Parmi les récentes questions parlementaires, celle de Françoise Laborde, sénatrice RDSE de Haute-Garonne, concerne la crise du lait et se réfère à l’ouverture très agitée du Salon international de l’élevage, à Rennes où a explosé la colère des producteurs.
La sénatrice interroge le ministre, Bruno Le Maire, sur les actions de long terme qu’il compte engager pour faire face « au désarroi profond de la France agricole ».
Françoise Laborde: « Le Salon international de l’élevage s’est ouvert mardi à Rennes dans un climat très tendu. Une profession agricole divisée, quatre ministres en renfort et un président de la FNSEA fortement chahuté. Le ring de présentation des animaux s’est transformé en ring de combat dont vous avez été exfiltré, Monsieur le Ministre, sous protection des gendarmes.
A l’origine de ce climat, la grève du lait, lancée par certaines organisations. On peut certes diverger sur la méthode ; reste un constat partagé : le prix du lait ne permet plus de couvrir les charges de production. Comment ne pas être en colère quand, dans le même temps, le prix des produits laitiers, affichés dans les grandes surfaces ne diminue pas, signe de marges confortables pour les industriels et les distributeurs.
En réalité, cette grève du lait révèle le désarroi profond de toute la France agricole. Vous l’avez reconnu vous-même, l’agriculture traverse la crise la plus grave qu’elle ait connue depuis trente ans. Effondrement des cours, difficultés à exporter, aléas climatiques, toutes les filières sont touchées en même temps, à l’exception peut-être d’une seule : le lait de chèvre.
Pour certaines d’entre elles, le malaise est profond. Je pense notamment à la viticulture ou encore aux fruits et légumes. Sur cette dernière, le président de mon groupe, Yvon Collin, vous a alerté cet été. Pour d’autres, le mal est plus conjoncturel, lié à la crise économique générale ou à la sécheresse.
Quoi qu’il en soit, la situation est grave ; plus que la colère, c’est désormais l’abattement et même l’angoisse. Nos agriculteurs ne peuvent plus se contenter d’effets d’annonces. Au-delà des aides d’urgence, des avances de trésorerie nécessaires mais insuffisantes, il faut agir sur le long terme avec des mesures fortes et structurantes. Vous venez de lancer la réflexion sur la future loi de modernisation de l’agriculture, cette crise agricole de grande ampleur révèle aussi combien une régulation des marchés est indispensable.
Depuis 1992, l’Europe démantèle sa PAC minutieusement pour livrer son agriculture à la seule loi du marché. Cette pensée libérale, dogmatique est suicidaire. Les campagnes françaises font peut-être rêver les gens des villes, mais plus ceux qui les habitent et les valorisent par leur travail et leur labeur.
Alors que comptez-vous faire, Monsieur le Ministre, pour leur garantir un revenu stable et décent, comme votre gouvernement s’y était engagé ? Comment allez-vous leur permettre de vivre de leur travail ? Comment leur redonner la fierté de leur métier ».
Réponse de Bruno Le Maire, ministre de l’Alimentation, de l’Agrciulture et de la Pêche
» Je partage votre constat sur la situation de l’agriculture française ; j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, je le répète ici : la crise… L’agriculture française pardon, connaît la crise la plus grave qu’elle ait vécue depuis une trentaine d’années. Je veux vous rassurer sur la mention que vous avez faite du Salon du SPACE, le ministre n’a pas eu à être exfiltré, le ministre avait dit qu’il viendrait, il est venu ; il avait dit qu’il écouterait, il a écouté et il a reçu toutes les organisations qui le souhaitaient… Toutes les organisations qui le souhaitaient, que ce soit la FNSEA, les jeunes agriculteurs ou l’APLI ! (Applaudissements) … Mais il faut avoir un certain courage, Monsieur le Sénateur, pour effectivement ouvrir le dialogue, même quand certains le refusent.
Au-delà de ces péripéties, je crois que nous avons besoin de prendre des mesures d’urgence et qu’un certain nombre d’entre elles ont déjà été prises sous l’autorité du Premier ministre et du président de la République. Nous avons apporté, pour chaque filière, des aides à la trésorerie ciblée qui répondent à leurs préoccupations ; 30 millions d’euros pour la filière du lait, dans un premier temps, qui seront complétés par 30 millions d’euros supplémentaires. Et j’aurai l’occasion de le préciser, nous souhaitons qu’elles visent principalement les jeunes agriculteurs et ceux qui ont investi récemment.
Quinze millions d’euros pour la filière des fruits et légumes et un rendez-vous dans quelques jours pour regarder comment améliorer la compétitivité de la filière. Un rendez-vous important, que j’ai fixé à la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre avec les banques, avec les assurances, avec l’ensemble des créanciers des exploitations agricoles françaises parce que j’estime que, dans la crise que nous traversons, l’effort ne doit pas être uniquement supporté par l’Etat, l’effort doit être partagé par tous pour soutenir les agriculteurs de France.
Au-delà de ces mesures d’urgence, nous avons besoin – vous l’avez dit et je partage entièrement votre appréciation – nous avons besoin de prendre des mesures structurelles sur lesquelles, reconnaissons-le, nous avons reculé depuis trop longtemps.
Les mesures structurelles sont d’abord d’ordre national et elles feront l’objet, à la demande du président de la République et du Premier ministre, d’une loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. J’invite tous les sénateurs et toutes les sénatrices à participer activement aux travaux de cette loi qui ne sera pas adoptée dans deux ans, qui sera déposée sur le bureau du Parlement d’ici la fin de l’année 2009.
Et nous prendrons – c’est long parce que le sujet l’exige. Il y aura également – j’aurai l’occasion d’y revenir – des mesures de régulation européennes. Je compte sur vous pour nous aider dans ce travail. Ce n’est que collectivement que nous arriverons à apporter des bonnes réponses à l’agriculture française ».