Penser globalement, agir localement. Ce principe est manifestement appliqué par le Département de l’Isère pour sauver la biodiversité (lire notre article précédent sur la liste rouge de la faune), même si la tâche s’avère plus que difficile face à une question planétaire sur laquelle l’Europe a récemment tiré le signal d’alarme. Mais l’Isère fait preuve dans ce domaine d’une volonté politique farouche: »L’Isère a une responsabilité particulière », souligne André Vallini, président du Conseil général de l’Isère, dans l’éditorial de la brochure récemment publiée sur la faune sauvage, « car notre département a la chance, du fait de sa situation géographique, d’abriter une biodiversité exceptionnelle avec la présence de plus de la moitié des animaux vertébrés présents en France ».
Effectivement, de la vallée du Rhône (132m d’altitude) aux plus hauts sommets de l’Oisans (4088m), l’Isère possède un très grand nombre de milieux naturels qui abritent de nombreuses espèces animales et végétales. 602 zones naturelles d’intérêt écologique et faunistique (ZNIEFF) sont recensées et les botanistes distinguent aujourd’hui plus de 900 types d’habitats naturels différents. Avec 330 espèces de vertébrés recensées, l’Isère figure parmi les premiers départements en ce qui concerne la faune sauvage.
Cette richesse est donc menacée et c’est à sa sauvegarde que s’emploient tous les acteurs de l’environnement de l’Isère, collectivités locales et territoriales, associations, parcs naturels régionaux, etc. En pensant globalement et en agissant localement. A travers des programmes d’actions d’importance mais aussi, parfois à travers des actions ponctuelles, concrètes, nées de l’observation. De nombreuses associations naturalistes y contribuent. Jean-François Noblet, naturaliste de toujours et conseiller technique Environnement du Conseil général, apporte régulièrement sa pierre, notamment en ce qui concerne la faune sauvage. Son travail a notamment débouché sur la mise en place, par le Département, de corridors biologiques. Il s’attaque aussi aux pièges mortels divers et variés qui se trouvent sur le chemin des vertébrés terrestres, notamment:
– les poteaux creux: poteaux de téléphones, de paravalanches, etc. dont le sommet n’est pas obturé et se transforme en piège pour les oiseaux.Plusieurs entreprises iséroises, alertées sur ce point par J.F. Noblet, sont intervenues.
– les bassins de décantation: le long des autoroutes, des voies nouvelles et dans les zones industrielles et d’urbanisation récentes. Servent à collecter les eaux pluviales sur les sols imperméabilisés. Très utiles car ils évitent la pollution des nappes phréatiques (loi sur l’eau du 3/01/92).
– les retenues d’eau collinaires: en montagne, dans les stations, ce sont des bassins artificiels servant à stocker l’eau pour fabriquer de la neige de culture. Ils se sont multipliés depuis dix ans.
Le problème: les animaux (batraciens, oiseaux, gibier, etc.) qui viennent soit s’y désaltérer, soit s’y nourrir, soit s’y reproduire, ne peuvent regagner la terre ferme et meurent au fond du basin . Ces bassins sont en effet étanchéifiés par des membranes plastiques en polyéthylène haute densité (PEHD) de couleur noire, très glissante.
J.F. Noblet rapporte que dans une station proche de Grenoble, « une famille de touristes a retrouvé une famille complète de renards (2 adultes, 4 petits), que sur un autre site, un grand-père s’est retrouvé piégé après avoir voulu sauver son chien ». Qu’au cours de deux expertises sur un même site en zone agricole, le même J.F. Noblet a retrouvé « les cadavres de 4 campagnols des champs, un mulot sylvestre, un lièvre, un faisan, une belette, 2 oiseaux de taille moyenne, 10 lézards des murailles, des grenouilles vertes et des crapauds communs, de nombreux insectes et des kilos de lombrics ».
L’action: pour J.F Noblet, il convient de recenser ces « bassins de la mort » et prévenir le responsables. Pour sa part, il conseille, pour la conception de ces équipements, le recours à une technique à base de couche d’argile en poudre (bentonite) insérée entre deux géotextiles.