A l’assemblée générale de la fédération nationale bovine qui s’est déroulée A Cournon dans le Puy de Dôme, Michel Barnier a fait un discours musclé. En voici quelques extraits.
« Nous sommes dans un moment essentiel et difficile pour l’élevage et pour l’agriculture, nous devons débattre des conditions qui permettront de donner à un élevage français dynamique les meilleures perspectives pour garantir son ancrage durable dans les territoires.
L’élevage : de nombreux aléas mais une activité indispensable
L’année 2007 a été intense pour le secteur de l’élevage. Elle a montré combien l’environnement mondial se transforme profondément et durablement.
Le retournement des marchés agricoles en 2007 a rappelé très concrètement à l’opinion publique et aux grandes institutions internationales l’importance stratégique du secteur agricole. L’insécurité alimentaire s’est même invitée au Forum économique, à Davos.
La société française attend de son agriculture qu’elle remplisse ses missions fondamentales : produire plus pour nourrir, produire mieux et préserver l’équilibre des territoires.
A ce titre, l’élevage bovin est exemplaire et doit continuer à être reconnu pour l’ensemble de ses fonctions.
Le renchérissement des céréales a permis à certains agriculteurs de doubler leurs revenus en 2007, alors que les vôtres ont été amputés d’un quart. La hausse globale des cours des matières premières, pour vous, ce sont d’abord des augmentations de charge : coût de l’énergie, coût de l’aliment, coût des bâtiments
Profiter du bilan de santé de la PAC pour consolider l’élevage en France
Ce bilan de santé est engagé sous la présidence slovène et nous le conclurons sous présidence française. C’est une opportunité de faire bouger les lignes sur la PAC. et regarder dès à présent l’après 2013.
Nous devrons alors répondre à deux défis :
– Sécuriser l’approvisionnement alimentaire de l’Europe et mieux gérer les risques
– Assurer le maintien d’une activité d’élevage rémunératrice dans les territoires
► 1èr défi : sécuriser l’approvisionnement alimentaire de l’Europe et mieux gérer les risques
Les aléas sanitaires, climatiques ou économiques déstabilisent régulièrement les filières agricoles. Les réformes de la PAC intervenues depuis 1992, l’ouverture des échanges agricoles dans le cadre de l’organisation mondiale du commerce (OMC) soumettent le secteur agricole et agroalimentaire à une concurrence toujours accrue et à une exposition renforcée à l’instabilité des marchés.
Il n’en reste pas moins que les marchés agricoles ne sont pas des marchés comme les autres et qu’ils requièrent des outils de stabilisation.
En premier lieu, cela passe par la défense d’une nouvelle préférence européenne. Nous ne devons pas être naïfs. Nous ne devons pas nous excuser de la défendre. Elle est la condition de notre indépendance alimentaire et du maintien de notre activité agricole en Europe. Nous ne laisserons pas les positions de l’Union européenne être bradées à l’OMC. La France sera particulièrement vigilante : l’absence d’accord reste toujours préférable à un mauvais accord.
L’ambition du Président de la République est de renouveler le concept de préférence européenne en l’élargissant aux exigences sanitaires et environnementales.
Cela veut dire la mise en place d’un bouclier sanitaire pour notre continent. En effet, la préférence européenne doit aussi être notre première ligne de défense sanitaire.
En un mot, les règles souvent exigeantes que nous nous appliquons au sein de l’Europe, notamment vis-à-vis des éleveurs, soient également respectées pour les produits importés sur les marchés européens. La juste concurrence, c’est aussi la réciprocité.
Ce que nous avons vécu avec le Brésil est particulièrement éclairant à cet égard.
Deuxièmement, il faut préserver des instruments de stabilisation des marchés au niveau européen.
Dans le cadre du bilan de santé de la PAC, nous voulons consolider les initiatives prises par les interprofessions en renforçant leurs missions et leurs moyens. Cela ne signifie pas un désengagement financier de l’Etat mais plutôt que certains de ses moyens soient amplifiés dans une démarche conjointe de financement avec les milieux professionnels.
Nous devons également inscrire dans ce bilan des outils permettant de couvrir les risques climatiques et sanitaires. On devrait même à cet égard pouvoir expérimenter rapidement les dispositifs assurantiels dans le secteur des fourrages.
Enfin sur les risques sanitaires, il faut créer un fonds spécifique qui permette de mobiliser des fonds nationaux et communautaires en cofinancement de fonds professionnels. Ce que vous envisagez dans le cadre du fonds national de l’élevage (FNE) s’inscrit dans cette perspective.
Encore une fois, il ne s’agit pas pour l’Etat de se désengager : il continuera à apporter son concours.
