Le CDRA Alpes Sud Isère (1) a mis en place un programme d’actions, en partenariat avec des structures telles que l’ADASEA, l’ARDEAR, Isère Sud Initiative, et la Chambre d’Agriculture, afin de soutenir la création, le développement et la transmission d’activités agricoles et rurales et de favoriser ainsi la relocalisation de l’économie.
Le CDRA organise régulièrement des visites de terrain, à la rencontre de tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, contribuent à la réalisation de ces objectifs, dans ce vaste territoire rural et montagneux qui va du Sud grenoblois à l’Oisans en passant par la Matheysine, le Valbonnais-Beaumont, le Trièves et Corps.
Mercredi 28 octobre, la visite du CDRA passait par l’abattoir de La Mure, qui s’efforce de valoriser au mieux, malgré les vicissitudes actuelles, la viande de boucherie des éleveurs locaux, notamment à travers un atelier de découpe et conditionnement très « pro »,(le temps du vrac en gros colis est terminé), un réseau de vente directe de plus en plus élaboré, qui consolide et fidélise le rapport producteur/ consommateur. La plus-value générée par ce travail bénéficie aux éleveurs, lesquels ne sont pas épargnés par la crise qui frappe le monde agricole, dans toutes ses filières
Une démarche collective de territoire
Avec le gérant de l’abattoir pour guide, Paul-Dominique Rebreyend, éleveur à Pierre-Chatel, la délégation du CDRA conduite par Gilles Strappazzon, chef de projet et Gérard Leras, président de la commission agriculture et ressources naturelles, a pu se faire une idée précise du fonctionnement et du rôle de cette structure qui consacre 80% de son activité à la découpe et la transformation et 20% à l’abattage.
La vente directe pour une cinquantaine d’éleveurs, livrés en camion frigorifique, le service à la clientèle (qui vient s’approvisionner de tout le département de l’Isère et parfois au-delà), ont été mis au rang des priorités depuis la reprise de l’abattoir, en l’an 2000, par une trentaine d’éleveurs matheysins.
Une démarche collective de territoire qui va tout à fait dans le sens de la dynamique poursuivie par le CDRA en faisant émerger une culture de filière locale. Une démarche valorisante, doublement profitable :
– elle est appréciée par le consommateur qui achète une viande d’ici, conditionnée sur place (emballée sous vide dans sa presque totalité pour 0,30€ de plus) et provenant d’élevages du Connest, du Sénépi et autres pâturages matheysins,
– elle est appréciée par les éleveurs à qui les animaux sont achetés au juste prix et qui peuvent ensuite faire de la vente directe à la ferme, dans des proportions qui ne font qu’augmenter.
Du producteur au consommateur
« En 2000, une trentaine d’éleveurs de l’APROVI (association des producteurs de viande Isère) ont réuni un capital de 750 000 F, explique Paul-Dominique Rebreyend et créé Provi SA. Aujourd’hui, l’abattoir occupe dix temps plein. Sa production optimale: 400 à 500t de carcasses. Près des trois-quarts de celles-ci sont découpées et conditionnées pour la vente directe, dont une majorité destinée aux éleveurs sous forme d’emballage sous vide pour les consommateurs. Tout est mis en œuvre pour valoriser au mieux, dans l’intérêt des éleveurs. Dans cet esprit, nous pensons qu’il faut réfléchir à une certaine professionnalisation de la vente directe. ».
L’offre de Provi SA va des pièces de haut de gamme, produites sous la marque Lou Bayou, aux produits transformés, en passant par tous les morceaux de la viande de bœuf. La palette est large, comme on le sait, mais, dans le contexte actuel de « vaches maigres », le consommateur ne se paye pas de l’entrecôte tous les jours, loin de là :
« Nous transformons environ 400 kilos de saucisses et merguez par semaine en moyenne. Ces produits transformés permettent d’optimiser la production. Le steak haché est une étape supplémentaire que nous sommes en train de franchir. Pour l’instant, cela ne représente que 18% du poids total des carcasses traitées. Mais le projet est d’aller au-delà. Quand on a du mal à valoriser le bourguignon, le steak haché permet d’équilibrer. Le principe reste de valoriser les animaux des éleveurs à un prix satisfaisant. ».
Les éleveurs bovins en situation critique
Si Provi SA parvient bon an mal an à équilibrer les comptes, Paul-Dominique Rebreyend souligne que la situation de la filière bovine n’a rien à envier à celle de l’élevage laitier et qu’un petit abattoir comme celui de La Mure, élément moteur du développement local, a besoin d’être soutenu régulièrement par la collectivité publique.
« Certes, je n’ai pas eu besoin de vendre une seule bête au marché depuis longtemps », reconnaît tout sourire Paul-Dominique Rebreyend (qui pratique la vente à la ferme depuis plus de 30 ans). « Cela n’empêche que les producteurs de viande sont au fond du trou. Leur revenu n’est pas meilleur que celui des éleveurs laitiers ou ovins (2). Et j’ai bien peur que l’on perde rapidement la moitié des éleveurs viande ».
Quant à la pérennité de l’outil, elle passe nécessairement par le soutien des collectivités publiques :
« Un outil comme celui-là vieillit vite. Il y a besoin d’investir. Nous n’avons pas encore l’agrément CEE, même si nous l’espérons pour bientôt. Mais nous ne sommes sûrs de rien. En tout cas, ce que nous souhaitons vivement, c’est que le Conseil général de l’Isère ne continue pas à consacrer l’essentiel de son aide à l’abatttoir de Grenoble-Le Fontanil ».
Un éleveur-administrateur de l’abattoir de Bourg-d’Oisans, Didier Girard, présent à cette visite, signalait à cette occasion qu’une concurrence voyait le jour entre Grenoble-Le Fontanil et Bourg-d’Oisans, qui peut être très préjudiciable à l’activité locale: « Nous avons perdu récemment un de nos plus gros éleveurs qui a préféré, pour des questions de prix, transporter ses animaux jusqu’au Fontanil (3)».
Message reçu par Gilles Strappazzon, conseiller général du canton de Vizille.
………………………………………………………………………………
(1) Le contrat de développement Rhône-Alpes engage le territoire sur un programme d’actions sur 5 ans (2006-2011). Il concerne 8 cantons, 108 communes, 620 00 habitants.
(2) La situation ne date pas d’hier puisque, selon les statistiques publiées par le ministère de l’Agriculture, le revenu moyen des éleveurs de bovins a diminué de 25% en 2007. Depuis, la situation ne s’est pas améliorée, loin de là.
(3) Un trajet qui représente environ 120 km aller-retour.