La question d’une limitation de l’utilisation des pesticides est posée depuis plus de 20 ans. Et les progrès se font à très petits pas, nécessitant un nombre incalculable de colloques, séminaires et tables rondes. Pourquoi? Pour la simple raison que les agriculteurs demandeurs de « techniques alternatives » à l’emploi des pesticides, aussi faciles à utiliser, efficaces et bon marché que les traitements phytosanitaires, plus durables techniquement et qui ne remettent pas en cause leurs objectifs de rendement élevé, n’ont pas encore eu de réponse valable. L’INRA le reconnnaît: il n’existe aucune technique alternative répondant à ce cahier des charges.
A moins que tout le monde se convertisse à la production intégrée, que tout le monde fasse du bio. La « production intégrée » est une méthode qui réintègre, mais sur des bases scientifiques et techniques renouvelées, la gestion des bio-agresseurs dans la conception des systèmes de culture, voire de production. L’existence de l’agriculture biologique, exemple le plus poussé de mise en œuvre de cette logique, prouve qu’il est possible, mais difficile, de se passer des pesticides de synthèse.
Le président de la République, hier, a souligné l’urgence de la situation et sollicité Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, sur cette question, lui donnant 12 mois pour élaborer un plan visant à réduire de moitié l’usage des pesticides:
« Il est également grand temps de prendre au sérieux l’usage croissant de produits pesticides, dont les agriculteurs sont les premières victimes. Il est temps de reconsidérer le système. Ce n’est pas aux agriculteurs d’être seuls responsables. Ceux qui recommandent et vendent ces produits doivent aussi rendre des comptes. Je m’engage à interdire en urgence les substances les plus dangereuses.
Et je demande à Michel Barnier de me proposer avant un an, un plan pour réduire de 50 % l’usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent. Et nous le ferons en accélérant la mise au point de produits de substitution. Il est également urgent de renforcer la recherche publique. On ne peut plus être, en permanence, dans les seules mains des firmes phytosanitaires ».
A Strasbourg, hier et avant-hier, les députés européens, lors de leur session plénière ont adopté trois dossiers visant à revoir la législation sur les pesticides, à parvenir à une réduction de 25% d’ici à 5 ans et de 50% d’ici à 10 ans, à interdire l’épandage aérien, à créer des zones tampon autour de certains cours d’eau dans lesquelles les pesticides ne pourront être utilisés ou stockés.
La révolution verte est-elle en marche? Au Grenelle de l’Environnement, en tout cas, elle semble laborieuse. La question des pesticides a sensiblement empoisonné l’atmosphère de cette dernière table ronde et conduit à une marche arrière, Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, ayant estimé que l’on allait un peu vite en besogne sur ce dossier, ouvert il y a 20 ans. Du coup, le projet de réduction de 50% des pesticides a perdu tout calendrier et s’est vu adjoindre la formule « sous réserve de méthodes alternatives ».
Mais ça, c’était avant le discours de l’Elysée. Maintenant, on le sait: il faut un plan avant un an pour réduire de moitié l’usage des pesticides. Exécution.