Sylviculture durable et raisonnée

La forêt de notre département occupe un espace de 254 200 ha. Cela représente un taux de boisement de 32 % . 177 500 ha appartiennent à la forêt privée. La récolte annuelle se situe aux alentours de 322 000 m cubes. L’Isère compte 92 400 propriétaires forestiers. La surface moyenne par propriétaire étant 1,9 ha.

Entretien avec Didier Joud, ingénieur au CRPF

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« Suite à la déprise agicole, surtout en zones difficiles, la forêt progresse. Le souci étant de valoriser cette forêt. Bien souvent des accès sont délicats, mais on pourrait utiliser les bois, je pense en particulier au bois énergie. Mais ceci dépend d’une volonté politique. »

Quel est l’état de santé de la forêt iséroise?

« Elle n’a pas trop souffert de la tempête de 1999. Par contre les sécheresses qui se succèdent depuis 2003 ont favorisé l’arrivée d’insectes, le bostryche et le scolyte. Les maladies se sont développées surtout sur des épicéas situés en basse altitude. Mais, la météo de cet été, si elle n’a pas été favorable pour bon nombre d’entre nous, a permis de freiner la pullulation d’insectes et par conséquent la maladie des arbres. Aujourd’hui on peut donc dire que l’état sanitaire de notre forêt est favorable. Cela n’empêche, il faut poursuivre nos efforts au niveau de l’entretien de la forêt. Un entretien qui peut être rentable, je pense au bois énergie et à la construction. Le bois énergie permet d’utiliser des bois de basse qualité, et par ricochet de freiner la destruction de notre planète. Certains, dont de nombreux écologistes, pensent et disent le contraire. C’est une erreur car la sylviculture aujourd’hui n’est pas de faire des coupes rases, nous faisons une sylviculture durable et raisonnée.

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À propos de la construction, nous avons une formidable carte à jouer, il est seulement regrettable que dans les écoles d’architecture on enseigne peu la construction à ossature bois. J’estime qu’on devrait davantage sensibiliser les élèves architectes à ce que peut apporter le bois de construction. On peut également citer l’activité réservée au bois industrie, de trituration, pour les papeteries en particulier. À ce niveau, on peut même parler de concurrence avec le bois énergie. Pour certains, c’est une bonne chose car ça fait monter le cours du bois. »

Les structures d’accès s’améliorent-t-elles?joud-6.jpg

« C’est un nouveau chantier que l’on traite à partir de plans de développement de massifs. Cela signifie qu’on cerne de petites parcelles, de 3 à 5000 ha, on sensibilise les propriétaires concernés, et on essaie de mettre en place des routes, d’améliorer les dessertes forestières. Ceci étant la base pour exploiter dans les meilleures conditions possibles la forêt. Le point faible aujourd’hui étant de trouver les propriétaires, les sensibiliser, leur prouver qu’ils ont un capital qui peut fructifier, même si c’est sur du long terme. »

Et la main-d’oeuvre?

« C’est hélas le deuxième point faible. On a les scieurs, mais il est de plus en plus difficile de trouver des bûcherons, des débardeurs. On commence à manquer de bras.»

Le prix du bois?

« Il fluctue beaucoup, à l’heure actuelle, il est sur une piste ascendante. Il faut dire qu’il avait tellement touché le fond qu’il ne pouvait descendre plus bas et que remonter »

Comment sensibiliser les propriétaires sur les atouts de la forêt?

« Nous sommes en train de mettre en place avec la Chambre d’agriculture tout un programme de sensibilisation des propriétaires mais également des agriculteurs qui, bien souvent, ont des forêts. Ces derniers doivent savoir que la forêt peut leur apporter un complément de revenus intéressant. Certains d’entre eux ont même planté des arbres, des peupliers en particulier, dans les années 70. Ensuite je pense qu’il faut développer à tout prix l’esprit de filière. On l’a fait notamment avec la certification, un système international qui est le PEFC (plan de certification forestière et gestion durable des forêts). À moyen terme, en ce qui concerne les marchés publics, seuls les bois estampillés PEFC pourront être utilisés. Notre souci maintenant est de sensibiliser les propriétaires, les entrepreneurs afin qu’ils se certifient. Tâche pas facile.»

La charte forestière?

« Certaines actions commencent à voir le jour complètement sur le terrain mais c’est très long, trop long à mes yeux à se mettre en place. Pour être clair: l’argent public n’arrive pas vite. Il faut également réunir tous les partenaires et ils sont nombreux, réussir à les mettre d’accord. Parfois ce n’est pas une partie de plaisir car les intérêts divergent. Et c’est là que l’on doit jouer la carte de la filière avant de penser intérêt personnel.»

L’AOC bois de Chartreuse?

« Le dossier avance. C’est un cas concret qui me plaît bien car il va plus loin que la certification et il met en valeur une production d’un territoire bien défini. Si le bois de chartreuse obtient une AOC, cela créera une émulation pour les bois des autres massifs de notre département. Une dynamique au niveau de l’activité forestière iséroise. Cependant, obtenir une AOC ne doit pas d’être une finalité en soi, il faudra ensuite créer toute une activité autour de l’AOC, penser également à régler plusieurs dossiers, accès routiers par exemple. On doit surtout mettre en place une dynamique locale, travailler sur des circuits courts sinon on a tout faux et l’AOC n’aurait aucun intérêt.»

Le bois énergie une source sans fin?joud-2.jpg

« Tout à fait, le gisement est énorme, renouvelable. A mon sens, il faudrait développer un peu partout, routes et dessertes forestières afin que l’on travaille les parcelles difficiles d’accès et d’éviter que certains soient tentés par des coupes rases. »

Nos politiques jouent-t-il le jeu de la forêt?

« De plus en plus. Ils prennent conscience des atouts qu’a la forêt dans de nombreux domaines. Par contre, au niveau des subventions le parent pauvre c’est la forêt. Prenons le cas du CRPF, en Rhône-Alpes, nous sommes à peine 40 agents pour gérer 1 200 000 ha. Pour le département de l’Isère nous sommes cinq techniciens et moi même à mi-temps. C’est largement insuffisant. En comparaison, l’ONF sur la région c’est 700 agents, dont près de 200 sur l’Isère. Nous sommes un établissement public, et si l’on ne comptait que sur le financement de l’État ont serait moitié moins donc quasiment inefficaces. On manque de bras.

On ne peut pas mettre en place une politique de développement ambitieuse à cause d’un manque de temps et de moyens humains. Ce n’est pas normal pour un département forestier comme l’Isère. »

Gilbert

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