La majorité des espèces exotiques introduites en Europe et s’attaquant aux plantes viennent désormais d’Asie.
Des chercheurs de l’Inra, avec des collègues de l’Académie des Sciences de Chine et de l’Université Forestière du Zhejiang, proposent une nouvelle méthode pour détecter les envahisseurs potentiels dans leur région d’origine, avant leur introduction sur un autre continent.
Pour cela, ils ont planté des arbres européens comme sentinelles en Chine et durant quatre années, ils ont étudié la capacité des insectes et champignons pathogènes chinois à coloniser ces arbres.
Une expérimentation unique
Les chercheurs de l’Inra ont planté 7 espèces d’arbres européens, 5 de feuillus (charme, hêtre, et 3 espèces de chênes) et de 2 de conifères (cyprès, sapin), dans 2 sites de Chine (région de Beijing et de Hangzhou-Fuyang).
Au départ, les plants mesuraient environ 1,5 mètre et ont été plantés sur chaque site à raison de 100 individus par espèce, disposés en parcelles contiguës de 25 plants. Au total, 400 arbres ont été installés à Beijing et 700 à Fuyang.
Régulièrement, entre 2007 et 2011, les chercheurs ont surveillé étroitement la colonisation de ces arbres par les insectes et champignons chinois.
Durant ces quatre ans, tous les quinze jours à Fuyang ou tous les mois à Beijing, chaque arbre a été examiné pour repérer et comptabiliser les adultes et larves d’insectes ou les dégâts, puis ces insectes ont été collectés.
Les différents types de dégâts causés sur feuille, bourgeon, branche ou tronc ont été recensés et photographiés. A partir d’élevages, les chercheurs ont ensuite tenté d’attribuer chaque type de dégâts aux insectes présents, dont les larves et les adultes ont été conservés pour une identification taxonomique et génétique.
Au total, 104 espèces d’insectes ont été observées sur ces nouveaux hôtes. Certains insectes observés ont été considérés comme de simples consommateurs occasionnels des feuilles de ces arbres. Mais 38 espèces ont été responsables de colonisations multiples, la plupart sur le chêne sessile, et il a été prouvé qu’au moins 6 d’entre elles pouvaient assurer leur complet développement sur les arbres européens.
Ces 38 espèces peuvent être considérées comme des espèces potentiellement invasives si elles étaient introduites en Europe.
De manière surprenante, la majorité de ces espèces semblent être à l’origine liées aux cultures agricoles ou aux arbres fruitiers plutôt qu’aux arbres forestiers environnants.
Trois années ont été nécessaires pour atteindre un taux de colonisation maximal. Ainsi, la quasi-totalité des arbres ont survécu la première année, puis le taux de mortalité a été très important sur les 2 sites, avec cependant des différences significatives entre les essences.
Après 3 ans d’expérimentation, seuls 99 arbres sur les 400 plantés à Beijing étaient toujours vivants : les conifères étaient morts (sauf 4 individus) mais la moitié des chênes avaient survécu. A Fuyang après 2 années de plantation, le chêne sessile était le seul à obtenir un taux de survie proche de 50%.
Cette méthode d’arbres sentinelles semble donc prometteuse, et sa généralisation possible fait actuellement l’objet d’un projet européen COST intitulé « Global Warning ».
Un des points de blocage important concerne la difficulté d’identification des insectes, en particulier des larves, et pathogènes par des méthodes classiques. Cela pourrait être levé grâce au développement de banques de données moléculaires.