L’objectif de tout cela, c’est de mieux indemniser les pertes économiques directes liées aux crises sanitaires. Cela n’enlève pas la responsabilité de l’Europe sur les crises de grande ampleur déstabilisant les marchés et nécessitant des financements communautaires spécifiques.
Cette même approche de partage des responsabilités est en train de se mettre en place pour l’équarrissage dans l’optique de responsabiliser progressivement les acteurs de la filière viande.
Depuis 2007, l’ensemble des éleveurs doit participer au financement du dispositif. La filière ruminant, après celles des volailles ou des porcs, doit à son tour mettre en place un dispositif permettant de coordonner la collecte des contributions individuelles et d’être unis dans le dialogue direct qui se met en place avec les entreprises d’équarrissage. L’Etat souhaite accompagner tous les acteurs de la filière dans ce chantier et sera particulièrement vigilant à maintenir un niveau identique en matière de sécurité sanitaire et d’épidémio-surveillance.
► 2ème défi : maintenir une activité d’élevage rémunératrice dans les territoires.
La maîtrise des frontières et de nos échanges hors de l’Union n’a de sens qu’à une condition : que nous sachions maintenir notre production et son ancrage durable dans les territoires.
Le bilan de santé de la PAC nous offre une opportunité.
En 2003, la France avait obtenu de préserver le lien entre production et le paiement de certaines primes animales, notamment la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes ou la prime à la brebis. L’objectif de cette décision était d’aider les productions bovine et ovine, en particulier dans les régions où il n’y a pas d’alternative à l’élevage. Cette politique nous a permis de maintenir le cheptel allaitant : ainsi en 2007 comme en 2006, le nombre de vaches allaitantes a progressé pour dépasser les 4,1 millions de têtes. C’est donc une réussite, et notre objectif commun doit aussi être de poursuivre une meilleure valorisation de la production.
Pour que ce débat soit responsable, intelligent et utile, toutes les options doivent être posées : maintien du couplage, découplage : et dans quelle proportion et avec quelle contre-partie ? régionalisation. Aucune hypothèse est exclue a priori. Certaines d’entre elles appliquées de manière isolée auraient de graves conséquences. Mais s’interroger sérieusement sur l’adaptation de l’ensemble de ces outils à nos objectifs me paraît une meilleure méthode avant d’élaborer nos propositions que de ne rien vouloir changer ou de changer sans cette vision globale que nous recherchons tous.
Ainsi, une politique cohérente de l’herbe participe de l’approche globale que je défends. Mais réfléchir à une prime à l’herbe suppose que l’on mette sur la table l’ensemble des soutiens : PMTVA, DPU, PHAE.
De même, le découplage n’a de sens que si on peut proposer des dispositifs plus pérennes, notamment pour l’après 2013, et qui assurent le lien entre activité d’élevage et territoires.
Cette exigence d’ancrage durable dans les territoires est particulièrement nécessaire dans le secteur de l’élevage bovin mais aussi dans le secteur ovin, actuellement confronté à des difficultés majeures.
La Commission nous permet au travers de l’article 69 d’envisager la possibilité de réorienter les aides du 1er pilier. Le bilan de santé porte, en priorité sur le premier pilier. Les aides relevant du second pilier n’ont donc pas fait l’objet de propositions d’évolutions dans le document de la Commission.
Evidemment sur ce sujet, j’ai entendu votre message sur la PHAE (prime herbagère agroenvironnementale), les éleveurs qui le souhaitent pourront renouveler leurs contrats dans quelques jours. Au regard des résultats du bilan de santé dans les prochains mois, je n’écarte pas l’éventualité de refaire le point en 2008, afin de consolider notre politique de soutien à l’herbe.
Quant à l’ICHN :on connait l’importance de cette aide pour la pérennité de l’élevage dans un certain nombre de zones. En 10 ans, le montant moyen d’ICHN perçu par un bénéficiaire aura doublé passant de 2650 euros à 5370.
Si nous voulons pérenniser une politique agricole commune,
– nous devrons discuter avec les autres Etats membres,
– faire bouger la Commission,
– nous mêmes nous mettre en mouvement,
– en sachant que le budget agricole est stabilisé jusqu’en 2013 mais que la réorientation de notre politique devra être engagée à l’intérieur de cette enveloppe qui pour la France représente 10 milliards d’euros.
Et nous devrons maintenir un lien entre l’activité d’élevage et le soutien dans une logique de préservation des bassins de production.
Les questions immédiates à régler
Toutefois, un certain nombre de questions se posent dès aujourd’hui. Je suis là pour les régler avec vous, je suis là pour y apporter des solutions.
