La gestion des futaies résineuses d’altitude par Contrôle Sélectif.

Les  forêts d’altitude, composées d’un mélange feuillus/résineux (hêtre/sapin, épicéa), sont d’un grand intérêt, tant pour l’économie régionale que nationale, par l’intermédiaire des multiples fonctions qu’elles assurent :

– La production d’énergie et de matériaux renouvelables seront de plus en plus nécessaires dans un avenir marqué par la transformation du climat et la raréfaction des ressources d’énergie fossile (gaz naturel, pétrole).

– L’exploitation forestière et les différents stades de transformation du bois sont une source de revenus et un gisement d’emplois locaux très appréciables.

– Les différents rôles de la forêt, dans la lutte contre l’effet de serre, dans la purification de l’eau et de l’air, et en guise d’espace de détente et d’accueil du public sont irremplaçables.

Les peuplements forestiers peuvent se présenter sous différentes formes, dont les deux plus courantes sont :

–  La futaie régulière, historiquement obtenue par plantation de plants forestiers issus de pépinière, sur des sols devenus inexploités, suite à la déprise agricole des zones de moyenne montagne.

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Cette solution nécessite une alternance d’opérations de plantation, entretiens et éclaircies, avant coupe rase définitive, au rythme de 60 à 80 ans qui n’est pas très propice à satisfaire la troisième catégorie des rôles, énoncés plus haut comme attendus de la forêt.

La futaie irrégulière, composée d’arbres issus de régénération naturelle, et alimentée chaque année par la dispersion de nouvelles graines, sous l’effet du vent ou des animaux sauvages.

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En futaie régulière, tous les arbres ayant le même âge, il est facile de  détecter visuellement ceux qui se développent plus vite et dont le diamètre augmente plus rapidement.

En futaie irrégulière, au contraire (comme c’est le cas dans une population humaine), cohabitent des sujets de tous âges et de toutes tailles ou qualités, et il devient très délicat pour le gestionnaire de définir la bonne répartition à maintenir, dans le temps et dans l’espace, pour obtenir une production optimale et durable au fil des prélèvements partiels et bien dosés, à cadence de 8 à 10 ans.

La mise en pratique de la gestion des futaies irrégulières de résineux.

Le gestionnaire d’une futaie irrégulière doit tenir compte de plusieurs paramètres dont les effets contradictoires conduisent à la recherche de compromis.

– Pour augmenter la production d’une parcelle de taille donnée, il peut paraitre utile de laisser se développer un plus grand nombre de sujets, mais en contrepartie, l’espace disponible pour chacun devenant plus faible, on augmente le risque de concurrence et la difficulté de développement individuel.

Dans la même hypothèse, une trop grande densité d’arbres, ou des arbres de trop forte taille moyenne, ne laissant aucune chance d’installation et de développement à de jeunes semis privés de lumière, l’absence de régénération naturelle conduira le peuplement à un vieillissement d’ensemble(régularisation en gros bois) qui, tôt ou tard, produira une baisse de production de longue durée, pendant le temps nécessaire à son rajeunissement.

Pour éviter cette production par vague, il est recommandé de maintenir en permanence des nombres de tige par catégorie de diamètre allant d’environ 45 à 50 en catégorie 15 cm ( 12,5 à 17,5) et décroissant progressivement jusque vers 20 à 22 tiges en catégorie 60 cm (57,5 à 62,5).

On obtient dans ces conditions un nombre de sujets d’environ 270 tiges par hectare, et un volume sur pied, mesuré en bois d’œuvre sous écorce de 150 à 180 m3/ha, conduisant à une production durable de 5 à 7 m3/ha/an, en laissant une place suffisante pour l’installation de jeunes semis naturels qui progressivement assureront le renouvellement des arbres mûrs prélevés.

