Les litiges et problématiques de tout ordre (foncier, baux ruraux, administration, assurance, etc.) auxquels sont souvent confrontés les acteurs du monde rural, quelle que soit leur profession, ont de quoi décourager.
Faire valoir son droit, expliquer son cas, plaider sa cause: nombreux sont ceux qui ont l’impression que pour y parvenir, il faut déplacer des montagnes et vider son porte-monnaie. L’histoire du pot de terre contre le pot de fer a la vie dure.
Comme le remarque Laurence Ferrini, agricultrice en Nord Isère et bénévole au Comité d’action juridique (CAJ) Rhône-Alpes, « le droit s’exerce plutôt de façon verticale et en milieu urbain. Le monde rural reste à l’écart ».
L’action des CAJ -qui ont le statut d’association loi 1901- vise précisément à modifier cet état de fait en « permettant l’accès au droit pour tous en milieu rural, en proposant un soutien juridique alternatif et des formations ». C’est, en quelque sorte, la mise en place d’un circuit court du droit.
Une méthode participative
La Région Rhône-Alpes, qui apporte son soutien financier à cette initiative, est pionnière en la matière : c’est en effet la seule à disposer depuis 2006 de huit associations départementales animées par des bénévoles avec le soutien d’un juriste salarié par l’association régionale, le CAJ Rhône-Alpes.
La démarche adoptée est originale et privilégie la concertation : « Le fonctionnement des CAJ, explique Laurence Ferrini, repose à la fois sur des pratiques de solidarité et sur la participation des individus à la résolution de leurs problèmes juridiques. Ensemble, nous réfléchissons sur le litige, ensemble nous tentons de le résoudre ».
Sur le plan juridique, les bénévoles comme Laurence Ferrini, ont reçu une formation de base et, la pratique aidant, sont capables d’apporter eux-mêmes les éléments de droit.
« Si un rendez-vous avec le juriste est organisé, plusieurs bénévoles du CAJ sont présents. On instaure alors des échanges triangulaires et équilibrés entre la personne soutenue, les bénévoles et le juriste. Ainsi, la personne ne confie pas son problème au seul juriste mais participe activement à sa résolution ».
La part formatrice et pédagogique de cette méthode constitue l’un de ses points forts. Il ne s’agit rien moins que de permettre aux populations rurales de mieux connaître les grands principes du droit, de se les approprier, de les exercer. Le droit est l’affaire de tous et nul n’est censé ignorer la loi. Mais qui connaît vraiment son Code rural comme le Code de la route ?
Les vertus pacifiques du droit
Les CAJ sont intervenus sur près de 250 situations depuis 2008, principalement liées à des problématiques agricoles, notamment foncières. Sillon38 présentera prochainement le cas d’un jeune agriculteur du Trièves qui a obtenu gain de cause, avec le soutien du CAJ Isère, face à une décision du préfet de l’Isère.
Sur le plan qualitatif, les résultats obtenus sont jugés très positifs : « Les situations accompagnées trouvent le plus souvent des issues positives, y compris dans le cas de procédures judiciaires. Il est par contre beaucoup trop tôt pour faire un bilan sur les avancées des droits…Mais le plus satisfaisant est le changement d’attitude des personnes soutenues vis-à-vis de leurs difficultés, du droit et des institutions», souligne le CAJ Rhône-Alpes.
En témoigne la réaction d’une personne concernée par ce type de situation de litige et qui, depuis a intégré l’équipe du CAJ :
« Grâce au soutien du CAJ, la peur s’en va, la confiance revient, notre dignité aussi. Au-delà de notre situation, c’est nous qui avons changé. Moi qui ignorais, il y a quelques mois jusqu’à l’existence du code rural, me voilà plongée dedans ! C’est passionnant de voir comment avec du droit on peut créer du droit ! ».
Bref, faire valoir ses droits, c’est en quelque sorte être en paix avec soi-même. Un bénéfice personnel qui s’apprécie !
Utilité publique
Les freins existent cependant et peuvent perturber le développement de ces comités d’action juridique:
– l’action juridique, pour les bénévoles, exige beaucoup de temps. C’est une forte implication personnelle.
– l’action juridique est coûteuse. Les CAJ, néanmoins, demandent une contribution financière bien inférieure aux frais facturés par un service juridique ou un avocat.
Si les litiges agricoles constituent actuellement la matière première de l’action des CAJ, l’ouverture aux autres aspects de la ruralité devrait se faire progressivement pour peu que les équipes s’étoffent et que leurs membres se diversifient.
C’est une œuvre d’utilité publique que celle-ci et qui ne peut qu’aller dans le sens de la prévention des conflits. Des sessions de formation collective sont d’ailleurs programmées. Dernièrement, des réunions ont eu lieu en Isère sur le statut du fermage, les baux ruraux, la SAFER, le contrôle des structures. D’autres suivront, notamment sur les documents d’urbanisme.
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Les CAJ en Rhône-Alpes :
Isère : 04 76 22 79 93
Savoie : 04 79 33 83 01
Haute-Savoie : 04 50 57 20 66
Ain : 09 61 54 83 44
Rhône : 04 78 37 57 45
Loire : 04 77 26 51 95
Ardèche : 09 51 37 08 50
Drôme : 04 75 25 10 50