1- C’est le cas du Plan de Modernisation des Bâtiments d’Elevage (PMBE). Ce dossier a connu cette année un déroulement satisfaisant.
En raison du succès du programme et malgré les moyens financiers mobilisés – 300 M€ en deux ans – plus de 10 000 dossiers se trouvaient en attente de financement au 31 août 2007.
Cette situation n’était pas acceptable, les éleveurs ont besoin d’avoir une visibilité pour mener à bien leurs projets d’investissements nécessaires au développement de notre filière d’élevage français.
Nous avons défini un nouveau cadre d’intervention qui a permis de financer en 2007 la quasi totalité des dossiers qui étaient en attente au 31 août 2007.
Pour accompagner ce plan, 151 Millions d’euros (crédits du ministère complété par l’Union européenne) ont été engagés pour 9 700 dossiers, avec un effort substantiel des collectivités territoriales dont le montant total engagé est de 56 M€ (en incluant la participation de l’UE). Cette mobilisation de tous a permis de régler le problème des files d’attente.
Cet effort financier sera poursuivi sur les prochaines années.
2- Fièvre catarrhale ovine (FCO)
L’entrée en vigueur du règlement sanitaire européen du 1er novembre 2007 a permis d’assouplir les conditions de mouvements des animaux. Le maintien des flux commerciaux a limité l’impact économique de la fièvre catarrhale ovine.
Mais l’épizootie a continué à progresser et les cas cliniques, les mortalités et les pertes indirectes se sont multipliés dans vos exploitations.
Cela s’est poursuivi pendant l’hiver. Nous n’avons pas pu cette année déclarer de période d’inactivité vectorielle.
80 départements sont aujourd’hui concernés par des mesures sanitaires et plus de 16 000 cas ont été confirmés en France. On peut considérer que l’ensemble de notre territoire est maintenant concerné par le sérotype 8 de la fièvre catarrhale. Le sérotype 1 reste pour le moment cantonné dans les Pyrénées.
Face à cette situation, notre action est maintenant concentrée sur la mise en place dans les meilleurs délais d’un plan de vaccination pour l’ensemble du territoire.
Les appels d’offre que j’ai lancés fin 2007 – et nous étions les premiers en Europe à le faire – nous permettent d’avoir des doses vaccinales pour l’ensemble du cheptel français (4 millions de doses dès avril, 6 millions de doses supplémentaires en mai et nous atteindrons en tout 30 millions de doses utilisée en août).
Pourtant, il nous faut définir des priorités, car la fourniture des vaccins sera étalée sur l’année.
Les 16 départements touchés en 2006 seront prioritaires. Pour le reste du territoire, les priorités bovines seront les animaux en âge de reproduction. S’agissant de la vaccination des ovins et des caprins, les mêmes règles seront appliquées.
Et puis, nous avons un problème particulier avec les exportations vers l’Italie qui souhaite interdire le commerce d’animaux non vaccinés dès le mois de mars. J’ai saisi mon homologue italien pour lui demander des aménagements en attendant le démarrage de la campagne de vaccination.
Les broutards exportés feront partie des priorités de vaccination.
Concernant le financement de la campagne de vaccination 2008, deux éléments sont à prendre en compte :
Pour les vaccins : la Commission européenne a annoncé leur prise en charge à 100 %. Cette aide étant plafonnée, l’Etat apportera le complément nécessaire, soit environ 10 millions d’euros.
Pour la vaccination : la Commission prendra en charge 50% de la campagne. L’Etat assurera le paiement direct des aides européennes aux vétérinaires. La vaccination sera facultative. Son organisation et la facturation aux éleveurs seront traitées dans le cadre des relations habituelles qui existent entre les vétérinaires et leurs clients.
A terme, cette campagne de vaccination permettra de limiter les cas cliniques et les pertes économiques pour les exploitations.
Un observatoire national est mis en place afin de pouvoir suivre objectivement les difficultés économiques rencontrées par les élevages. Les professionnels sont associés à cette démarche, et les premiers résultats seront disponibles en avril.
Sans attendre les résultats de l’observatoire,
dès le mois de septembre dernier une enveloppe de plus de 13 millions d’euros a été débloquée pour indemniser les mortalités et pour abonder le fonds d’allégement des charges.
un soutien supplémentaire sera apporté aux exploitations touchées par la FCO :
3 millions d’euros pour renforcer le fond d’allègement des charges et permettre aux régions qui avaient peu touché d’aides en début d’épizootie de voir leurs enveloppes rééquilibrées. Les instructions sont données pour que la répartition départementale soit effective rapidement.
4 autres millions d’euros pour apporter un complément d’indemnisation aux mortalités constatées en 2007 et début 2008. »

