’ai pu mettre en œuvre, vous en connaissez les contraintes, notamment communautaires, nous les avons réparties au mieux. Un bilan sera fait d’ici la fin avril. Je sais que cela ne suffit pas. Les solutions sont, là aussi structurelles.
Nous devons restaurer la compétitivité de nos filières animales de la production à l’aval.
Je vais, avec le Ministère du développement durable, ouvrir le chantier de la simplification des règles environnementales dans le respect, bien sûr, des exigences européennes. Cette simplification, nous allons l’utiliser pour faciliter l’effort déjà engagé pour la mise aux normes des bâtiments d’élevage, y compris en Bretagne.
Enfin, je n’accepte pas que les prix agricoles soient la variable d’ajustement d’une chaîne alimentaire qui en achetant le moins cher possible n’aurait d’autre ambition que de vendre le plus cher possible aux consommateurs. Je partage votre analyse : les agriculteurs ne sont pas responsables de l’augmentation des prix des produits alimentaires. Ni les agriculteurs, ni le Ministre de l’agriculture ne craignent la transparence sur les prix …et sur les marges ! Au contraire, nous la demandons.
Je partage une autre analyse : le pouvoir d’achat, ce sont aussi les emplois dans nos PME agroalimentaires. Je l’ai dit à Luc Chatel qui a la responsabilité de préparer le projet de loi de modernisation de l’économie. Il sait que les produits agricoles périssables, et je pense aux fruits et légumes en particulier, ne peuvent pas être suspendus à une négociabilité de leurs prix ».
3/La FCO
« Les crises sont aussi sanitaires. Et nous savons qu’elles seront plus fréquentes. La plus grave depuis de longues années, c’est la fièvre catarrhale ovine. Elle provoque dans 82 départements l’inquiétude des éleveurs et souvent leur désarroi. Face à cette situation, dès mon arrivée, je me suis engagé pour une stratégie européenne de prévention, de vaccination et de financement des vaccins. Nous l’avons obtenue. Je me suis concentré sur un plan de vaccination pour l’ensemble du territoire. Il est engagé. Comme vous le savez, la vaccination a déjà démarré.
600 000 doses pour vacciner les broutards à destination de l’Italie et 900 000 doses pour vacciner les petits ruminants dans les 16 départements déjà touchés par la FCO en 2006 ont été attribuées. D’autres livraisons de vaccins vont s’échelonner dans les prochaines semaines. Et fin août, 15 millions de bovins et 11 millions de petits ruminants seront vaccinés.
Afin de faciliter la gestion de ce plan au plus près du terrain, des comités FCO sont mis en place par les préfets, comme vous l’avez demandé. Avec cette réactivité, la France est le premier pays à disposer aujourd’hui de vaccins et à avoir engagé de manière significative la vaccination de son cheptel. Je vais renforcer l’information et la transparence pour que chacun sache combien de doses sont disponibles, dans quels départements et à quelle échéance ».
4/La boîte à outils du ministre
« Après 9 mois passés rue de Varenne, je veux vous dire en toute franchise que nous n’avons pas aujourd’hui les outils pour anticiper et pour gérer les crises. Et je voudrai être avec vous le Ministre qui renouvellera fondamentalement et durablement nos dispositifs. Il faut privilégier une responsabilisation de chacun à travers:
-l’auto assurance, c’est-à-dire l’épargne de précaution, l’argent que l’on met de côté quand ça va bien pour l’utiliser quand les jours sont plus sombres. Dans ce cadre, mon objectif est d’améliorer significativement la déduction pour aléa. J’ai bien entendu vos demandes sur ce point , Monsieur le Président,
-le développement de l’assurance contre les risques climatiques que les Pouvoirs Publics encourageront. C’est une première étape susceptible d’évoluer dans le temps vers un dispositif, auquel vous tenez, de couverture des risques de l’entreprise,
-la mutualisation de moyens publics et privés par la création d’un fonds sanitaire. Et, je peux vous rassurer, cela ne se traduira pas par un désengagement des Pouvoirs publics sur les catastrophes sanitaires,
-un engagement des filières dans l’organisation de la prévention et de la gestion des risques. J’ai présenté le 17 mars dernier à Bruxelles un mémorandum dans ce sens. Je sais qu’il rejoint les réflexions de votre rapport d’orientation. Mais, la réussite repose sur la volonté de chacun de « jouer collectif ! » Ces outils rénovés, je souhaite les inscrire dans le bilan de santé de la PAC. Et ce sera notre priorité ».
5/La PAC et la croissance
« Je me suis déjà exprimé sur les missions et les raisons d’une politique agricole. Les missions d’une politique agricole aujourd’hui, dans un monde plus incertain:
-c’est sécuriser l’approvisionnement alimentaire de plus de 450 millions de consommateurs. Mais au-delà de cette sécurité, c’est garantir la diversité de notre alimentation avec les produits dont vous êtes porteurs à travers les appellations d’origine, les labels ou l’agriculture biologique,
-c’est préserver les équilibres de nos territoires notamment de montagne, source de croissance et de cohésion sociale,
-c’est développer les systèmes de production durables.
Les raisons d’une politique agricole, ce sont : la valeur créée, l’emploi, la dynamique des installations, qui est la priorité partagée des jeunes agriculteurs et de leur Président Philippe Meurs et la mienne en même temps,
Les raisons d’une politique agricole, ce sont aussi, notre spécialisation industrielle, nos performances à l’exportation. C’est tout ce dont on a besoin pour gagner le point de croissance qui nous fait défaut. On peut aller la chercher en Asie ou ailleurs. On peut aussi, et peut-être avant tout, mobiliser notre potentiel agricole. A l’évidence, l’agriculture redevient un facteur de croissance.
A ceux qui me disent que la PAC coûte cher, je réponds : elle coûte 100 euros par européen et par an. Et j’ajoute: combien coûterait l’absence de PAC ? Mon ambition, je l’ai déjà exprimée : donner sens et légitimité à cette grande politique européenne mutualisée entre 27, mettre cette grande politique européenne en phase avec son temps. Et c’est le bilan de santé que nous allons utiliser ».
6/En guise de conclusion: Non au tout libéral
« Vous le savez, Mesdames et Messieurs, je suis un homme politique libéral. Pour autant, je ne crois pas que « le tout libéral », sur lequel les Américains eux-mêmes s’interrogent en ce moment, soit la bonne réponse : pour préserver la sécurité alimentaire d’une planète qui devra, d’ici 2050, multiplier par 2 sa production pour nourrir 9 milliards d’individus, pour maintenir un équilibre des activités sur l’ensemble du territoire, pour développer les pays les plus pauvres.
Il nous faut des règles. Il nous faut une protection contre la spéculation financière qui s’empare des marchés de certaines matières premières agricoles. Il nous faut des solidarités. C’est bien le combat pour cette idée de l’Europe que je vous propose de mener ensemble ».

