William Villeneuve est un Gersois solide qui sait prendre le taureau par les cornes quand la situation l’exige. Il le fait, en tant qu’agriculteur et président des JA, dans un livre intitulé « Le bonheur est dans les champs » (1), réalisé à partir d’entretiens avec Pascal Perri, professeur d’économie.
Un ouvrage qu’il a présenté mercredi sur le stand des JA au Salon de l’Agriculture. Sillon38 y était.
« C’est un livre qui a l’ambition d’expliquer l’agriculture et l’alimentation au plus grand nombre, annonce t-il d’emblée. Un état des lieux qui s’adresse à tous les citoyens : ils peuvent faire changer le cours des choses, j’en suis persuadé ».
Ce message, William Villeneuve le dit haut et fort dans ce livre :
« C’est dans les villes que les problèmes de la malbouffe se posent tous les jours. J’ai tendance à penser que les consommateurs vont exiger des progrès et imposer un nouveau rapport à l’alimentation. Nous, paysans, je le dis clairement, nous comptons sur les Français des villes pour nous entendre. Nos intérêts sont liés : nous voulons gagner notre vie grâce à notre production et eux veulent consommer des produits de qualité. Tous les paysans de France doivent comprendre que l’enjeu du dialogue avec les citadins dépasse le cadre de la simple communication. C’est sur ce terrain que se jouera le maintien de l’agriculture à la française, qualitative, durable, respectueuse de l’environnement et des hommes ».
Mais pour le président des JA, il faut aller plus loin que les AMAP, quel que soit leur succès :
« Aujourd’hui, 85% des produits agricoles sont vendus par la grande distribution, dans les hypers. Le réseau des AMAP ne concerne approximativement que 200 000 consommateurs, soit l’équivalent d’une ville comme Clermont-Ferrand. C’est un marché de niche. On ne nourrira pas les citadins français avec les seules AMAP. Je ne juge pas le phénomène. Il doit nous servir de piste de réflexion sur le fait de remettre un producteur derrière chaque produit alimentaire plutôt qu’une marque ».
Ce dialogue consommateurs/producteurs, le succès qu’il connaît, n’est-ce pas aussi le signe d’un manque, d’une défaillance d’organisation de la part des producteurs eux-mêmes ?
« Je suis le premier à reconnaître que le monde agricole n’a pas su à temps s’occuper de la commercialisation, de la valorisation de ses produits. Au début, les outils du mutualisme agricole auraient pu investir dans des magasins de produits agricoles. Ca aurait pu s’appeler « Pleins champs ». On aurait alors parlé d’enseigne des agriculteurs. On ne reviendra pas en arrière ».
Il y a de quoi s’inquiéter pour l’agriculture et vous l’écrivez. L’après-PAC arrive , la logique de la déréglementation et de la compétitivité devient la règle. Vous dites redouter plus que tout une agriculture sans paysans :
« Le risque d’une alimentation délocalisée et d’une agriculture sans paysans existe. Chez moi, dans le Gers, la population est agricole à 30% et 15% du revenu agricole est lié au tourisme. Si on continue à ce rythme en matière de déréglementation, les paysans comme moi n’auront plus de place sur le marché où seule la compétitivité compte ».
Et malgré tout, le bonheur est dans les champs ?
“Je suis heureux d’être au contact du vivant, animal ou végétal. Je ne changerais pour rien au monde. Mais je veux simplement gagner ma vie avec mon boulot, qui consiste à nourrir mes semblables ! L’alimentation, c’est notre carburant. On ne peut pas la traiter comme d’autres biens de consommation. La tradition de production en France privilégie le travail bien fait et des produits de qualité. Ces derniers ont un prix. Ce prix rémunère notre travail et garantit la traçabilité et l’authenticité. Les intérêts des paysans et ceux des consommateurs se rejoignent. Nous devons donc reprendre le dialogue, ensemble ».
Whos’who William Villeneuve
35 ans, agriculteur dans le Gers
BTS production animale
polyculture : céréales, bovins, vin (Côte de Saint Mont)
revenu : 1000 €/mois
prend deux semaines de vacances : une en été, une en hiver
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(1) Editions Florent Massot , Paris, 2010. Cet ouvrage devrait prochainement voir le jour en e-book, pour un prix symbolique. « L’objectif étant de toucher un maximum de lecteurs, pas de faire du chiffre », soulignent les auteurs.