Il arrive à tout le monde de rêver de palmiers. Que l’on soit du plat pays ou du Mont-Blanc. C’est le cas de Renaud de Looze qui vit au milieu d’une palmeraie au pied de la Chartreuse. Avec lui, le Grésivaudan, considéré il y a quelques siècles comme le plus beau jardin de France, s’est enrichi de nouvelles espèces végétales. Ingénieur et pépiniériste, il a créé en 1995 la Palmeraie des Alpes à Saint-Nazaire-les-Eymes après avoir sélectionné des arbres poussant habituellement sur les contreforts de l’Himalaya et donc résistants au gel. La palmeraie compte aujourd’hui quelque quatre cents arbres.
Depuis plus d’un an, en complément de son activité arboricole, Renaud de Looze creuse avec méthode et application la question du compostage. Son hangar est un véritable laboratoire.
Se disant partisan d’ « une agriculture mesurée », il s’emploie, de façon empirique, à définir les règles d’ « un jardinage efficace et respectueux de l’environnement ». Il a d’ailleurs publié en 2009, avec la commune du Fontanil, un fascicule où il distille ses conseils (1) :
« Pour moi, le secret de la main verte, c’est tout simplement un jardinage efficace, confortable et recyclable », explique t-il.
Le confort du jardinier lui semble essentiel. Jardiner ne doit pas être synonyme de mal de dos, de reins en compote, de rhumatismes.
Il a dans ses cartons plusieurs projets parmi lesquels « un potager sur table » permettant aux personnes handicapées et aux seniors souffrant du dos de cultiver leur jardin à hauteur d’homme, sans douleur.
Autonome en eau d’arrosage (recyclage de l’eau de pluie) et en engrais (recyclage des déchets organiques), ce kit domestique (utilisable aussi sur terrasse ou sur toit) permet d’allonger la saison de culture grâce à son couvercle transparent qui fait effet de serre et à la chaleur du compost.
Précis de décomposition
Pour ce qui est du compostage, Renaud de Looze estime que l’on patauge encore beaucoup, que les manuels ne sont pas au point, que les a priori sont encore nombreux:
« On manque d’expérimentations, confie t-il. On n’a pas encore vraiment quitté la période baba cool. Les collectivités incitent les gens à composter alors que c’est une entreprise complexe. C’est aussi dur que de faire du pain ou de brasser de la bière. Pour ma part, je suis persuadé que le compostage est une science exacte qu’il faut divulguer. Or, personne ne le fait. Par exemple, j’ignore toujours quelle est la meilleure forme d’azote et de carbone.
C’est pourquoi j’essaie d’apporter ma contribution avec mes outils et mon expérience. Pour ce qui est du CO2, tout ce que je sais pour ma part , c’est que l’air en contient 0,04 % actuellement contre 0,03 % au début du siècle, et que l’on monte artificiellement à 0,10 % dans certaines serres pour augmenter le rendement ( 90% de la matière sèche d’une plante sont issus du CO2). Je cherche à savoir si le dégagement de CO2 lors de la dégradation des déchets végétaux et animaux profite aux cultures.
Mon interrogation est très concrète : mesurer le CO2 au sol (effet litière du compost ?), à 2-3 mètres pour l’alimentation des arbustes, à 10 mètres pour l’alimentation des arbres, 1000 mètres et plus (effet de serre).».
Se préoccuper des préparations non préoccupantes –puisque c’est ainsi que l’on dénomme désormais les alternatives naturelles aux pesticides- telle est sa quête. Une quête qui apparaît clairement au cours de la visite de la palmeraie. Ici un lombricomposteur, là des fioles remplies d’une composition maison à base de végétaux et de fumier de cheval, un broyeur à marteau plein de châtaignes, un brasseur de jus organique, des bandelettes d’analyse, etc. Un alchimiste est au travail.
