Les racines montagnardes de la pomme de terre

2008 a été déclarée par la FAO année internationale de la pomme de terre. Mais savez-vous où a débuté l’histoire de ce fabuleux tubercule? Dans les Andes, sur les rives du lac Titicaca, à 3800m au-dessus du niveau de la mer. C’était il y a 8000 ans!

L’histoire de la pomme de terre a en effet débuté dans la cordillère des Andes, à la frontière entre la Bolivie et le Pérou. Des recherches ont révélé que des communautés de chasseurs et de cueilleurs arrivés dans le sud du continent américain depuis au moins 7 000 ans avaient commencé à domestiquer des espèces sauvages de pommes de terre qui poussaient en abondance autour du lac.

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Quelque 200 espèces sauvages de pommes de terre ont été répertoriées sur le continent américain. Mais c’est dans la cordillère centrale des Andes que les agriculteurs sont parvenus à sélectionner et à améliorer les premiers spécimens de ce qui allait donner, au fil des millénaires, une diversité inouïe de tubercules. La pomme de terre que nous connaissons, l’espèce Solanum tuberosum, ne contient en réalité qu’une infime partie de la diversité génétique contenue dans les sept espèces reconnues et dans les 5 000 variétés de pommes de terre qui sont encore de nos jours cultivées dans les Andes.

Les agriculteurs des Andes cultivaient un grand nombre de cultures vivrières, notamment des tomates, des haricots et du maïs, mais leurs variétés de pommes de terre se sont particulièrement bien adaptées à la région de la « vallée quechua », à 3 100-3 500 mètres d’altitude, sur les flancs de la Cordillère centrale (les peuples andins considéraient la région quechua comme la « région civilisée »). Ils ont aussi mis au point des variétés résistantes au gel qui survivent sur la steppe d’altitude (puna), à 4 300 mètres d’altitude.

La sécurité alimentaire assurée par le maïs et la pomme de terre, renforcée par le développement de l’irrigation et de la culture en terrasses, a permis l’émergence de l’empire Huari, autour du Ve siècle, dans le bassin d’Ayacucho. À peu près à la même époque, la cité-État de Tiahuanaco fut érigée près du lac Titicaca; un système de cultures en terrasses, des levées de terre bordées de canaux, permettait de produire 10 tonnes/hectare de pommes de terre. À l’apogée de cette civilisation, vers l’an 800 de notre ère, 500 000 personnes ou plus vivaient à Tiahuanaco et dans les vallées environnantes.

Croissance fulgurante

À la chute de l’empire Huari et de Tiahuanaco, entre 1000 et 1200, succéda une période d’agitation à laquelle mit fin l’émergence de l’empire inca dans la vallée de Cuzco, autour de 1400. En moins d’un siècle, les Incas créèrent l’empire le plus vaste de l’Amérique précolombienne, qui s’étendait de l’Argentine à la Colombie actuelles.

Les Incas adoptèrent et améliorèrent les techniques agricoles des civilisations andines, accordant la primauté à la culture du maïs. La pomme de terre était pourtant fondamentale pour la sécurité alimentaire de l’empire: elle occupait une place de choix dans le vaste réseau d’entrepôts – en particulier le chuño, tubercule déshydraté par exposition au gel et au soleil – et permettait non seulement de nourrir fonctionnaires, soldats et esclaves mais servait aussi de réserve en cas de mauvaise récolte.

Les conquistadors ont précipité la chute de l’empire inca, mais la pomme de terre a résisté. Car, tout au long de l’histoire des civilisations andines, elle est restée, sous toutes ses formes, la denrée du peuple et était au centre de leur cosmogonie. Par exemple, l’unité de temps était le temps nécessaire à la cuisson des pommes de terre.

Dans certaines régions des Andes, les agriculteurs mesurent encore les terres en topo, qui est la superficie nécessaire à une famille pour couvrir ses besoins en pommes de terre. Le topo est plus étendu en altitude, car la période de jachère des parcelles est plus longue. Les agriculteurs classent les pommes de terre par espèces et par variétés mais aussi par niches écologiques qui donnent les tubercules les plus gros, et il est courant de voir sur une même parcelle quatre ou cinq espèces cultivées.

La culture des tubercules est encore de nos jours une des principales activités de la saison agricole près du lac Titicaca, où la pomme de terre est dénommée Mama Jatha, ou mère de la croissance. La pomme de terre demeure la semence emblématique de la civilisation andine.

D’après les mythes incas, le dieu créateur Viracocha fit émerger le soleil, la lune et les étoiles du lac Titicaca. C’est lui qui a créé l’agriculture en envoyant ses deux fils dans le royaume des humains pour étudier et classifier les plantes qui y poussaient. Ils ont enseigné au peuple comment semer les cultures et comment les utiliser pour ne jamais manquer de nourriture.

Pour en savoir plus: http://www.potato2008.org/fr

Gilbert

4 thoughts on “Les racines montagnardes de la pomme de terre

  1. Depuis quelques mois j’engrange les infos sur la pdt, surtout les légendes : c’est la première fois que je lis le propos sur la cuisson de la pdt = unité de temps : marrant. Me fait penser au Vénézuéla où, pour se déplacer, le nombre de kilomètres n’était pas un repère mais le nombre d’heures oui. Merci

  2. La patate comme unité de temps et d’espace (le topo). Moi aussi, j’ai trouvé ça intéressant. A noter qu’en France, on l’utilise encore, familièrement, comme unité monétaire: 10 000 patates, c’est un beau pactole, en francs ou en euros, peu importe. Pour filer la métaphore agricole, c’est un paquet de blé!

  3. Bonjour,
    j’aimerais savoir ou trouver un fournisseur de pommes de terre de Andes.
    Merci beaucoup.
    Meur MALOBERTI

  4. D’après mes recherches, il est possible de trouver en Europe la dorée des Andes (de couleur jaune vif safran). Une pomme de terre délicieuse, paraît-il, qui n’a subi aucun type de modification génétique depuis l’époque pré-colombienne. Malheureusement, je n’ai aucune adresse en France ou ailleurs en Europe. Je vous conseille d’aller jeter un coup d’oeil sur http://www.doree-des-andes.com et, éventuellement, de les contacter.

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