Terre de montagnes sur laquelle se profile la figure tutélaire de Pierre Gaspard (1834-1915), l’Oisans tire de la nature, de ses glaciers, de ses rochers, de ses alpages, de ses forêts, de ses rivières, sa véritable richesse. Ici, la nature est à la fois le joyau et l’écrin.
Après l’or de la Gardette et l’argent des Chalanches (XVIIIe siècle) , l’or blanc, autrement dit l’industrie des sports d’hiver, a contribué au développement de la vallée. Les Deux-Alpes, l’Alpe d’Huez ont attiré des foules de skieurs dès les années 50, et n’ont jamais cessé depuis. Le filon ne tarit pas. Bénis soient les Grandes Rousses, le Jandri et la Girose ! Petit à petit, ces deux stations emblématiques ont fait des petits avec Ornon, Auris-en-Oisans, Oz-en-Oisans, Vaujany, La Grave.
Mais cet or blanc, même s’il pèse très fort dans la balance, n’est pas la seule richesse de l’Oisans. Il y a aussi le cristal de roche. Qui dans ce pays, n’a pas chez lui un beau caillou, un bouquet de quartz, une calchopyrite ?
Le boulanger du Bourg d’Oisans, passionné de minéralogie, cristallier hors pair, ne s’en cache pas. Nous l’avons croisé au musée des minéraux à qui il a fait don d’une vitrine dans laquelle figurent quelques échantillons de ses précieuses découvertes.
« Le volume de la pierre ne fait pas nécessairement sa valeur et sa beauté. Regardez ces cristaux d’ anatases ! » (1)
Roger Canac rappelait en 2006, pour le 20e anniversaire du musée, que l’Oisans a eu son facteur Cheval des cailloux. Il s’appelait Maurice Roche : « Perdu dans les neiges de l’Alpe d’Huez, il ne pouvait pas ériger son palais idéal , mais au fil des tournées, au temps de l’élargissement de la route olympique de 1968, il protégeait ses cristaux en les scellant au manteau de sa cheminée ».
Le cristal aurait pu être l’ emblème de Bourg d’Oisans. C’était, en tout cas, le vœu de la municipalité de Roland Martin qui créa, en 1986, le grand Musée de la Faune et des cristaux des Alpes (2).
Denis Fiat (ci-dessus), agent du Parc national des Ecrins (secteur Oisans) et, à l’époque adjoint à la culture, s’investit avec passion dans la muséographie de ce nouvel équipement. On a appris de sa bouche, à l’occasion d’une visite organisée par l’office de tourisme (3), que le cristallier grandeur nature, en vitrine, à l’entrée du musée, portait ses propres chaussures et même ses poils de barbe! C’est ce qui s’appelle « payer de sa personne ».
Question nature, Denis Fiat est intarissable. Et il sait faire partager son savoir dans ce domaine. Parmi les richesses de l’Oisans, il en est une, unique en France. Son nom : la réserve intégrale du Lauvitel .
Créée en 1995, c’est un espace de 689 ha où ne pénètrent qu’une poignée de scientifiques. C’est un conservatoire in situ, un lieu intact de toute activité humaine, un labo à ciel ouvert. Ce territoire protégé autant qu’un cristal permet de suivre l’évolution naturelle des écosystèmes. Ne peuvent y mettre les pieds que quelques hommes de l’art triés sur le volet, d’après un rigoureux plan de gestion élaboré par le conseil scientifique. Inutile, donc, de tenter d’approcher ce secteur, ou plutôt ce sanctuaire.
Après une période d’inventaire, l’heure est au suivi à très long terme : paramètres physiques du climat et du lac, placettes forestières, lignes de lecture de prairies et de pelouses, suivi de l’avifaune, des micromammifères, des chiroptères…
Et puis, la richesse de l’Oisans, ce sont aussi les hommes et femmes qui habitent ce pays et y vivent, Bourcats, Bessats, Faranchins, Graverots, Christolets, Venoscains, etc . Ces familles de guides, pâtres et colporteurs, souvent tout à la fois, qui ont semé la graine, mais aussi tous les autres venus d’ailleurs, qui ont posé leur sac au pied de ces montagnes.
Car l’Oisans, bien que rude, est aussi une terre d’élection, une terre d’adoption. Les premiers furent sans doute les Provençaux transhumants qui, séduits par ces vastes espaces, s’installèrent avec leurs troupeaux dans la vallée du Vénéon. Les siècles ont passé et le nombre des Uissans (4) adoptifs augmente.
Lors de notre visite à Bourg d’Oisans, récemment, nous avons rencontré un Marseillais, installé ici depuis 12 ans et une citoyenne belge depuis 2004. Et n’oublions pas que Roger Canac, le philosophe des Sables (c’est dans ce hameau qu’il réside) est natif du Rouergue.
Bref, il y a mille raisons d’aller visiter l’Oisans. Le printemps arrive, les marmottes sortent de leur trou, le Parc des Ecrins recense ses aigles royaux, les cyclistes décrochent leur vélo du clou, les perce-neige parsèment les prés. Prenez l’échappée!
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(1) Ces cristaux d’anatase (entre 2 et 3 cm) peuvent être considérés comme un des fleurons de la minéralogie alpine. A l’anatase est associé le rutile, pseudomorphosant souvent les cristaux d’anatase ou traversant les cristaux de quartz, la titanite, l’apatite rose, la bertrandite et la phénacite, en petits cristaux millimétriques, le béryl bleu (aigue-marine !), et la monazite, en jolis cristaux orangés et brillants.
(2) Musée des minéraux et de la faune des Alpes Place de l’Eglise . 38520 Bourg d’Oisans .Tél. : 04 76 80 27 54 musee@mairie-bourgdoisans.com
http://www.musee-bourgdoisans.com
(3) Office de tourisme de Bourg d’Oisans ; 04 76 80 03 25
info@bourgdoisans.com www.bourgdoisans.com
(4) Nom forgé à partir de la tribu gauloise des Ucennes qui avait fait de ces montagnes son territoire. Le nom Oisans vient également de là.