« Ca, c’est un composteur conçu en Californie qui permet de réaliser un compostage des déchets ménagers en une semaine (2). Le compost peut être immédiatement utilisé en couverture ou laissé à mûrir un mois pour obtenir un substrat de plantation comparable à un terreau. Un thermomètre permet de mesurer la quantité d’ions présents dans le mélange. Mais les PNPP américaines n’ont rien à voir avec les nôtres. L’ortie, par exemple, n’apparaît pas dans la liste des produits mis sur le marché. D’ailleurs, j’aimerais bien savoir pourquoi il n’existe pas encore de liste française ou européenne».
Il semble qu’elle soit encore en préparation. Préoccupant, disent certains.
Les villes s’y mettent
Le compostage des déchets ménagers, ceux des citadins particulièrement, devient incontournable. Cette opération de recyclage permet de détourner de l’incinération ou de la décharge des quantités importantes de déchets et donc d’alléger sensiblement le bilan carbone à l’échelle d’une agglomération. Le plan national de soutien au compostage domestique, lancé fin 2006, met en œuvre un programme d’actions visant au développement de cette pratique.
Ainsi, des aides conséquentes sont apportées aux collectivités pour l’acquisition de composteurs domestiques. L’objectif est d’équiper un million de foyers en 5 ans.On évalue à plus de 70kg/habitant la diminution du volume de déchets grâce au compostage domestique. Une entreprise de grande envergure qui a commencé dans l’agglomération de Grenoble : la Metro a pris plusieurs initiatives dans ce sens, saluées par l’ADEME. Elle donne notamment l’occasion aux habitants de la Communauté de communes d’acquérir un composteur (3).
Le choix de la technologie devient décisif. Des composteurs, d’accord, mais lesquels ? Comme le souligne Renaud de Looze, “si les citadins vivant en appartements se lancent dans cette initiative, l’absence de toute nuisance olfactive semble plus que souhaitable, impérative”.
Il a une solution sur ce point. Pour lui, la méthode Bokashi (4) lui semble la plus adaptéa à la situation. Mais, à son avis, il y a la possibilité de développer une logistique grenobloise tenant compte des exigences locales.
Utiliser la matière grise disponible sur place, c’est aussi travailler pour le développement durable.
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(1) Ce petit manuel explique très simplement pourquoi et comment fertiliser et arroser, comment minimiser les traitements, comment élaborer ses propres décoctions, pourquoi et comment recycler ses déchets organiques. La maquette de ce livret est disponible gratuitement pour les collectivités, les associations ou les professionnels qui souhaitent faire passer le message du « jardinage durable ».
(2) Sur le principe d’une bétonnière légèrement chauffée, cet appareil « compost made easy » permet de réaliser un compostage accéléré des déchets ménagers car les conditions sont optimales (température, aération, mélange des matériaux). Si les matériaux sont fermentescibles il suffit de rajouter de la sciure de bois pour équilibrer l’alimentation des micro-organismes biodégradeurs.
(3) Les habitants de l’agglomération grenobloise peuvent acquérir un composteur (un par foyer) en contactant le n° vert de la Métro au 0 800 500 027. Munis d’un justificatif de domicile, ils doivent ensuite retirer le composteur auprès d’un des quatre centres de collecte. A cette occasion, un « bioseau » leur est remis après signature d’ une charte qui précise les engagements réciproques de la Métro et de l’utilisateur. Deux types de composteurs sont en vente : en bois ou en plastique. Les tarifs :15 € TTC pour un composteur de 300 litres, 25 € TTC pour un composteur de 600 litres.
(4) Concept japonais : les déchets sont conservés dans un récipient hermétique dans lequel se déroule une fermentation lactique destinée à pré-composter les matières malodorantes. L’acidité issue de la fermentation permet de faire évoluer les déchets en une sorte de choucroute ayant la même odeur. Au bout de deux semaines les déchets fermentés sans air peuvent être compostés de manière traditionnelle ou enfouis dans le sol où ils achèveront de se décomposer rapidement.