C’est un fait que soulignait Serge Gros, directeur du CAUE, cet après-midi, au terme des Assises départementales de la forêt et du bois : la filière bois iséroise, malgré le travail du pilote qu’est Créabois, a été longue à se mettre en ordre de marche. En refaisant le chemin parcouru, en évoquant l’OPAC, les voyages dans les pays du Nord qui avaient déjà tout compris à l’habitat passif, Serge Gros a eu ces mots: »On a mis vingt ans pour en arriver là! »

Mais là, c’est fait. La prise de conscience est réelle, la filière monte en puissance, la révolution culturelle est en marche. Car il s’agit bien d’une révolution culturelle. Tout est à revoir, à réinventer. « Il nous faut révéler les vraies qualités du bois, en formant les prescripteurs, les architectes, en valorisant la ressource locale avec de nouvelles technologies, en passant du niveau artisanal au niveau industriel, en se donnant les moyens de répondre à la demande de nos concitoyens en matière d’habitat. Nous ne pouvons pas rater le train du développement de nos territoires », ajoute Serge Gros.
A l’écoute des différents intervenants, tout incite à relever le défi. Jean-Luc Sandoz, PDG d’Ecotim, expert en la matière, le souligne: »En 2008, le bois est devenu plus économique que l’acier ». Bref, le contexte s’y prête. Et il suffit de regarder le montant de sa facture de fioul pour comprendre que les énergies renouvelables ont un grand avenir.
L’Isère possède la ressource -la forêt couvre plus de 32% de la superficie du département et ses bois sont de qualité- et elle a la volonté politique. Une demi-douzaine de collèges isérois ont été construits avec le matériau bois. Charles Galvin, conseiller général délégué à la Forêt, la filière bois et la montagne, rappelait que le président Vallini, lors de son discours d’investiture, avait fait une priorité de la filière bois. Il a donc saisi l’occasion de ces Assises, qui ont réuni toute la filière, d’aval en amont, pour leur donner carte blanche: »A vous de mettre en oeuvre cette filière forêt-bois, de valoriser notre ressource locale à travers de nouvelles technologies, à travers des appellations, à travers des travaux de recherche, etc. Nous comptons sur vous pour le faire. Et vous pouvez compter sur le soutien du Département ».
De nombreuses initiatives ont d’ores et déjà été engagées: en Chartreuse, où la démarche AOC bois est officiellement lancée, dans le Trièves, où la plateforme bois énergie est opérationnelle depuis quelques mois, et aux quatre coins du département où des unités de production de biocombustibles (plaquettes, granulés) ont vu le jour ou sont en projet. Tout cela fait que la forêt est, en même temps qu’un gisement d’énergie un gisement d’emplois. La filière bois recrute. Il y a du boulot. En Isère, comme le remarque Jean Bernard, président de l’UDGFI, « on ne prélève que 29% de l’accroissement biologique, c’est à dire 370 000m3/an ». Avis aux jeunes: on cherche des bûcherons, des débardeurs, des conducteurs d’engins.
La construction bois progresse, elle aussi, à vive allure même si les carnets de commandes marquent un net ralentissement depuis peu. La baisse du pouvoir d’achat, la crise financière y sont sans doute pour quelque chose. Mais la demande existe et architectes et constructeurs y répondent avec audace. La maison passive se fait sa place. « Il faut tordre le cou à cette idée qu’un bâtiment à haute performance énergétique est hors de prix », remarque Pierre Descombes, chargé de la formation à la CCI de la Drôme. A la notion de développement durable, il préfère celle de développement supportable (traduction littérale de « sustainable developpement »). « Le développement supportable, c’est exactement le contraire du développement insupportable », précise t-il.
Ces assises ont bien fait ressortir les enjeux socio-économiques d’importance qui sont aujourd’hui entre les mains des acteurs de la filière forêt-bois. Et il importe que les freins du passé lâchent, que la révolution culturelle puisse se poursuivre toujours dans la perspective d’un développement durable, à l’échelle des territoires isérois. Gagner la bataille de l’énergie. Penser globalement, agir localement. Faire de la planète un endroit supportable, pas une serre.