Pour bien mesurer le degré de difficulté de l’action du gestionnaire, il faut savoir que la durée de présence de chaque nouveau semis appelé un jour à être exploité au diamètre de 60 cm, est en moyenne de 150 ans, partagée en deux demi-périodes  de chacune 70 à 80 ans, avec une phase de murissement entre 0 et 15 cm ( passage à la futaie), et une deuxième phase de maturation entre 15 et 60cm (arrivée au diamètre d’exploitabilité).

Pour obtenir ces performances, la seule possibilité offerte à l’exploitant est d’exécuter, tous les 8 à 10 ans, une coupe d’éclaircie(dite aussi de jardinage) qui consiste à enlever un volume de bois équivalent à celui qui a été produit depuis la coupe précédente(environ 50 m3/ha)pour revenir dans la fourchette des 150 à 180 m3/ha qui autorise le bon taux de régénération en jeunes semis.

Toute la difficulté dans l’exécution d’un bon martelage(désignation d’un coup de hache ou à la peinture des arbres à couper) est de savoir choisir, dans la limite des 50m3/ha à enlever, dans quelle catégorie de diamètre on doit enlever des arbres pour maintenir le bon profil de répartition entre les catégories de diamètre, et parmi eux, repérer leur position sur le terrain pour éviter de faire apparaitre des zones en surdensité avec excès de concurrence, ou au contraire, des trouées trop ouvertes, propices à la colonisation par des espèces non désirées.

Il se trouve que, dans le cas des peuplements résineux, la concurrence entre voisins s’exerce assez peu dans la partie aérienne des tiges(le houppier), mais très largement au niveau souterrain, entre les systèmes racinaires invisibles.

En effet, sapins et épicéas se développent sur la deuxième moitié de leur existence, en utilisant un réseau en étoile à 5 ou 6 racines, dites charpentières,  qui s’entrecroisent avec le voisinage, jusqu’à des distances comparables à la hauteur de leur tronc, et qui garantissent un excellent ancrage au sol capable de résister aux éventuelles violentes tempêtes à venir.

On conçoit dans ces conditions que la sélection  visuelle sur les seules  parties aériennes soit pour le moins hasardeuse, et plus probablement illusoires.

Pour les futaies irrégulières de résineux, un seul  indice fiable permet la détection et la sélection des arbres les plus vigoureux et productifs, donc à conserver.

Il s’agit pour chaque tige, de sa vitesse d’accroissement en diamètre, donc en volume, à suivre périodiquement entre deux passages à 8 ou 10 ans d’intervalle et qui constitue la base de la méthode de gestion par Contrôle Sélectif, décrite plus en détails dans les documents donnés ci-dessous en référence.

Le « Contrôle Sélectif » est aisément rendu possible au moyen d’un marquage sur chaque arbre de son diamètre au centimètre près, à chaque passage,  qui permet immédiatement de connaitre son accroissement lors du passage suivant, et de le traiter en conséquence.

On constate systématiquement, et dans chaque catégorie de diamètre, des écarts de résultats extrêmement larges(de 1 à 6 ou 7), qui permettent à tout exécutant de devenir très vite capable d’opérer la sélection des sujets de façon très efficace.

Le marquage des diamètres peut se faire au moyen d’un code utilisant seulement deux traits de griffe ou de peinture. Il est réalisé à l’occasion d’un inventaire en plein qui demande, pour une personne seule, environ une journée de travail par hectare, tous les 8 à 10 ans.

Dès le deuxième passage, on peut réaliser simultanément, le nouvel inventaire et le martelage de la coupe.

En deux ou trois passages on arrive généralement à remodeler le peuplement pour relancer la régénération et atteindre durablement des niveaux de production et de rentabilité capables de faire sortir la filière de sa torpeur coutumière.

Références :

La méthode du contrôle sélectif, pour la gestion des futaies résineuses de montagne, en structure irrégulière. G Claudet. Forêt Entreprise n° 217, juillet 2014.

La gestion des futaies résineuses irrégulières. Un casse-tête ou une technique accessible à tous ? G. Claudet. Bulletin trimestriel de la Société Forestière de Franche-Comté. N° 475, mars 2015.

Gilbert

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