L’Association des Éleveurs et Bergers du Vercors Drôme-Isère et la Fédération Nationale de Défense du Pastoralisme ont participé au débat national. Le produit de leur réflexion a été transmis comme il se doit pour alimenter le débat mais aussi a de nombreux parlementaires et au Ministre de l’Agriculture…
« Les manifestations des « Gilets jaunes » en France et leur volonté, d’imposer un débat entre les citoyens et le gouvernement, a conduit ce dernier à instaurer officiellement un « débat national » à travers quatre thèmes préalablement définis ce qui est, on en conviendra, curieusement restrictif.
Les acteurs du secteur de l’élevage de plein air et plus particulièrement ceux du pastoralisme, en tant que citoyens à part entière, ne peuvent être qu’intégrés dans ce débat dont ils ont toute légitimité pour intervenir, notamment à travers des difficultés de cohabitation qu’ils rencontrent depuis l’arrivée et l’expansion du loup et de l’ours.
Les quatre thèmes proposés au débat, bien que limités sont quand même en parfaite adéquation avec les messages que veulent faire passer les éleveurs et bergers qui se sentent à la fois délaissés et menacés de disparition par les difficultés sociales, professionnelles, financières et morales, auxquelles ils sont confrontés face à la politique de protection des grands prédateurs (loup, ours) et de ré-ensauvagement des espaces qu’ils utilisent et entretiennent.
– Thème démocratie et citoyenneté
C’est un thème qui exige a minima l’écoute et la prise en compte par l’État de la détresse sociale, économique et morale des éleveurs, et de l’avis qu’ils donnent sur la protection problématique actuelle des grands carnivores sauvages. Non seulement ils n’ont pas été associés à l’établissement des textes protecteurs européens, mais aujourd’hui leurs difficultés sont incroyablement minimisées. Les compensations financières incomplètes pour les pertes des animaux domestiques prédatés ne sont pas à la hauteur des préjudices globaux subis.
Il n’y a pas de prise en compte des effets positifs de nos activités de gestion des espaces ruraux naturels. Activités précieuses pour la biodiversité, que nous produisons, maintenons et entretenons écologiquement depuis des siècles. Et nos avis sont méprisés ainsi que nos oppositions argumentées aux différents « plan-loup » imposés par l’État, comme si nous n’étions pas des citoyens de la république à part entière et capable de raisonner sur les questions de société.
Les engagements des élus locaux à nos cotés ne sont pas davantage pris en compte (ils ont constaté les répercussions négatives du loup non seulement sur l’activité et la vie des éleveurs et bergers, mais aussi sur le tourisme avec le problèmes des chiens de protection). Ce sont pourtant des personnalités élues selon les règles démocratiques de notre pays, et qui sont censées exprimer les attentes des citoyens qu’ils rencontrent et dont ils peuvent mesurer sur le terrain, loin des officines parisiennes, la réalité de leurs problèmes. C’est cette distance néfaste et entretenue, entre gouvernement et citoyen qui est génératrice des conflits actuels, ne l’oublions pas.
Nous exigeons d’être écoutés et entendus comme des citoyens adultes qui font partie de l’édifice de la nation, et qui sont respectueux des règles républicaines, de l’organisation de l’état et des services publics.
– Thème organisation de l’état et des services public
La question de l’indépendance des services de l’État ne se pose-t-elle pas quand on connaît les liens, de notoriété publique étroits et permanents, unissant ces services avec les représentants de l’UICN? UICN, on le rappelle, qui représente les défenseurs les plus inconditionnels du loup, et est l’acteur clé dans la mise en place de la grande protection actuelle du loup en Europe et particulièrement en France.
Comment dans ces conditions ce ministère, oreille de l’UICN, peut-il alors prendre en considération, en toute indépendance, nos attentes qui visent à corriger les orientations politiques de la Convention de Berne et de la Directive Habitats ?!!
En quoi les associations environnementales en général, présentes au sein de ce ministère, et l’UICN en particulier, peuvent-elles être considérées comme représentatives d’un service public agissant en toute neutralité alors que c’est le contraire qu’elles revendiquent ? Et le fait, pour ces associations, d’agir par délégation de l’État et de peser indirectement sur le devenir des territoires ruraux, témoigne d’un mélange des genres où notre État a appauvri sa capacité d’analyse, de critique, et de jugement, pour suivre sans réserve la doxa environnementaliste concernant l’ensauvagement des territoires. Ce qui est en définitive inquiétant et constitue une faute majeure pour un État en montrant un comportement partisan qui n’a pas sa place dans la république.
– Thème fiscalité et dépenses publiques
IL est urgent, par le débat citoyen actuel engagé à travers le « débat national », de rendre public le véritable coût financier, supporté par le contribuable, de la gestion des grands prédateurs en France en sollicitant un rapport de la Cours des Comptes. Coût démesuré qui n’a son équivalent ni pour une autre espèce protégée (bien au contraire puisque c’est au détriment de toutes les autres), ni pour toute autre spécificité environnementale ou pas. Un réel cas d’école qui ne s’est jamais rencontré, et constitue de quoi s’interroger sur la place réservée au bon sens dans cette affaire.
Nos concitoyens qu’il s’agit d’informer objectivement par les faits, jugeront par eux-mêmes du niveau de gabegie atteint par les dépenses publiques dans ce domaine de préservation de la faune sauvage et ce au détriment des soutien financiers à d’autres secteurs publics qui sont en détresse (santé, éducation, social…).
– Thème transition écologique
La loi n°2016-1087 du 8/08/2016 dite de reconquête de la biodiversité précise en son article 69 que la dite loi offre la possibilité à des acteurs privés de créer et de gérer des sites naturels de compensation écologique par acquisitions d’espaces fonciers. Des campagnes de prospection foncière sont donc engagées avec des capitaux privés et s’inscrivent dans la logique encore une fois défendue par UICN/France, à savoir que plus de 17% des territoires doivent être réservés à la faune sauvage en excluent toute activité humaine.
Une piste plus animaliste qu’humaniste et qui acte la mise en route sans tabou de la marchandisation de la nature. Un bien triste constat qui sacralise davantage la spéculation financière que la biodiversité dont on sait le rôle positif majeur joué en sa faveur par le pastoralisme.
Comment ne pas voir que la nécessaire transition écologique que nous soutenons, est dévoyée en misant sur la privatisation des espaces naturels (que nous avons crées, préservés et entretenus nous-mêmes) en vue d’intégrer la « nature » dans les objets de spéculation financière. Spéculation financière qui fait, nous le voyons, tant de dégâts dans d’autres domaines. Comment ne pas percevoir que tout cela se fait au mépris des populations agricoles locales, du pastoralisme et in fine du citoyen.
En résumé nous constatons que la question actuelle de la cohabitation impossible, sans régulation forte des effectifs, entre le pastoralisme et le loup est une question citoyenne qui a des résonnances et des implications à beaucoup de niveau, du social au financier, du psychologique à l’écologique, de l’économique au tourisme, et qui interfère sur le devenir de la société humaine. »